Grève interprofessionnelle du 5 octobre : l’écho résonne (un peu) à Mayotte

À l’appel de l’intersyndicale nationale, les salariés du public comme du privé ont répondu présents pour protéger les salaires et l’emploi et s’opposer aux réformes de l’assurance chômage et des retraites. Dans le 101ème département, l’égalité, le droit commun et la sécurité ont étoffé la liste des revendications.

Encore un tour, encore un tour !”, crie Said Ali Saindou en agitant son drapeau rouge en tête de cortège. “Il faut qu’ils sachent qu’on est là”, ajoute le technicien mécanicien à EDM, sur le pont depuis 6h30 pour cette journée de mobilisation interprofessionnelle. “On”, c’est la foule derrière lui : une bonne centaine de personnes, la plupart aux couleurs de la CGT Mayotte, réunie ce mardi matin au rond-point Passot, à côté de la Place de la République. “Les raisons pour lesquelles on est là, c’est toujours les mêmes : la sécurité, les salaires, les retraites, le SMIC… Aujourd’hui, on ne peut plus rester les bras croisés”, insiste le gréviste.

C’est à l’appel d’une intersyndicale nationale, composée de la CGT, FO, Solidaires, FSU, et des organisations pour les jeunes (Fidl, MNL, Unef et UNL), que les grévistes, du privé comme du public, ont répondu présents ce mardi. D’après le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, 160 rassemblements étaient prévus dans toute la France. Objectif de la mobilisation : défendre les emplois, les salaires, mais surtout rappeler une opposition farouche aux réformes des retraites et de l’assurance chômage. Cette dernière, entrée en vigueur le vendredi 1er octobre, après avoir été suspendue à deux reprises par le Conseil d’État dans le contexte de crise sanitaire, continue de cristalliser les critiques, qui y voient une précarisation des futurs chômeurs à cause du nouveau mode de calcul de l’indemnisation et de l’allongement de la période d’affiliation permettant l’ouverture de droits. La réforme des retraites, mise de côté à cause du Covid-19, pourrait elle aussi refaire surface en 2022, au grand dam des syndicats.

Le long chemin de Mayotte vers l’égalité sociale

Mais à Mayotte, la manifestation du jour a fait quelques pas de côté par rapport au mouvement national, spécificités locales obligent. Car en matière d’égalité sociale, le 101ème département a encore plus de chemin à parcourir que les travailleurs de l’Hexagone. “La chose qu’on demande, c’est simplement le droit commun ! Nous devons nous battre pour l’égalité, refuser tout ce qui est discriminatoire dans notre département. Il faut qu’on avance, il faut développer Mayotte !”, clame dans le micro le secrétaire général de la CGT-Ma Salim Nahouda. Dans le viseur du syndicat : l’application des conventions collectives nationales, du code de la sécurité sociale, la réhausse des retraites et bien sûr l’alignement sur le SMIC national dès janvier 2022 – le SMIC horaire brut à Mayotte est aujourd’hui de 7.91 euros contre 10.48 euros pour le reste de la France. La marche, entamée place de la République a ainsi pris le chemin de la préfecture de Grande-Terre, pour remettre cette liste de doléances au secrétaire général.

La CGT mène la danse

Si ces revendications concernent toute la population de Mayotte, force est de constater que l’intersyndicale n’aura pas brassé large ce mardi. Majoritaires, les drapeaux rouges de la CGT flottent aux côtés de quelques bannières du syndicat SUD Solidaires, un peu moins nombreux dans le cortège. Pour Said Ali Saindou, l’absence des autres syndicats s’explique par le contexte particulièrement tendu des derniers jours sur l’île aux parfums. “Entre les embouteillages et la sécurité, les gens ont peur de se déplacer”, fait-il valoir. “Les autres syndicats ont d’abord hésité, ensuite ils ont dit que les adhérents viendraient par eux-mêmes… mais finalement, ils n’ont pas appelé”, constate Bruno Deziles, le représentant de la CGT Éduc’action.

“Non au salaire de la peur”

Derrière leur délégué, des membres de l’Éducation nationale, qui manifestaient déjà le 23 septembre dernier pour revendiquer entre autres l’indexation des enseignants affectés à Mayotte au niveau de La Réunion, ont à nouveau pris le chemin de la rue. Au milieu de la foule, quelques pancartes brandies par des personnels du lycée de Kahani s’érigent ainsi pour rappeler le climat d’insécurité permanente qui plane sur l’établissement. “Non au salaire de la peur, oui à l’île du bonheur”, écrivent-ils.

Dans le cortège, chacun vient aussi défendre un peu son bout de gras. “On est là pour soutenir le mouvement national et revendiquer les spécificités de Mayotte”, lance Mogne Mounir Moussa, le secrétaire départemental du syndicat SUD à La Poste. Lui demande un centre financier spécifique ne dépendant plus de La Réunion, ainsi qu’une indemnité différentielle pour rehausser les salaires.

Enfin, sans surprise, le thème de la sécurité s’est une fois de plus invité dans les conversations. “Ça fait deux fois que des querelles Cavani/Kawéni éclatent, car ils sont dans la même aile de la prison”, soupire Ibroihima Condro Mouhamadi, le représentant CGT pénitentiaire, qui déplore la surpopulation carcérale face à des effectifs et des moyens insuffisants. “Il y a des voyous qui viennent devant la prison et lancent des pierres, après les gendarmes envoient des gaz lacrymogènes et ça monte jusqu’en détention !” Preuve que les quatre murs de l’établissement ne le coupent pas entièrement du monde extérieur… “Avec les bangas décasés à Koungou la semaine dernière, ils ont commencé à en construire à côté de la prison. C’est des bombes à retardement !”, alerte-t-il.

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