« La vie normale va reprendre », assuraient les représentants des Forces vives de Mayotte au sortir d’une assemblée générale avec les référents des barrages, vendredi. C’était sans compter sur une décision de justice, rendue le même jour au tribunal correctionnel de Mamoudzou, qui a envoyé derrière les barreaux deux meneurs du barrage de Chiconi (voir par ailleurs). Les barrages n’ont donc finalement pas été « mis de côté ».
Les « Forces vives » ont probablement mis la charrue avant les bœufs en annonçant, vendredi soir, à l’issue d’une assemblée générale avec les référents des barrages, la suspension du blocage des routes de l’île. Après quatre heures de réunion, Abdou Badirou, un des porte-paroles du mouvement, estimait ce soir-là que la vie allait « reprendre » et que les gens pourraient circuler le soir-même. Le collectif jouait alors la carte l’apaisement après avoir « expertisé » et « décortiqué » le courrier de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, qui concrétisait les annonces faites lors de son déplacement à Mayotte, le dimanche 11 février. L’apaisement n’a pas duré. Le même jour, la justice a condamné à quatre ans de prison deux hommes – considérés comme des « leaders » du barrage de Chisa – reconnus coupables d’avoir commandité l’attaque de la brigade de gendarmerie de Sada (voir par ailleurs). « La population n’est pas d’accord [avec cette décision de justice, N.D.L.R.], les barragistes ont pris la décision d’un commun accord de ramener tous les barrages sur les routes de Mayotte », a décrété, samedi, Abdou Badirou. Une décision prise, à l’en croire, d’un commun accord avec « la base » du mouvement social.
La « base » réclame des mesures concrètes
Vendredi, la réunion entre leaders des « Forces vives » et barragistes avait pourtant mis en exergue des désaccords au sujet de la suite du mouvement, au cours d’une assemblée générale qui aura duré plus de quatre heures, dans le marché couvert de Tsararano (commune de Dembéni). Des participants plus exigeants que les leaders du mouvement social n’avaient pas l’intention de courber l’échine après réception du courrier ministériel, jugé peu convaincant sur les sujets sécuritaires. « La base ne veut pas lever tant qu’on n’a pas eu au minima l’état d’urgence sécuritaire », a argué un habitant de Dembéni.
Il y aurait d’ailleurs eu un premier vote à main levée, peu avant 16h, à l’issue duquel le vote « pour » le maintien des barrages l’aurait emporté. Mais les dirigeants du mouvement ont décidé de remettre le couvert après de vifs échanges. Entraînant le départ précipité d’une trentaine de personnes.
Une nouvelle visite ministérielle
Abdou Badirou estimait alors que « le gouvernement avait pris des engagements », dont celui de l’organisation d’un deuxième déplacement à Mayotte de la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux. Prévue dans « un mois », cette visite ministérielle permettra de « voir l’évolution des actions mises en place », selon le porte-parole. Une attention toute particulière est portée sur le sujet, sensible, du démantèlement du camp au stade Cavani. L’opération est censée se terminer dans quinze jours, si l’on s’en fie aux déclarations de Gérald Darmanin, qui prévoyait un démantèlement en deux mois.
« En tant que responsables, nous sommes conscients que cela ne va pas plaire à tout le monde, mais nous devons aussi faire confiance à ceux qui ont besoin de travailler davantage », avait conclu, vendredi, Safina Soula. C’était sans se douter que les barragistes ne l’entendraient pas de cette oreille, et reprendraient de plus belle leurs actions le soir-même.