La Petite-Terre panse elle aussi ses plaies suite aucyclone Chido, qui a dévasté l’archipel, le 14 décembre. Quatre semaines plus tard, les habitants montrent une certaine exaspération quant à la manière dont les opérations de raccordement sont conduites sur le terrain par Électricité de Mayotte (EDM). Ils réclament un renforcement de cette équipe pour accélérer la cadence des raccordements.
Quatre semaines après le passage du cyclone Chido, la population de Petite-Terre cherche, elle aussi, à effacer les stigmates de cette catastrophe naturelle sans précédent à Mayotte. Plus que l’alimentaire, la chose la plus recherchée est l’énergie électrique et le gaz. Un vent de colère commence à faire surface au sein de la population. A l’instar d’autres localités de Mayotte, la Petite-Terre a payé un lourd tribut au cyclone Chido, le 14 décembre. Des poteaux arrachés par la force des vents, des fils électriques et de téléphones jonchent encore les rues de nombreux quartiers de Labattoirprivant les foyers de la précieuse énergie. Sur place, Électricité de Mayotte (EDM) a déployé sur le terrain huit agents pour raccorder des milliers de maisons au réseau électrique. Ils croulent sous le travail et le lent retour à la normale devaient difficilement compréhensible par les usagers. En effet, cinq jours après la dévastation de « la Pépite de Mayotte » par Chido, les agents d’EDM sont intervenus sur un petit tronçon de la rue du Commerce pour alimenter l’hôtel de ville de Dzaoudzi-Labattoir. Quelques foyers alentours et des lieux de culte ont eu alors le privilège d’en bénéficier. « Nous ne sommes pas ici pour raccorder toutes les maisons, nous avons instructions de prioriser les mairies de Labattoir et Pamandzi ainsi que les locaux de l’Intercommunalité seulement. Nous avons trouvé inhumain de laisser les habitations alentours dans le noir et c’est pour ça que nous avons pris sur nous de les raccorder également », lance à un habitant l’un des agents EDM à la manœuvre.
Les jours d’après ont été plus significatifs quant à l’absence d’un plan pensé pour ramener l’électricité en Petite-Terre. Les mêmes agents pouvaient démarrer une activité sur un tronçon et se retrouver appeler dans un autre quartier sur exigence d’un conseiller municipal influent, provoquant une certaine colère de la population. « Le maire s’en lave les mains et met tout sur le dos du préfet de Mayotte, sauf qu’il est en contact régulier avec ce dernier pour arrêter les priorités quotidiennes afin que nous puissions intervenir », confie un autre agent EDM exaspéré par l’injustice résultant de ce micmac. Et si vous avez la malchance d’avoir un poteau arraché ou cassé en deux, la réponse est immédiate, « vous n’avez aucune chance d’avoir l’électricité pendant un moment, nous attendons un arrivage de poteaux neufs par bateau et des renforts de collègues d’Electricité de France (EDF) qui vont venir nous épauler. Tout ce que nous faisons-là c’est du provisoire, EDM a géolocalisé les poteaux tombés à terre, vous devez attendre ».
« Les jeunes du quartier ont replanté les poteaux »
Pour prendre la mesure du problème, il faut se balader dans les rues de Labattoir pendant la nuit, de zones entières de la ville sont encore plongées dans le noir, et malgré le couvre-feu décrété par la préfecture, des familles ont choisi de vivre dehors, devant leurs habitations pour profiter du clair de lune ou de l’éclairage fourni par quelques lampadaires fonctionnant à l’énergiesolaire, les rares rescapés de la fureur du cyclone Chido. Dans le quartier Racini, aux abords de la mosquée du vendredi, deux femmes bavardent dans une ruelle, leur sujet de conversation n’est autre que le manque d’électricité. « Des agents d’EDM sont passés ici, il y a plusieurs jours, ils nous ont dit qu’ils ne peuvent rien faire tant qu’il y aura des fils électriques et des poteaux en bois par terre. Les jeunes du quartier se sont organisés en fin de semaine, ils ont replanté les poteaux en question, remonter les fils au-dessus des toitures, mais nous sommes toujours dans le noir, parce que les techniciens d’EDM ne sont toujours pas repassés par ici », se plaint l’une d’entre elles. Dans le quartier voisin de Bambao, le constat est le même, les familles essaient de reprendre un semblant de vie en s’attroupant devant les lampadaires solaires ou en restant dehors assises à même le sol devant leurs habitations. Certaines d’entre elles pestent en regardant les maisons éclairées des hauteurs de Four-à-chaux, de l’autre côté de la rue principale divisant la ville en deux.
Un mouvement à la centrale
Le maire de la commune, Mikidache Houmadi, croule sous les sollicitations de ses administrés qui ne comprennent pas le retard pris dans les opérations d’EDM. « Je comprends la réaction de ma population, d’autant plus qu’il m’a été demandé de faire nettoyer les grands axes routiers de la ville condition sine qua none pour une intervention des agents EDM, SMAE et Orange. Cela a été fait grâce une mobilisation de tous nos moyens techniques et humains », explique-t-il. Lundi soir, par exemple, il a reçu de nombreux appels émanent de résidants des quartiers Mbouyoujou, Bambao, Mouzdalifa et Mangamagari, l’informant de leur intention d’aller fermer la centrale électrique des Badamiers pour signifier leur mécontentement. Ils demandaient au maire d’aller soutenir leur mouvement (ce qu’il a fait) et faciliter d’éventuelles négociations avec les autorités. « J’ai appelé le préfet pour le tenir au courant, il m’a répondu qu’il allait dépêcher la sous-préfète Nathalie Gimonet (N.D.L.R. l’ancienne chargée de la lutte contre l’immigration clandestine coordonne le rétablissement du réseau électrique) pour voir comment résoudre ce problème. »
Sur place, le maire a contacté par téléphone la direction du fournisseur d’énergie pour l’inviter à participer à une réunion de travail en mairie, à 11 heures, avec des représentants de la population, des acteurs économiques locaux et la sous-préfète. Après le cyclone, les urgences étaient fixées par le préfet en association avec les maires de Mayotte. La situation étant depuis changée, le premier magistrat de Dzaoudzi-Labattoir s’attendait à ce que les agents d’EDM s’investissent dans le raccordement des tous les foyers au réseau, en particulier dans le centre-ville. « Il n’en est rien ! La société annonce des chiffres erronés sur le taux de raccordement supérieur à 50 %, alors qu’à ce jour,seuls 20 % des foyers ont retrouvé l’électricité » tient-il à préciser, dénonçant au passage des dysfonctionnements consécutifs aux initiatives propres des agents d’EDM, sources de polémiques au sein de la population. « Au lieu de procéder au rétablissement du courant quartier après quartier, certains d’entre eux, préfèrent aller rétablir l’électricité dans leurs propres habitations et celles de leurs proches. Ensuite, ils font croire aux usagers que c’est le maire qui arrête les priorités dans leurs interventions » s’offusque-t-il. A l’issue de la réunion, le premier élu a obtenu de la sous-préfète que lui soit désigné un référent EDM qui le tiendra informé des objectifs journaliers de raccordement au réseau afin qu’à son tour il puisse disposer d’informations suffisantes à destination de la population. Il a également souhaité une priorisation en faveur des personnes malades ou souffrant d’handicaps suivies par les services du centre communal d’action social (CCAS) et de l’Agence régionale de santé. A défaut, qu’une solution intermédiaire puisse être trouvée au moyen de groupes électrogènes.
La rencontre s’est avérée payante car dès mercredi, l’électricité est revenue dans une partie des quartiers Mbouyoujou et Bambao et se poursuit dans d’autres endroits de la ville. Le maire insiste sur un retour prioritaire du courant dans le centre-ville où se concentre l’activité économique.
Journaliste politique & économique