Entre 440.000 et 760.000 habitants à Mayotte à l’horizon 2050 ?

Jeudi matin, le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) et l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont conjointement présenté trois scénarii concernant l’évolution de la population sur le territoire à l’horizon 2050. Selon ces hypothèses, l’île aux parfums pourrait compter entre 440.000 et 760.000 habitants d’ici 30 ans. Des chiffres qui n’ont pas manqué de faire réagir l’assemblée présente à l’hémicycle Younoussa Bamana. 

Si l’île aux parfums concentre 256.200 habitants en 2017, quid de 2050 ? Pour y répondre, l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) ont réalisé une étude en partenariat. « On a besoin de lire le devenir [du territoire] sur le long terme », a annoncé d’emblée Abdou Dahalani, le président de la structure qui a pour vocation de conseiller les pouvoirs publics. « La méthode du coup par coup a atteint ses limites. » Missionnés pour cet exercice de projection démographique, les deux entités ont dévoilé ce mercredi, dans l’enceinte de l’hémicycle Younoussa Bamana, les résultats tant attendus. Trois scénarii se dégagent quant à l’évolution démographique d’ici 30 ans, qui « dépend des migrations, qui [elles-mêmes] impactent la fécondité future », a souligné Jamel Mekkaoui, le chef du service régional de l’Insee. 

La première hypothèse, « la plus catastrophique », prévoirait un contingent de 760.000 âmes sur le territoire, si l’on se base sur les flux migratoires élevés observés entre 2012 et 2017. Un chiffre qui correspondrait, ni plus ni moins, à un triplement de la population, soit 2.000 habitants au kilomètre carré. « En 2050, 28.000 bébés naîtraient », a ajouté le Monsieur chiffres. Une possibilité complètement délirante alors que Mayotte s’avère déjà être la première maternité de France avec 10.000 naissances par an… Autre donnée édifiante : le territoire resterait le département le plus jeune de France avec 51% de moins de 20 ans, contre 54% en 2017. Avec un solde migratoire nul, 530.000 personnes habiteraient sur l’île, soit un doublement de la population. La fécondité baisserait progressivement pour atteindre 3.1 femmes par femme en 2030, rappelant les grandes heures de la politique de planification familiale « 1, 2, 3, bass » dans les années 90. Concernant l’espérance de vie, celle-ci augmenterait pour atteindre 82 ans, tandis que l’âge moyen des habitants passerait à 30 ans. Les moins de 20 ans seraient moins nombreux que les 20-59 ans à partir de 2030 et la part des séniors dans la population triplerait, de 4 à 12%. Enfin, dans le cas d’un déficit migratoire, le scénario envisagé serait de l’ordre de 440.000 habitants, soit 1.7 fois plus qu’à l’heure actuelle. La population évoluerait alors à un rythme moyen de 1.6% par an sur la période et la part de personnes âgées de 60 ans ou plus serait un peu plus élevée (14% contre 12%). « Ces projections sont fondées sur des hypothèses », a insisté Jamel Mekkaoui. « On n’est pas devin ! ». Des propos confortés par Abdou Dahalani, qui a rappelé l’objectif du Cesem : « Notre but est de susciter la réflexion pour construire de vraies politiques publiques. » Et à ses yeux, il faut que « les élus engagent les réformes dès maintenant ». 

Un jeu de questions-réponses 

Une présentation exhaustive, qui n’a pas manqué de faire réagir l’assemblée. En tête de liste, Marc Dubois, chercheur au CUFR de Dembéni, qui a ouvert le bal. Ce dernier a alors émis quelques doutes sur la réflexion menée, notamment par rapport à l’absence de valeurs absolues. « Le seuil de pauvreté est passé de 84 à 77%. Or, en réalité le nombre de personnes pauvres à Mayotte a augmenté puisque la population a explosé. » En réponse, le chef du service régional de l’Insee a expliqué que « plus on va loin dans le temps, plus la probabilité est faible, mais on a des étapes intermédiaires avec les années 2030 et 2040 ». De son côté, l’auteur Madi Abdou N’Tro a regretté que les élus ne soient pas intégrés à la conférence « pour leur faire savoir dans quel bourbier ils sont ». Avant d’envisager d’exposer ces différentes éventualités « aux lycéens et aux étudiants pour leur faire prendre conscience » de l’avenir qui les attend. D’autres voix dissidentes se sont également élevées dans l’hémicycle. « Il devrait y avoir un quatrième scénario qui prendrait en compte la lutte contre l’immigration clandestine », a-t-on pu entendre. Ou encore, la prise de parole d’un citoyen lambda qui est revenu sur « l’amalgame peuplement et population [qui] peut faire peur ». Par ailleurs, pour un autre invité, « l’évolution des conditions d’éducation et de santé peut avoir comme conséquence un exode massif » tandis que « l’évolution du développement des pays de l’Afrique de l’Est peut entraîner un renversement de l’immigration ». Deux possibilités accueillies par quelques applaudissements de ses pairs assis à ses côtés. Face à tous ces questionnements, Abdou Dahalani a mis les points sur les « i ». « Le champ des réflexions va encore s’ouvrir », « la dimension sociologique n’est pas encore cernée », « une évolution quelconque à Mayotte ou ailleurs peut avoir des répercussions », « si le scénario 1 se produit, ça va être un casse-tête pour nos dirigeants », a-t-il confié aux uns et aux autres. En guise de conclusion, il a surtout martelé que quelle que soit l’hypothèse, le défi serait de taille ! « En 2027, on devra doubler le volume d’eau produit actuellement. Imaginez ces besoins de base. » On n’ose donc pas envisager le pire effectivement…

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