L’avenir de Chez Cousin, le bar-restaurant de M’tsapéré, est incertain. Fermé administrativement pour quatre mois suite à un arrêté préfectoral du 30 mai, l’établissement risque de faire face à une liquidation judiciaire. C’est cette menace qui a motivé, ce mardi, la demande de suspension en référé-liberté de l’arrêté au tribunal administratif de Mayotte, à Mamoudzou. La décision sera rendue ce mercredi.
Depuis le 31 mai, l’établissement “Chez Cousin”, à Mamoudzou, est fermé administrativement pour une durée de quatre mois, suite à un arrêté préfectoral pris la veille. Ce mardi 11 juin, une audience de référé-liberté s’est tenue au tribunal administratif de Mayotte pour demander au moins la suspension, si ce n’est l’annulation, de cet arrêté. Maître Érick Hesler, l’avocat défendant le gérant du restaurant, a remis en cause la légalité de la décision du préfet. « L’arrêté est vide. On y trouve une liste de griefs sans lieu, ni date, ni nature exacte des faits reprochés. Cela ne permet pas à la SARL de se défendre correctement », commence-t-il, ajoutant que cette décision contrevient à la liberté fondamentale d’entreprendre.
Il continue en argumentant autour de l’article L3332-15 du Code de la santé publique, dont plusieurs alinéas sont cités dans l’arrêté de la préfecture. D’après cette loi, la fermeture administrative d’un débit de boisson peut être exigée à la suite d’une infraction, pour une durée maximale de six mois, après qu’il y ait eu un avertissement. Or, Chez Cousin n’en aurait reçu aucun. Toujours selon cette loi, s’il y a atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, un établissement peut être fermé pour une durée maximale de deux mois. Cet alinéa n’autorise donc pas la fermeture de quatre mois ordonnée par la préfecture. Enfin, le dernier alinéa cité fait état de la possibilité d’une fermeture de six mois si elle est motivée par des actes criminels ou délictueux. Or, selon maître Hesler, son client n’a jamais été condamné pour de tel faits. Il ajoute qu’il n’a jamais non plus fait l’objet de verbalisations et qu’aucune n’a été versée au dossier. « L’administration doit apporter la preuve et la matérialité des faits sur laquelle se fonde sa décision », rappelle-t-il.
« Charger la mule »
Une non-présentation du permis d’exploitation ou encore un défaut de déclaration à la Sacem pour la musique sont également reprochés à Cousin. Des arguments que l’avocat réfute un à un : « On essaie de charger la mule pour avoir quelque chose à dire ». Pour lui, qui estime cet arrêté sans fondement juridique, il s’agit d’un règlement de compte, qui trouverait son origine dans la plainte déposée par un agent de la préfecture à l’encontre du restaurant. En avril, cet agent, habitant à proximité de Chez Cousin, est venu dans l’établissement en pleine « cousinade » (soirée festive du vendredi soir organisée par le bar-dansant), pour se plaindre du bruit et aurait pris l’initiative de débrancher de lui-même les platines. Du matériel aurait été cassé, et des agents de sécurité auraient escorté l’individu hors de l’établissement. Il a ensuite porté plainte, et Cousin a fait la même chose en retour pour dégradation de matériel, conduisant le tout à être classé sans suite. « Cette décision est un règlement de compte. Se servir de ses hautes fonctions en préfecture est inacceptable. Le bruit l’embête, d’accord. Mais user de ses fonctions et faire licencier onze personnes, c’est autre chose », argumente maître Hesler, qui ajoute à de nombreuses reprises qu’à part cette plainte, l’établissement n’en a reçu aucun, malgré « les nombreuses » évoquées dans l’arrêté.
La crainte d’une liquidation judiciaire
C’est l’avenir incertain de l’existence du restaurant qui a poussé l’avocat à faire une demande en référé-liberté et non en référé-suspension, une procédure plus longue mais habituellement utilisée dans ce genre d’affaires. Mais la situation est trop urgente selon lui. Il qui cite l’attestation d’un expert-comptable : cette fermeture de quatre mois va priver Chez Cousin d’un tiers de son chiffre d’affaires, ce qui le conduira inévitablement à la cessation de paiement et à la liquidation judiciaire. Une situation qui serait désastreuse pour l’établissement qui emploie onze salariés, et dont la santé économique a déjà été mise à mal par la crise de l’eau, les travaux pour le Caribus et le mouvement social en début d’année.
Face à cet exposé remis également au juge en référé Marc-Antoine Aebischer dans un mémoire de vingt-cinq pages, le préfet aurait remis un mémoire de deux pages. Une maigreur qui atteste, selon l’avocat, de la pauvreté du dossier à l’encontre de son client. La décision concernant cette demande en référé-liberté sera rendue, ce mercredi, par ordonnance.
Journaliste à Mayotte depuis septembre 2023. Passionnée par les sujets environnementaux et sociétaux. Aime autant raconter Mayotte par écrit et que par vidéo. Quand je ne suis pas en train d’écrire ou de filmer la nature, vous me trouverez dedans.