A Madagascar, des petites communautés mahoraises oubliées depuis plusieurs décennies lancent un cri d’alarme pour se faire entendre des autorités départementales. Ils demandent de l’aide pour pouvoir revenir dans leur île natale ou la terre de leurs aïeux.
C’est un appel à l’aide qui a été relayé en fin de semaine dernière par MM. Daniel Madi Moussa et Ben Ali Tsontso Manandzafy, respectivement responsables des associations « La Terre Promise » et « Outrou ». Les deux hommes ont expliqué au cours d’une conférence de presse à Mamoudzou vendredi matin qu’il existe dans la province du Boeny (dont Mahajanga est la ville chef-lieu) des communautés originaires de Mayotte, qualifiables d’apatrides, et qui souhaitent rejoindre notre île, avec le soutien des autorités du département parce qu’ils ont perdu leur citoyenneté française. Ce n’est pas l’histoire des Falashas d’Éthiopie récupérés à grand renfort de ponts aériens par l’État d’Israël, mais ça y ressemble à quelques choses près.
En effet, l’Histoire n’a cessé de nous enseigner les migrations entre l’Afrique de l’Est et Madagascar, avec Mayotte comme tête de pont dans ces mouvements de personnes. Ce phénomène s’est amplifié suite à l’indépendance de la Grande île en 1966. La première République malgache dirigée par Philibert Tsiranana a réservé une place importante aux communautés comorienne et mahoraise dans son nouveau processus de développement post-colonial. Il en a résulté un pogrom contre les communautés comoriennes en 1976 qui a donné lieu à un rapatriement par la France de tous les originaires de Mayotte qui avaient demandé la protection consulaire. Surnommés les « Magochi ntchora » (chaussures pointues, littéralement) à leur arrivée sur le territoire, ils ont tous alors bénéficié d’un élan général extraordinaire de générosité de tous les Mahorais.
Un casse-tête à venir pour les administrations locales
L’administration de la collectivité territoriale de Mayotte a accompagné leur installation et insertion sociale. A cette époque, ces mêmes autorités avaient connaissance d’un nombre peu élevé de Mahorais ayant choisi de demeurer sur le sol malgache, soit pour des raisons familiales et personnelles, soit parce qu’ils avaient réussi à se mettre en sécurité dans d’autres provinces côtières autre que le Boeny, ou encore par crainte que l’accueil sur leur terre d’origine ne soit pas des meilleurs. Beaucoup d’entre eux ont par la suite maintenu des liens distants avec leurs familles à Mayotte. Pour une courte durée, car la 3ème République malgache, sous la direction de l’amiral Didier Ratsiraka, avait décidé de nombreuses nationalisations.
Ainsi, les communautés comoriennes survivantes du pogrom de 1976 ont dû opter pour la nationalité malgache, avec cependant une mention marginale : malgache musulman ! Quid des Mahorais de Madagascar ? Il semblerait aujourd’hui qu’ils n’aient jamais cherché à faire valoir leurs droits à la nationalité française auprès des consulats français, parce qu’étant dans l’incapacité de produire toutes les pièces justificatives, étant sans contact avec leur parenté à Mayotte. Elles se présenteraient en trois composants, les émigrants de la première génération, leurs enfants et leurs petits enfants. Autant dire un casse-tête pour définir laquelle des 3 générations pourra être en mesure de faire valoir réellement ce que les associations qui les soutiennent appellent « le droit des peuples premiers à retourner sur leur terre ancestrale ».
Un difficile travail d’identification
Outre les aspects juridiques et administratifs, cette affaire s’annonce des plus délicates et de longue haleine. D’abord, il est nécessaire que les autorités locales s’imprègnent de ce dossier et fassent corps commun pour convaincre les plus hautes instances de l’État français, afin que ce droit au retour soit effectivement pris en compte. Ensuite, il faudra mobiliser, comme en 1976, familles, collectivités locales et associations pour accueillir, le moment venu, toutes ces personnes et faciliter leur intégration au sein de la société. Les responsables des deux associations à l’origine de cette conférence de presse ont conscience du fait qu’un dur travail de recensement est à réaliser dans les différentes communes mahoraises pour essayer d’identifier leurs parents proches et prouver leur filiation.
Les demandes formulées devront être étudiées au cas par cas pour évaluer les chances de chacun à pouvoir éventuellement bénéficier de ce droit au retour. Selon Daniel Madi Moussa, son association accompagne déjà plusieurs cas de ces Mahorais « particuliers » ayant réussi à rejoindre illégalement le département. Un recensement aurait déjà démarré dans les provinces malgaches concernées par ce phénomène pour essayer d’identifier toutes les demandes. Pour sa part, M. Ben Ali insiste sur l’urgence qu’il y a pour les élus mahorais de se pencher sur ce dossier car certains cas sont sujets à des souffrances matérielles et de détresse morale caractérisées. Ils survivraient actuellement de la charité des mosquées tenues par la diaspora indienne à Madagascar.