Comores : Face aux délestages, le directeur de la Sonelec démissionne

Soilihi Mohamed Djounaid, en poste depuis décembre 2020, reconnait qu’en dépit du potentiel de l’entreprise en charge de la fourniture de l’électricité (Sonelec), ses objectifs n’ont pas été atteints et a donc décidé d’en tirer les conséquences. Une démission jugée tardive par l’opinion. 

Une semaine après sa nomination, c’était en décembre 2020, Soilihi Mohamed Djounaid avait pris l’engagement de rétablir la fourniture de l’énergie en l’espace de 90 jours. Quatre ans plus tard, il repart sans jamais parvenir à offrir à la population comorienne du courant, malgré les milliards injectés par l’État, toujours prompt à financer les dirigeants fraîchement nommés pour diriger la société nationale d’électricité des Comores (Sonelec). Réputé proche de Nour El-Fath Azali, fils aîné du chef de l’État comorien, Soilihi Mohamed Djounaid qui a su résister aux tempêtes même quand l’opinion exigeait son limogeage, a fini par annoncer à la surprise générale, son départ ce mardi, de l’entreprise nationale chargée de la production de l’électricité. « Au regard des défis auxquels fait face la Sonelec, la société a besoin d’un nouveau souffle. C’est ainsi, qu’après mûre réflexion, je pense qu’il est temps pour moi de passer la main. J’ai remis ma démission au président de la République, qui a bien voulu l’accepter. Cette décision prend effet dès aujourd’hui. Une période de transition sera observée jusqu’au vendredi », a-t-il déclaré devant la presse, en lisant une déclaration écrite. Selon certaines indiscrétions, l’ancien secrétaire d’État chargé de la fonction publique n’avait pas infirmé le personnel. Cette démission intervient deux mois seulement après la mise en place par le ministre comorien des Hydrocarbures, d’un comité technique ad hoc pour assurer le suivi des révisions des groupes thermiques de la société.

Objectifs pas atteints

Durant sa conférence de presse, Soilihi Mohamed Djounaid a d’ailleurs indiqué que son départ était le résultat d’un constat d’insatisfaction. « Malgré le potentiel de la Sonelec et les progrès accomplis, durant ces quatre dernières années, certains défis persistent et ont un impact sur la continuité des services. Il me semble responsable d’admettre que certains objectifs n’ont pas été atteints et j’en tire les conséquences », a ajouté l’ancien patron de la Sonelec. S’il a reconnu à demi-mot son échec, lui a qui avait donné aux Comoriens un délai de trois mois pour leur offrir du courant, Djounaid estime tout de même que son bilan n’est pas à jeter. Il a pris le soin de rappeler qu’à son arrivée, il a essayé avec l’accompagnement de ses équipes de trouver des solutions aux trois principaux défis majeurs qui minaient le décollage de la société : la fraude et le défaut de paiement, le coût élevé de l’exploitation et de l’entretien des centrales thermiques et enfin les défaillances techniques.

S’il considère que des réalisations ont été accomplies, de nombreux citoyens, eux disent le contraire et pensent que le chef de l’État comorien aurait dû le remercier depuis fort longtemps. « Pour moi, cette démission est un non-évènement. Il n’était pas à la hauteur. Nous espérons que le choix de son successeur ne suivra pas les mêmes méthodes de recrutement basées sur le copinage », a réagi Issa Ahmed, un habitant de Mvuni, ville située au nord de la capitale Moroni, qui depuis presque quatre mois n’a droit qu’à quatre heures d’alimentation, de 2h du matin à 6h. Un spécialiste des questions énergétiques dit espérer pour sa part, que le gouvernement écoutera cette fois-ci les recommandations des techniciens, lesquels ne cesseraient de réclamer des groupes de centrale d’une vitesse de 750 tours. Il faut noter que l’État comorien a toujours injecté tous les ans des milliards de francs comoriens. Pas plus trad qu’en novembre 2023, une enveloppe de près de quatre milliards de francs comoriens (8.132 millions d’euros) avait été allouée à l’achat de quatre groupes ainsi que des pièces de rechange. Le résultat est connu.

Onze milliards de francs en 2017

Excepté quelques régions alimentées par les centrales photovoltaïques, le pays vit au rythme des délestages, devenus de plus en plus persistants même dans la capitale Moroni, qui a toujours été épargnée. Selon un article bilan très détaillé publié par le journal de service public, Al-Watwan, en juillet dernier, en l’espace de vingt ans, les Comores ont acquis trente groupes électrogènes. Depuis son retour aux affaires, Azali Assoumani a également poursuivi la même politique. Un an après son élection, en 2016, il a soutenu un plan visant à payer l’achat de neuf groupes à vitesse rapide pour la somme de 11.9 milliards de francs comoriens. Encore une fois, le pays a renoué avec l’instabilité énergétique deux ans seulement après l’inauguration en grande pompe de ladite centrale. D’après un rapport de la Banque africaine de développement sorti en septembre 2023, en huit ans, l’essentiel des dépenses de fonctionnement dans le secteur de l’énergie concerne essentiellement les subventions accordées à la Sonelec pour équilibrer ses états financiers. « Depuis 2015, les dépenses cumulées s’élèvent à 40.1 millions de dollars soit 40.2% du montant total des dépenses publiques dans le secteur », note le rapport.

Au-delà cet apport, de nombreux partenaires comme la Banque mondiale et le fonds d’Abu Dhabi soutiennent la société comorienne de production d’électricité. Des projets qui visent à réhabiliter le réseau électrique, dont la vétusté occasionne d’énormes pertes, selon l’ancien directeur Soilihi Mohamed Djounaid.

Journaliste presse écrite basé aux #Comores. Travaille chez @alwatwancomore
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