Depuis le début de ce mois de juin, les salariées du glacier de Mamoudzou bénéficient d’un « congé menstruel », un jour supplémentaire par mois, en cas de règles douloureuses. Une innovation sociétale qui coule de source pour le propriétaire de l’enseigne.
En ce moment même, le Parlement espagnol discute d’une loi accordant trois jours de congés par mois aux femmes ayant des règles douloureuses, ce qui serait une avancée sociale inédite. En effet, si le Japon, la Corée du Sud ou les pays scandinaves ont été parmi les premiers à faire jaillir de leurs législations des « congés menstruels », très peu de femmes de ces pays en bénéficient. En France, l’employeur est libre d’en proposer à ses employées. C’est le cas de Bacar-Ahmed Abdouroihamane, propriétaire du glacier-traiteur Caresse Cream, à Mamoudzou, qui vient de sauter le pas en proposant un jour de congé supplémentaire à ses salariées lorsque leurs règles seront douloureuses. « Voilà un an que je travaille avec une employée hyper compétente », explique-t-il. « J’ai également eu des stagiaires très compétentes, qui se donnaient à fond, malgré les horaires et les complications du secteur de la restauration, mais j’ai constaté qu’au moment de leurs règles, elles avaient beaucoup de difficultés. Je trouvais ça dommage. »
« Elles l’ont dès la naissance, cette inégalité ! »
Un jour, alors qu’il parcourt web et réseaux sociaux, Bacar-Ahmed apprend qu’un jour supplémentaire peut être octroyé à ses salariées, qu’il souhaite récompenser. « Pourquoi pas ? », se dit-il devant l’écran. « Je pense que ça peut donner des idées à d’autres, vis-à-vis de leurs employées compétentes », commente-t-il encore, conscient des polémiques qu’un tel sujet sociétal apporte. En effet, là où le débat du congé menstruel se tient, s’installent les hommes insatisfaits, criant à l’inégalité. S’il les comprend, le glacier de la rue du commerce leur propose une réponse toute trouvée : « Dieu a fait en sorte que nous n’ayons pas de règles, donc elles l’ont dès la naissance, cette inégalité ! » Se défendant de mener des luttes féministes, Bacar-Ahmed Abdouroihamane « pense objectivement que ses salariées le méritent vraiment », et peut compter sur le soutien de ses fidèles clients. « Ils ont trouvé ça très bien », se félicite-t-il. « Mais ils m’ont quand même posé des questions sur le fonctionnement de cette mesure. »
Cette dernière n’étant effectivement pas commune dans nos sociétés, il convient de s’interroger. Concrètement, l’employée a un jour de congé payé supplémentaire par mois, portant son total à 3.5 jours mensuels, et n’a donc pas besoin de fournir un arrêt maladie lorsqu’elle le pose en période de menstruations. Le propriétaire de l’enseigne impose cependant une condition : un préavis de 24 à 48 heures, « pour que l’on puisse s’organiser. Les femmes se connaissent et savent à quelle période leurs règles seront les plus douloureuses ». Si celles-ci ne le sont pas, les employées peuvent, en substance, cumuler ces jours comme le reste de leurs congés payés. Mais « lorsque l’on donne ce genre d’avantage, je pense qu’une personne honnête n’en abusera pas », tempère Bacar-Ahmed.
Le patron peut en effet compter sur une relation de confiance, à entendre l’une de ses employées, Nadia, ravie de ce congé menstruel. « C’est une très bonne chose, pour moi et plus généralement pour les femmes », affirme la serveuse. « Que nos règles soient douloureuses ou pas, on sait que le premier jour est tellement désagréable, rien que pour le fait de se changer toutes les heures, qu’on a envie de rester chez soi. Donc c’est une très bonne idée et initiative. » Des paroles qui ne rassureront pas son supérieur, qui n’en a pas besoin, mais peut-être les chefs d’entreprise de Mayotte qui hésiteraient à faire pleuvoir les jours supplémentaires.