Avec un déficit pour 2021 qui frôle les 400.000 euros pour le volet eau, et les 12,5 millions d’euros pour le volet assainissement, le syndicat des eaux a encore de la marge avant de pouvoir retrouver une stabilité financière. Mais la réduction de la voilure depuis l’arrivée de la nouvelle équipe il y a un an donne des signaux encourageants.
Peut mieux faire. C’est en substance l’appréciation obtenue par le Syndicat mixte d’eaux et d’assainissement de Mayotte auprès de la Chambre régionale des comptes pour le budget primitif 2021, voté le 3 juillet dernier. Étant donné les mesures de redressement dont il fait l’objet pour sa gestion débonnaire depuis déjà quelques années, le préfet a transmis à la chambre le compte administratif 2020 et le budget primitif 2021 du syndicat, conformément au code général des collectivités territoriales. Et le 19 août, sur la base des éléments fournis et dans un délai contraint, les Sages ont donc rendu leur avis. Ils reconnaîssent la trajectoire vertueuse de la nouvelle équipe mais rappellent que de nombreux efforts restent à fournir pour revenir enfin à l’équilibre.
Après correction par la CRC, les deux volets du budget 2021, l’eau et l’assainissement, présentent encore des déficits : 392.371 euros pour le premier, 12.305.449 euros pour le second. Pour les deux branches du syndicat, les magistrats jugent ainsi que “les mesures nouvelles prises par le syndicat pour rétablir l’équilibre budgétaire sont insuffisantes”. Pour la défense des élus, il faut dire que la structure revient de loin : l’année dernière, le même rapport pointait déjà une dette de 40 millions d’euros, fruit d’une gestion “lacunaire” et d’une évolution de la trésorerie “préoccupante”. Avec, pêle-mêle : des travaux de débroussaillage, des dépenses de formation “sans réalisation effective”, des “voyages et déplacements en métropole, à Madagascar, en Inde”, ou encore une “flotte de 34 véhicules pour 105 agents”, sans oublier bien sûr une masse salariale bien gourmande.
Le SMEAM a évité le pire en 2020
Bref, la nouvelle équipe avait hérité d’un joyeux désordre. À l’époque, la question se posait même de pouvoir payer tous les salaires à la fin du mois… Mais en un an, le syndicat a déjà réduit sensiblement la voilure. “La collectivité a réalisé des efforts importants afin de fiabiliser les résultats, et leur examen ne fait pas ressortir des dépenses et des recettes insincères”, souligne d’ailleurs la chambre. Et le nouvel avis de citer la baisse des charges du personnel de près de 240.000 euros pour le budget eau, qui s’explique notamment par le non renouvellement des contrats ou la non titularisation des agents, des mesures de redressement préconisées par la CRC dès 2019. Ou encore la vente de véhicules, sur recommandation datant de 2020 cette fois, pour un total de 20.000 euros.
Des impayés qui coûtent cher
Pour autant, il y a encore de grandes marches à franchir pour espérer retrouver une stabilité financière. La charge de la dette s’élève ainsi à près de 400.000 euros, en hausse de 60.000 euros par rapport à 2020, pour le budget eau, et à 625.000 euros pour l’assainissement. Des montants considérables qui s’expliquent par les emprunts effectués auprès de l’Agence frrançaise de développement (AFD) et de la Caisse des dépôts et consignations mais aussi par les retards de paiement des intérêts des années antérieures. Ces impayés concernent aussi les factures générées auprès des entreprises et qui s’empilent au syndicat des eaux, générant là encore intérêts moratoires et pénalités. “L’amélioration de sa trésorerie permettra au syndicat de payer dans les délais réglementaires ses factures et de réduire ainsi le montant des intérêts moratoires versés”, avance la chambre.
De l’autre côté de la balance, le syndicat peine lui aussi à recouvrer l’ensemble de ses factures, et son budget primitif laisse par exemple apparaître un montant de titre émis et non encaissés de plus de 3.9 millions d’euros pour la partie eau, et à peu près la même chose pour la partie assainissement. Problème : certains titres parmi les plus anciens datent de 2005 et une partie “paraît difficilement recouvrable”, note le rapport. “Le suivi du reste à recouvrer est un paramètre du retour à l’équilibre.”
Les investissements patinent
Du côté des investissements, tant en eau qu’en assainissement, même si les prévisions sont en hausse – une bonne chose vu le retard pris dans le développement des infrastructures – la CRC déplore un niveau de réalisation des dépenses très faible. Enfin, si les magistrats saluent la revalorisation des prix de vente d’eau aux abonnés, ils notent à la date du contrôle que le niveau de réalisation n’était que de 33%. Et au risque de faire monter la moutarde au nez des Mahorais, l’avis propose de revaloriser les tarifs en tenant compte du coût réel des investissements…
Au vu de cette analyse, “le retour à l’équilibre des budgets eau et assainissement est inenvisageable en 2021 et les budgets votés ne s’inscrivent pas dans les trajectoires arrêtées par la chambre en 2019 et 2020, notamment en matière de maîtrise des dépenses d’exploitation”, conclut l’avis. Les magistrats préconisent donc une poursuite de la fiabilité des comptes, un accompagnement technique externe de proximité et une priorisation des demandes de paiement pour se prémunir d’un alourdissement des demandes d’intérêts moratoire et de pénalités. Enfin, au niveau de la masse salariale, la mise en place d’une gestion prévisionnelle des effectifs, le non remplacement systématique des départs en retraite et le questionnement sur la pertinence des emplois contractuels semblent indispensables pour retourner dans le vert. Seulement alors le syndicat des eaux pourra “dégager les marges financières (tant en dépenses qu’en recettes) pour la réalisation des projets nécessaires au développement du territoire en matière d’eau potable et d’assainissement”. Et Dieu sait que Mayotte en a besoin !
Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.