« Être parents à Mayotte est dix fois plus difficile qu’en métropole ! »

Dans le cadre du rapport d’information sur la parentalité dans les Outre-mer, la délégation sénatoriale aux Outre-mer et celle aux droits des femmes ont organisé une table-ronde dédiée à la situation à Mayotte, ce jeudi. A cette occasion, différents acteurs impliqués dans le soutien aux familles ont pris la parole pour livrer leur analyse des spécificités de la situation mahoraise. 

Si certains constats sur la parentalité sont communs aux différents territoires d’Outre-mer, chacun présente ces spécificités. Ce jeudi matin, les deux délégations se sont intéressées à la situation « très particulière de Mayotte, qui est à la fois le plus jeune et le plus pauvre des départements français », souligne en ouverture Victoire Jasmin, rapporteur sur ce dossier. 

Le rapport à la parentalité à Mayotte est, depuis ces dernières années, impactée par l’évolution démographique que connait le département. Pour le président de l’association Espoir et réussite, Mohamed Tony, « plus de 34 % d’immigrés sont des femmes de 15 à 34 ans ». Il ajoute qu’il s’agit de femmes « qui entrent sur le marché matrimonial et qui sont en âge de procréer ». Un deuxième point à prendre en compte dans cette thématique de la parentalité, c’est qu’aujourd’hui les modes de vie changent et l’île « se calque au modèle de vie européenne » selon le président de l’association. 

« Savoir jongler entre deux systèmes éducatifs »

« Être parents à Mayotte est dix fois plus difficile qu’en métropole ! », lance Mohamed Tony. D’après lui, les parents mahorais subissent les conséquences d’un territoire peu développé dans plusieurs domaines notamment économiques avec un taux de chômage élevé, un nombre de naissances grandissant ou encore un taux d’illettrisme important. En effet, à Mayotte, 58 % des habitants en âge de travailler ne maîtrisent pas les compétences de base à l’écrit en langue française. Un avis partagé par Zaïnaba Ahmed Haroussi, directrice territoriale des Ceméa (Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active) de Mayotte, qui ajoute que « l’alphabétisation contribue de façon indéniable à l’autonomisation et au développement socio-culturel, qui permet d’améliorer conditions de vie et de travail ». 

L’une des évolutions majeures dans la parentalité à Mayotte aujourd’hui, c’est de « savoir jongler entre deux systèmes éducatifs, entre le système traditionnel et le système dit républicain », explique Ambouharia Abdou, administratrice à l’Udaf (Union départemental des associations familiales) de Mayotte. En adéquation à cette affirmation, l’accompagnement des parents est l’une des réponses proposées comme solution. « Il y a un besoin de responsabiliser les parents face à cette éducation, car il y en a beaucoup qui se retrouvent démunis face à cette évolution », affirme Enrafati Djihadi, directrice de l’Udaf. En complément, Moissoukari Madi, responsable du secteur action sociale à la CSSM (Caisse de sécurité sociale de Mayotte), est intervenue sur l’importance d’un accompagnement à « la professionnalisation des différents partenaires », qui pour le moment engendre « un gros turn-over » et « empêche nos structures d’êtres pérennes pour réalisation l’accompagnement envers les familles ». L’enjeu majeur étant de réussir à coordonner les acteurs intervenant sur le champ de la parentalité. 

Aligner les prestations sociales ?

En métropole ou dans les autres territoires ultramarins, des dispositifs administratifs de soutien à la parentalité et de modes de gardes existent. A Mayotte, tous ne sont pas déployés, notamment les crèches – avec un taux de couverture aux alentours de 4%, les périscolaires ou à l’inverse, une forte présence de l’école en rotation. « Le manque de ces dispositifs peut causer des difficultés », note Rémy Posteau, directeur des prestations familiales à la CSSM.  En outre, la question sur l’alignement des prestations sociales entre Mayotte et l’Hexagone est abordée. Pour Philippe Féry, nouveau directeur de la CSSM, Mayotte est un territoire « en développement, en rattrapage ». La mise en place de l’alignement sur les droits sociaux, ne créera pas « d’appel d’air » selon Enrafati Djihadi. Car selon elle, « nous savons qu’il y a des conditions d’éligibilité, mais cela aidera beaucoup de familles tout de même ». 

Au moment de son intervention, le sénateur Thani Mohamed Soilihi a tenu à rappeler l’importance « de répondre à tout le questionnaire en donnant le plus de précisions possibles ». En effet, un formulaire a été fourni à chaque intervenant dans le but de rendre ce rapport le plus complet possible. « On a compris qu’il y avait urgence et vos témoignages sont importants », confie Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, en clôture de l’audition.

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