Grossesses précoces : « Le corps d’une enfant de 13 ans n’est pas prêt »

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Nora est venue livrer son témoignage lors de la projection du documentaire sur les mamans mineures au cinéma Alpajoe, à Mamoudzou.

Ce mardi, l’association Mlezi Maore a organisé la projection d’un documentaire sur les mamans mineures à Mayotte, dans le cadre de la journée internationale des droits de l’enfant. La séance a été suivie de l’intervention de plusieurs professionnels et d’une jeune maman de 16 ans.

« J’ai 16 ans et demi, mon fils a deux ans et demi. » Nora fait partie des nombreuses enfants devenues maman avant 18 ans à Mayotte. Sur le territoire, elles sont entre 400 et 500 mineures par an à voir leur vie bouleversée par une grossesse, qui est dans la majorité des cas inattendue. C’est pour parler de ce sujet, dans le cadre de la semaine dédiée à la journée internationale des droits de l’enfant, que l’association Mlezi Maore a organisé la projection du documentaire « Mamans mineures à Mayotte », écrit par Séline Soula et réalisé par Romain Fleury, au cinéma Alpajoe, ce mardi matin, à Mamoudzou. On peut y découvrir l’histoire de Djaouzaou, 16 ans, qui vit depuis deux ans dans un centre de vie et d’accueil avec son fils, ou celle de Youssra, 17 ans, enceinte de huit mois, qui veut réussir son baccalauréat.

Nora, présente à la projection du film, vit avec son fils dans le Lieu de vie et d’accueil (LVA) de Mlezi Maore, qui accueille et accompagne des mamans mineures avec leurs enfants. Ce n’est pas toujours facile pour la jeune maman, mais cette dernière ne regrette pas son choix d’avoir mené sa grossesse jusqu’au bout et d’avoir son enfant auprès d’elle. « Je n’étais pas prête, mais je ne voulais pas avorter. Je suis fière de ne pas avoir écouté les gens qui me disait de le faire », explique-t-elle.

Un risque pour la santé

Au-delà des conséquences qu’elle peut avoir sur la vie de la maman, qui se retrouve souvent seule, exclue de sa famille et abandonnée par le géniteur, pour qui il est plus compliqué d’aller à l’école, puis de suivre une formation et donc de s’assurer une situation économique stable, une grossesse précoce représente aussi un risque pour la santé de la jeune fille. « Le corps d’une enfant de 13 ans n’est pas prêt pour avoir un enfant. Il y a des risques que l’enfant naisse de façon prématurée, et, dans certains cas, il y a un risque de devoir faire une césarienne », explique Maria Chevolleau, sage-femme à la Protection maternelle et infantile (PMI). Dans le documentaire, on apprend que les grossesses précoces sont la seconde cause de mortalité dans le monde pour les filles entre 15 et 19 ans.

« Ce n’est pas un sujet à aborder sous l’angle du jugement, mais de l’accompagnement et de la prévention », rappelle le sous-préfet Cédric Kari-Herkner. La prévention et la sensibilisation à la santé sexuelle et à la contraception s’imposent en effet comme une nécessité, y compris auprès des jeunes garçons, qui laissent souvent les mamans adolescentes se débrouiller seules. « On tente toujours d’inclure le géniteur dans l’accompagnement », explique Mathilde Lozano, coordinatrice sage-femme à la PMI. Pour Floriane Jacomet, psychologue au LVA de Mlezi Maore, les réseaux sociaux pourraient être un moyen de propager la prévention : « Cela peut être un moyen de faire passer les informations aux jeunes ». Cette dernière a voulu profiter de son intervention pour préciser que certains cas de grossesses précoces vers 16 ans et 17 ans étaient des projets voulus et qu’il ne fallait pas toujours considérer ce sujet sous son angle négatif.

« 14 ans et mariée à un homme de 47 ans »

Sur le territoire, les mariages précoces favorisent les grossesses précoces. « J’aurais aimé que dans le documentaire on interroge les cadis qui célèbrent des mariages de mineures. L’année dernière nous avons eu une information préoccupante pour une fille de 14 ans qui a été mariée à un homme de 47 ans », affirme Nassime Soumaïla, chef de service de la Cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) du Département de Mayotte. « Les mariages de mineures sont encore trop tolérés, je le vois avec mes collègues », constate Manon, une éducatrice présente dans le public. « Il faut qu’on accorde nos points de vue là-dessus. » Une nécessité même pour le personnel travaillant dans la protection et l’accompagnement des enfants. En effet, certaines grossesses précoces ne donnent pas lieu à une information préoccupante lorsque la jeune fille est mariée. Pour rappel : lorsqu’un ou une majeur a une relation sexuelle avec un enfant de moins de 15 ans, la loi considère qu’il y a une absence de consentement de la part de l’enfant.

Une conférence sur les auteurs de violences conjugales

À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui a lieu annuellement le 25 novembre, le pôle Solidarités de Mlezi Maore organise une conférence-débat autour des auteurs de violences conjugales, ce mercredi 22 novembre, de 8h à 12h45. Cet événement est ouvert à tous et se tiendra à l’hémicycle Younoussa Bamana, au conseil départemental, à Mamoudzou.