En attendant l’arrivée de Gérald Darmanin …

Branlebas de combat tous azimuts en prévision de l’opération « Wuambushu » du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, qui doit commencer en avril. L’affaire prend la tournure d’un débat public, entre partisans et adversaires, sur l’île. Cet article marque le début d’une série en plusieurs volets avant ladite opération.

Décidément, qu’en sera-t-il concrètement de l’opération « Wuambushu » ? Annoncé comme « une action spectaculaire » par Gérald Darmanin lors de son dernier déplacement à Mayotte en janvier, cet événement destiné à marquer les esprits (des Mahorais, comme des Comoriens et des Hexagonaux), pourrait avoir atteint son but bien avant le mois d’avril. Partout et à toute heure, dans toutes les couches de la société, les gens parlent du décasage annoncé et de l’expulsion des occupants vers leurs pays d’origine. Pour l’heure, l’inquiétude des habitants de Mayotte a déjà atteint son paroxysme, pour des raisons multiples. Les annonces n’émeuvent plus personne. « C’est l’enfer dans lequel baigne tout un chacun depuis quinze ans, y compris du temps où ce même Gérald Darmanin était aux affaires dans un autre gouvernement », fait remarquer un opérateur économique local, au cours d’une traversée de barge. La question à laquelle s’accroche les gens (qu’ils soient en faveur ou contre l’opération), c’est pourquoi maintenant seulement ? Et pourquoi cette méthode ? La question se pose même chez les élus du même bord que le gouvernement. Le mot n’est plus tabou, ici on évoque les risques d’émeutes grande ampleur. Certains, issus de milieux divers osent prononcer les mots de « guerre civile », comme le député Mansour Kamardine. L’évidence pour tous est qu’il y aura à Mayotte, « un avant et un après l’opération Wuambushu », et l’on s’interroge si l’État a réellement pris toute la mesure de cette affaire. 

« Un volcan sous-marin social »

Car, avance-t-on sur les places publiques, ce n’est pas « un spectacle de quelques semaines, quelques mois, qui va refroidir un volcan sous-marin social que l’on a laissé bouillonner deux décennies durant qui s’effacera avec des renforts de force de l’ordre. Les arrangements politiciens du Quai d’Orsay avec les gouvernements successifs des Comores nous ont tout droit conduit dans ce cauchemar », fait observer un agent d’une collectivité locale. Il estime qu’une fois que le ministère de l’Intérieur aura atteint ses objectifs, tout l’armada de renforts de gendarmes et policiers qui vont être déployés, trois mois apparemment, sur le territoire, repartira comme elle est venue, et l’insécurité reviendra comme dans le passé. « Au sommet de l’État, des gens ont laissé les choses s’empirer et là, sans doute pour des raisons électorales, on nous annonce cette opération. Nous, tout ce que nous appelons de nos vœux, c’est la fin de cet enfer et la sécurité de nos enfants quand ils vont à l’école. Marine Le Pen ou Emmanuel Macron, ces gens nous prennent tous ici pour des marionnettes », avance Fatima Abdou de Passamaïnty. Les questions fusent de partout et sont toutes légitimes d’un camp à un autre. En effet, réunies sur la place de la République à Mamoudzou, ce lundi, sous un soleil de plomb, les femmes leaders tiennent elles un autre son de cloche. Elles soutiennent l’opération annoncée et insistent même sur le besoin de sa pérennité tous les ans vaille que vaille.

Aucune place d’hébergement disponible

Du spectacle, il y en aura certainement ! Il y a au menu 1.050 gendarmes mobilisables avec un doublement de l’effectif déjà présent, 120 policiers supplémentaires doivent venir grossir les rangs des troupes existantes pour atteindre un chiffre total de 820 agents (dont 10 officiers de police judiciaire). La justice administrative est également mobilisée et prévoit jusqu’à six audiences par jour (trois le matin et trois le soir) par visioconférence depuis le département voisin de La Réunion. Absolument toutes les places d’hébergement de l’île sont réquisitionnées pour loger le bras armé de l’État, y compris la moindre petite structure de chambres d’hôtes. 

Face à ce qui se prépare, la partie adverse ne se veut pas en reste. « Au nom du respect des droits humains, du respect des règles de droit en France et en Europe, mais aussi de l’image de la France dans le monde », nous dit-on, un collectif d’avocats des barreaux réunionnais est déjà sur le qui-vive. Il est même décidé à noyer les magistrats du tribunal administratif (TA), sous une montagne de recours en annulation de procédures. La question du relogement obligatoire des familles en situation régulière va souvent se poser. Tout comme pour la réquisition des lieux d’hébergement d’urgence tels que les gymnases dans les huit communes où cette politique de gros muscles va s’appliquer.

Des sources pensent que ce même tribunal « pourrait rejeter l’intérêt d’agir » des associations et organisations (Ligue des droits de l’homme, Cimade, Médecins du Monde) œuvrant en faveur des ressortissants étrangers en pareilles circonstances. Il est vrai que même dans les rangs de la fédération locale de Renaissance (ex-La République en marche), le parti d’Emmanuel Macron, certains ne cachent pas, en privé bien sûr, la crainte de probables dérapages et un usage disproportionné de la force publique. 

D’autres sources minimisent un tel risque : « Il sera contenu par le recours massif de policiers ayant déjà servi à Mayotte, maîtrisant bien le terrain sur tous les plans, lesquels vont encadrer leurs collègues qui viendront pour la première fois ».

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