Voulant continuer à évoluer au sein de structures centrées sur la jeunesse et l’éducation populaire, un jeune Mahorais a vu ses espoirs douchés après avoir voulu suivre une formation dispensée par la Mifac (Mayotte ingénierie formation audit et conseil). Très critique envers celle-ci, Samir Moussa de Cavani rejette son expulsion au cours du mois dernier et a même pris un avocat pour porter l’affaire en justice.
C’est une mésaventure singulière qui arrive à Samir Moussa de Cavani, un jeune originaire du village de Choungui, dans le sud de l’île. Voilà des années qu’il évolue dans le mouvement de la jeunesse et de l’éducation populaire à Mayotte, enchaînant les formations, expériences, qualifications et diplômes (Bafa, CEMEA, BAFD, BPJEPS), avec le souci permanent de toujours aller de l’avant en améliorant ses compétences à chaque fois que cela est possible. C’est dans cette dynamique qu’il s’inscrit en avril 2022 à une formation de « DEJEPS-spécialité, animation socioéducative ou culturelle, mention développement de projets de territoires et réseaux ». Vous l’aurez compris, le rêve d’une bonne promotion sociale et professionnelle pour un jeune de 31 ans très investi dans le développement d’action éducative à Kawéni, qui voit son avenir tout tracé à travers cette opportunité. Ce diplôme d’État permet à son détenteur l’accès à un poste à responsabilité et un rôle de coordination de projet de territoire et d’encadrement d’une équipe éducative au sein d’une collectivité ou structure associative.
A l’issue de la phase de sélection (vendredi 15 et mardi 19 avril 2022) organisée à Tsingoni, 18 personnes (dont Samir Moussa) sont retenues pour cette formation qui doit durer de mai 2022 à septembre 2023. Celle-ci est dispensée par un organisme dénommé Mifac (Mayotte ingénierie formation audit et conseil, voir encadré). Elles ont été invitées à se regrouper, la première semaine à Ouangani, avant d’être redirigées dans les locaux de l’office des sports des 3CO (communauté des communes de l’Ouest), inadaptés en termes d’équipements pour une telle formation. Il leur a fallu attendre le mois de septembre dernier pour que les stagiaires intègrent les locaux définitifs de la structure à Tsingoni. Mais ce qui braque nos projecteurs sur ce centre de formation c’est un courrier (A/R) en date du 22 septembre 2022 relatif à une convocation du jeune Samir à un entretien préalable à une mesure disciplinaire prévu pour le vendredi 30 septembre à 10 heures, en application de l’article 19 du règlement intérieur de l’organisme de formation. A cette occasion, il se voit reprocher « des retards, rappels à l’ordre, remarques, absences … », et selon ses dires « des remarques invisibles (par lui), de comportements liés à une posture arrogante et hautaine ». En un mot, ladite posture le rendrait, aux yeux du dirigeant de la Mifac, inapte à exercer des responsabilités et un rôle de coordination.
Une procédure expéditive
Dans un courrier daté du 6 septembre, une décision de résiliation du contrat de formation, en violation totale de la procédure prévue dans l’article 19 du règlement intérieur du centre de formation, lui est notifiée. Que faut-il entendre exactement par ce qualificatif de « remarques invisibles, de comportements liés à une posture arrogante et hautaine » que Samir Moussa de Cavani rejette en bloc ? Droit dans ses bottes, celui-ci a rejeté de tels faits durant son entretien du 30 septembre 2022 alors que le courrier est très explicite sur ce point, soulignant « d’autre part, que vous n’avez pas été en mesure de nous convaincre pour vous donner une énième chance de poursuivre la formation, de part la sincérité de vos arguments et vos propos ».
Le jeudi 1er septembre, il se voit refuser l’accès à la formation. Selon lui, la principale raison de son expulsion de ce cursus au coût exorbitant de 10.105 euros par personne (payée par le conseil départemental en faveur de douze demandeurs d’emplois, et par le secteur privé ou des structures d’employeurs au profit six salariés) serait sa grande connaissance des milieux de la jeunesse et de l’éducation populaire et des expériences déjà acquises au travers d’autres formations. En effet, celles-ci lui auraient permises, à maintes reprises, de faire à ses camarades, dans le cadre unique d’échanges pédagogiques, des observations peu flatteuses sur l’organisation interne quotidienne du centre de formation. Il pointe « la non-pertinence » de certains sujets de formation ou encore le recours à des méthodes non appropriées dans l’éducation populaire. A l’inverse, il aurait relevé des interventions de grandes qualités d’intervenants externes à la Mifac. Samir Moussa de Cavani dénonce la décision conduisant à son éviction de la formation, décision prise selon lui bien en amont de l’entretien du 30 septembre dans la mesure où les retards et absences injustifiés seraient légion dans l’organisme, et où un grand nombre de stagiaires auraient en réalité « un lien d’amitié, si ce n’est de parenté direct ou indirect, avec les dirigeants » de la structure.
« Il y a parmi les dix-huit stagiaires de la promotion, des personnes hors cadre, des jeunes à peine sortis du lycée, auxquels l’on cherche simplement à attribuer par complaisance un diplôme prestigieux », martèle ce dernier, qui a engagé un avocat pour porter l’affaire devant la justice afin de demander réparation.
Silence radio du côté de la Mifac
L’examen approfondi de l’article 19 du règlement intérieur de Mifac démontre en effet que la procédure disciplinaire engagée contre Samir Moussa n’a pas respecté certaines règles édictées. Par ailleurs, toutes nos tentatives d’obtenir la version de l’organisme sur cette affaire sont restées vaines. Un rendez-vous téléphonique fixé à mardi 16 h s’est transformé en un blocage systématique de nos appels répétés. Autre curiosité, plusieurs stagiaires désireux de témoigner sous couvert de l’anonymat se sont tous rétractés au dernier moment, ou répondent aux abonnés absents.