Délégué de Mayotte à La Réunion : “Les deux communautés ont toujours eu des difficultés relationnelles”

Les conditions de vie des Mahorais chez nos voisins sont connues de tous, et particulièrement de la délégation de Mayotte à La Réunion, un service instauré par le 101ème département à l’île Bourbon pour accompagner les Mahorais dans tous types de démarches. Mohamed Elanrif Bamcolo, le délégué, reconnaît et déplore le conflit entre les Réunionnais et les Mahorais. La situation ne date pas d’aujourd’hui, mais des solutions sont envisageables.

Flash Infos : La délégation de Mayotte à La Réunion accompagne les familles mahoraises dans leurs démarches administratives, mais également dans leur processus d’intégration sociale. De quelles manières vivent les Mahorais qui s’installent à La Réunion ?

Mohamed Elanrif Bamcolo : À La Réunion, 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 116.000 personnes son illettrées. Dans ces statistiques, il y a des beaucoup de Mahorais, c’est une réalité, mais également des gens d’autres communautés. Il y a des quartiers prioritaires, les habitants qui y vivent sont dans la précarité, dans des logements insalubres et là encore, nous retrouvons de nombreuses familles mahoraises. À cela s’ajoute la difficulté d’accéder à des équipements publics. Je pense que ce sont des réalités qui se justifient par le taux de chômage important à La réunion.

FI : Quelles solutions leur apportez-vous dans ces conditions ?

M. E. B. : En tant que représentation extérieure du département de La Réunion, nous n’avons pas de solution, nous n’avons pas la main sur ces problèmes-là. Cela étant, nous accompagnons ceux qui viennent chez nous, dans leurs démarches, peu importe leurs origines, qu’ils soient Mahorais ou pas. Nous travaillons de concert avec les associations pour qu’elles puissent s’organiser et mener à bien les missions. Nous sommes également présents pour les jeunes qui sont ici pour étudier.

FI : En parlant de jeunes, beaucoup racontent avoir du mal à trouver des stages. Ils seraient obligés de rentrer à Mayotte ou de faire des stages qui ne correspondent pas à ce qu’ils recherchent. Est-ce vrai ?

M. E. B. : C’est aussi une réalité effectivement ! Beaucoup d’étudiants mahorais ont des difficultés à trouver un stage. Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à subir des discriminations. Cela existe aussi quand nous parlons d’accès au logement ou dans le monde du travail par exemple. Même ceux qui viennent se soigner à La Réunion en souffrent aussi. Souvent, ils ne peuvent pas accéder à certains soins parce que nous leur disons que la sécurité sociale de Mayotte paye les médecins par virements et beaucoup refusent cela. Ces malades doivent payer en espèces, autrement ils n’ont pas accès à certains soins du privé. Ce sont des situations réelles… C’est pour cela qu’il faut se battre avec la préfecture de La Réunion pour y remédier.

FI : Les Réunionnais sont souvent accusés d’être racistes envers les Mahorais. Ce débat est-il justifié selon vous ?

M. E. B. : Cette question ne date pas d’aujourd’hui. Les deux communautés ont toujours eu des difficultés relationnelles. Mais les instituions commencent à le réaliser. L’année dernière, le préfet de La Réunion disait “qu’on ne peut plus supporter ce genre de comportement envers nos concitoyens. Il faut que la parole se libère et ne plus avoir peur de porter plainte”. S’il le dit, c’est qu’il est conscient du problème. Maintenant, nous devons nous structurer et les associations doivent mener le même combat, ensemble, pour lutter contre le racisme et la discrimination. Ce n’est que de cette manière que nous avancerons.

FI : Des Mahorais se plaignent-ils auprès de vous des situations de racisme dont ils seraient victimes ?

M. E. B. : Je rencontre tous les jours des gens qui me racontent qu’ils en ont bavé. Et quand je leur dis qu’il faut en parler ailleurs, ils refusent. Mais les effort doivent se faire des deux côtés. Nous, Mahorais, devons aussi prendre conscience de ce que nous faisons. Nous devons gommer un certain nombre d’actes qui portent préjudice à l’ensemble de la communauté mahoraise à La Réunion. Nous ne pouvons pas continuer à perpétuer certains délits, fermer les yeux sur cela et toujours nous mettre en position de victime. Nous devons agir ensemble, notamment avec les enfants. Essayons de les canaliser en les mettant dans les clubs sportifs, les associations, les espaces culturelles, etc. Cette structuration est la clé de tout.

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