Après la présentation de la feuille de route locale à la suite du Grenelle de l’éducation qui s’est tenu en fin d’année dernière, le SNUipp-FSU a maintenu son appel à la grève ce mardi 15 juin. Flash Infos a pu, exceptionnellement, prendre part à la réunion d’échanges entre le recteur, Gilles Halbout, et les quatre représentants de l’organisation syndicale. Immersion.
Mardi, 9h30. Devant le cabinet du recteur, l’ambiance est bon enfant entre les quatre représentants du SNUipp-FSU. « Ma fille, Mirana Tle, a cru que j’étais à l’origine des barrages de ce matin », raconte hilare Rivomalala Rakotondravelo, le secrétaire départemental de l’organisation syndicale des enseignants du premier degré. Assis sur leur siège en face de lui, Moinecha Said, Anssiffoudine Port Said et Zaidou Ousseni, ses trois compères, pouffent de rire en guise de réponse. Une anecdote pas si anodine, qui rappelle l’engagement du leader dans les blocages de 2018. Car pour lui, la bataille est quotidienne lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des Mahorais, et plus particulièrement ceux des instituteurs. Une franche camaraderie qui risque bien de se dissiper d’une minute à l’autre, une fois la visioconférence du responsable de l’académie terminée.
10h. Toute la bande pénètre dans le bureau de Gilles Halbout, entouré de Régine Vigier, directrice académique adjointe des services de l’Éducation nationale, et de Sébastien Bernard, directeur des ressources humaines. L’objet de la réunion ? Évoquer la feuille de route pour le 101ème département à la suite du Grenelle de l’éducation qui s’est tenu en fin d’année dernière. « On a pris en compte vos remarques, notamment sur les AED (assistants d’éducation) qui n’étaient pas dans le document initial. On a simplement rajouté deux-trois paragraphes positifs supplémentaires », attaque d’emblée le recteur. Derrière son masque, le chef de file de l’instance syndicale, plus connu sous le nom de Rivo, acquiesce timidement. « Il y a des éléments de nos revendications. »
Les tickets restos de la discorde
Mais une première « polémique » tombe rapidement sur le coin de la table : les tickets restaurants, qui ne sont pas inscrits dans le dossier validé par l’administration centrale. « Personne ne [les] a évoqués lors du comité technique paritaire », s’étonne le responsable de l’académie. Réponse du représentant syndical : « On en a parlé dès votre arrivée [en juillet 2019, ndlr]. » Un imbroglio vite mis au placard par Gilles Halbout, bien décidé à ne pas perdre de temps sur ce non-sujet. « On peut [les] mettre en place immédiatement, on est d’accord et on va le faire ! » Reste encore à réfléchir à son instauration. De ce côté-là, le rectorat a sa petite idée. « Il faut nous affranchir de l’histoire de revenu, mais plutôt nous concentrer sur les écoles qui ont des difficultés de recrutement », propose Sébastien Bernard, dans l’optique d’un consensus.
Mais revenons à nos moutons. La rencontre du jour consiste surtout à évoquer le calendrier de mise en application des mesures prises, qui pour certaines d’entre elles « auront besoin d’un ajustement réglementaire ou législatif », comme le stipule le recteur. À l’instar de l’indemnité de sujétion géographique (ISG) pour les nouveaux titulaires. Quid alors de la hausse de l’indexation des salaires ou encore du versement d’une indemnité spécifique qui tient compte des difficultés de travail dans le département ? « Des éclaircissements pourraient être apportés d’ici la fin de l’année », envisage, avec un certain optimisme, Gilles Halbout.
L’évolution des REP+ gelée en 2021
En revanche, le classement de l’ensemble du département en REP+ provoque davantage de remous. « Seules les écoles maternelles ou élémentaires de Kahani, de Tsararano, de Dembéni et de Ouangani basculent dans le projet », s’insurge Rivo, qui a fait de ce combat son cheval de bataille. « Elles n’étaient pas référencées, il s’agit d’une régularisation », répond du tac au tac Régine Vigier. Mayotte comptabilise 188 établissements du premier degré dans ce dispositif, qui concerne les quartiers ou les secteurs isolés connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales avec des incidences fortes sur la réussite scolaire.
De quoi provoquer la colère vive de Zaidou Ousseni : « Donc on n’en est pas encore là ? » Sauf que cette décision ne revient pas au rectorat directement. « Le ministère a gelé l’évolution des REP+ sur tout le territoire national. Mais on se prépare pour la réforme de 2022, sinon on va reproduire les mêmes erreurs que par le passé », tempère Gilles Halbout, pour calmer les ardeurs de son interlocuteur. En attendant, l’académie fait le forcing pour que cinq secteurs de l’île – Koungou, Passamaïnty, Dzoumogné, Acoua et Kahani – puissent intégrer l’expérimentation sur l’accompagnement académique spécifique en 2021.
Les contractuels, le nerf de la guerre
Autre point qui tient particulièrement à cœur au secrétaire départemental du SNUipp-FSU ? La titularisation des contractuels par voie de concours. « Moi aussi », lui assure le recteur. Sauf qu’une vingtaine d’instituteurs, dotés d’un simple baccalauréat, possèdent un contrat précaire depuis bon nombre d’années. « Ils sont pénalisés par rapport aux jeunes qui ont un bagage bien plus important », regrette Anssiffoudine Port Said. Si Gilles Halbout rappelle l’augmentation du contingent pour les concours internes, il promet de regarder de plus près cette ineptie.
Sans oublier l’égalité de traitement pour tous les néo-contractuels. « On combat le décalage entre ceux qui arrivent sur le territoire et ceux qui y vivent », s’époumone Rivo. Avec la mise en place du concours interne de recrutement de professeurs des écoles depuis 2017, le primaire recense davantage d’enseignants locaux, qui ne sont, de fait, pas éligibles à la prime d’installation, équivalente à cinq mois de salaire. Hasard ou non, le 1er degré ne recense que 20% de contractuels, contre 51% dans le second degré. « On fait face à une urgence dans les collèges et les lycées », rétorque le recteur. « Vous, vous avez une position, d’autres organisations syndicales en ont une autre. Nous, on a tranché ! Mais il faut effectivement une convergence… » À savoir quand cette « discrimination », selon les mots du SNUipp-FSU, prendra fin.
11h. Le débat tantôt cordial tantôt houleux entre les deux parties prend fin. « Il y a des éléments qui vont dans le bon sens. Mais on devait en avoir le cœur net pour ne pas nous faire endormir », lâche Rivo à la sortie, avant d’aller débriefer avec les quelques enseignants postés devant le rectorat. Quoi qu’il en soit, toute la troupe promet de suivre avec attention l’évolution cinétique et temporelle de cette feuille de route. Et espère des avancées concrètes par rapport à leurs remarques d’ici la fin de l’année scolaire, lors du prochain comité technique paritaire.