Les membres du conseil d’administration de l’Université des Comores n’auraient pas été transparents dans l’établissement des critères d’évaluation des dossiers, ce qui biaise la procédure, estiment des candidats qui briguaient le poste. Certains n’excluent pas de contester le processus.
D’ici deux semaines, le nom du prochain recteur qui dirigera durant les quatre années à venir l’Université des Comores sera connu. Une nouvelle loi du gouvernement adoptée en décembre dernier a accordé au président de l’Union, Azali Assoumani, la latitude de nommer la personnalité de son choix, pour prendre la tête de la plus grande institution d’enseignement du pays. Mais il faut d’abord qu’une pré-sélection sur dossiers se fasse en amont. Seuls trois candidats doivent être soumis au palais présidentiel. Et déjà, le processus ayant abouti à ce tri est au cœur d’une polémique, jugée fondée par des candidats qui briguent le poste de recteur. En effet, selon un participant ayant pris part aux travaux du conseil d’administration de l’Université locale, après la réception des candidatures, une commission interne a été ensuite créée pour évaluer les dossiers. Le problème, la loi en vigueur n’a jamais mentionné cette commission quelque part. Le texte a seulement précisé les deux critères à remplir pour pouvoir se porter candidat. « Les candidats à la fonction du recteur doivent justifier les critères suivants : être au moins titulaire du grade de maitre de conférences, avoir exercé au moins huit ans en qualité d’enseignant ou de chercheur au sein d’un établissement d’enseignement supérieur et/ou de recherche. Le conseil d’administration sélectionne les trois meilleures candidatures sur la base de leur parcours académiques et professionnelles ainsi que du meilleur projet de développement proposé à l’établissement concerné », lit-on dans l’article 24 de la loi. En tout, sept personnes étaient en lice. C’est donc à l’issue de cette sélection que trois noms ont tiré leur épingle du jeu, tous des docteurs. Il s’agit de l’actuel administrateur provisoire de l’Université (en poste depuis 2020), Ibouroi Ali Tabibou, Abdillah Said Amana, et Ahmed Saïd Abdallah. Si personne ne remet en cause les compétences de ces candidats sortis du lot, l’absence de certains en dépit de leurs riches expériences et profils suscitent des questions quant à la façon dont l’évaluation se déroulait. « Nous savons que parmi les candidats en lice figurait le docteur Amir Aboubacar, maître de conférences à l’Université de Lille et détenteur d’une habilitation à diriger des recherches. C’est d’ailleurs grâce à cette qualification qu’il a été autorisé à encadrer la thèse de l’un des trois candidats retenus. Alors comment comprendre qu’il ne soit pas parmi les trois. On ne peut pas construire quelque chose de sérieux, tout en continuant à choisir de façon partisane et opaque les décideurs des institutions censées apporter le changement », déplorait sur son mur Facebook, Ousseine Youssoufa, épidémiologiste à Santé publique France.
Mainmise du gouvernement
Le comble même ceux qui sont sélectionnés, s’interrogent sur les méthodes d’évaluation. « On avait interdit aux membres qui siégeaient au conseil d’administration de dévoiler le déroulement du processus. Peut-être parce qu’ils se sont rendus compte qu’ils ont reçu d’abord les candidatures et fixé par la suite les grilles d’évaluation. Si tel est le cas, il y a donc un vice de procédure car ça aurait dû être l’inverse. On est en droit de penser que les critères ont été taillés sur mesure par rapport aux dossiers déposés. Nous estimons que le conseil d’administration n’a pas évalué objectivement », déplore un candidat recalé. Des doutes que le représentant du syndicat des enseignants de l’Université au sein du conseil a essayé de dissiper. « Certes, la loi n’a pas prévu une commission pour étudier les dossiers, mais dans ce cas de figure la jurisprudence s’est imposée. Pour l’évaluation, nous avions élaboré deux grilles. Une première sur la recevabilité de la candidature. Puis, on tenait compte fond du projet et de la forme du dossier. Par exemple, si un casier judiciaire manquait et que cette pièce avait deux points, alors le candidat qui ne l’avait pas versé les perdait. Encore une fois, tout ça était un travail interne. J’estime qu’il n’y avait pas besoin d’informer les candidats », croit savoir Youssouf Boinaheri, numero un du syndicat des enseignants. Selon nos informations, sur les trois candidats retenus, c’est Ibouroi Ali Tabibou, qui dirige l’Université depuis quatre ans, qui aurait engrangé le plus des points pendant l’évaluation. Ce membre du parti présidentiel, dont la gestion de l’Université est souvent critiquée (le personnel compte plus de deux mois d’arriérés de salaires) devrait pourtant partir à la retraite en janvier 2025. Depuis la démission en 2018 de son dernier président élu, l’Université a perdu son autonomie administrative, à cause de la mainmise du gouvernement lequel a changé la loi sur l’enseignement supérieur pour pouvoir imposer ses choix. Désormais, le recteur autrefois élu par les enseignants et le personnel est nommé par décret présidentiel. Même méthode pour les chefs des composantes (facultés, instituts universitaires). Ils seront tous désignés par les autorités.
C’est justement à cause de cette récupération musclée de l’Université par le pouvoir que beaucoup remettent en cause l’objectivité des membres du conseil d’administration pendant l’évaluation de le semaine dernière.
Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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