Cette nuit où des policiers ont aidé une femme à accoucher en pleine rue

Policier à Mayotte depuis cinq ans, Abdel-Aziz Sakhi a aidé une femme à accoucher en pleine rue, à Passamaïnty, dans la nuit du samedi 17 au dimanche 18 juillet 2021. Ce passionné de secourisme raconte cet événement qui lui a permis de recevoir la médaille de l’engagement décernée par la MGP (la mutuelle de sécurité), le 10 janvier 2023 (voir encadré).

C’est une patrouille peu ordinaire qu’on vécut Abdel-Aziz Sakhi et ses collègues policiers, le 17 juillet 2021. Alors que celui-ci tourne dans le village de Kawéni, le secteur auquel il est affecté, il entend la voix de son chef d’équipe à la radio. « Il nous dit qu’il y a une femme enceinte dans la rue, à Passamaïnty, mais que les pompiers refusent de se déplacer. Je suis ça avec intérêt », se souvient ce membre du GSP (groupe de sécurité de proximité), une unité de la police de Mamoudzou. Ancien pompier lui-même, l’homme qui a 36 ans aujourd’hui a toujours gardé un pied dans le secourisme. Les secours justement n’arrivant toujours pas, il rejoint son chef avec ses collègues. « Sur place, j’ai donné des consignes de l’installer le plus confortablement possible. » Couchée au sol, celle-ci se plaint de contractions. Abdel-Aziz mesure et note qu’elles arrivent « entre cinq et sept minutes ». Mais au fil de la soirée, elles se rapprochent de plus en plus. Pour le policier, il était impossible qu’elle accouche dans la rue, à proximité du caniveau. Pourtant, « j’ai dit : elle va accoucher ici ». Il demande à sa seule collègue féminine de vérifier si le travail a commencé. « Elle voyait une touffe de cheveux qui dépassait. » Les policiers n’ont plus le choix, ils doivent eux-mêmes intervenir. Avec une veste, ils cachent la scène aux curieux, même s’ils sont peu nombreux à cette heure tardive. « Je commence alors le travail de libération », raconte celui qui a déjà procédé à des accouchements lorsqu’il était pompier volontaire.

« Le bébé ne respire pas, il est totalement pâle »

La sortie se fait très rapidement. Sauf que le bébé se retrouve « avec une double torsion du cordon ombilical » autour du cou. La procédure consiste alors à remonter le nourrisson pour dérouler le cordon. Si la manœuvre se fait rapidement, un autre problème apparaît. « Je me rends compte que le bébé ne respire pas, il est totalement pâle », se souvient le policier. Il essaye alors de faire cracher du liquide que le bébé aurait pu avaler, mais rien ne sort. Comprenant qu’il rencontre des difficultés respiratoires, il fait alors des compressions thoraciques. « J’en fais une dizaine », précise-t-il. « Il a poussé un cri et j’ai poussé un cri de surprise en même temps. » C’est encore incrédule qu’il remet l’enfant à sa mère.

Cet épisode a marqué le commissariat et le policier. Une quête auprès des collègues a permis de trouver des vêtements et des jouets pour ce bébé qui a maintenant un an et demi. D’après Abdel-Aziz, le nourrisson et sa mère habitent dorénavant à Tsararano. « Mes collègues m’ont dit que l’enfant portait mon prénom. Mais tant que je ne l’ai pas entendu de la bouche de sa mère, je n’en sais rien », tempère-t-il.

Une reconnaissance pour lui et ses collègues

Lors de la soirée du 10 janvier, à Paris, Abdel-Aziz Sakhi a reçu la médaille de l’engagement dans la catégorie « Secourir », de la part de la mutuelle de sécurité. « Une surprise » pour lui. « Je pensais même que c’était passé aux oubliettes », admet-il, avant de remercier la mutuelle pour cette reconnaissance pour lui et ses collègues. « Je me suis retrouvé sur la même scène que les créateurs de Super Héros Grand Cœur (N.D.L.R. une initiative où des anciens policiers rendent visite à des enfants malades habillés en super-héros). C’était improbable, c’est un grand honneur », fait observer le secrétaire du syndicat Alternative Police CFDT à Mayotte.

Toujours au GSP à Mamoudzou, ses mois sont dorénavant comptés sur l’île car son contrat prend fin. Il réintégrera le corps des CRS en métropole. « Je pourrais voir plus souvent mes enfants », indique le policier qui admet « avoir un coup de cœur pour Mayotte. Je pense que dans un an et demi ou deux ans, je demanderais à revenir ici ».

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