Barrages : Des élus restés sur leur faim de leur déplacement à Paris

Le déplacement en début de semaine d’une poignée d’élus mahorais n’a pas permis d’en savoir davantage sur les engagements pris récemment par le gouvernement pour mettre au blocage partiel de l’île, qui dure depuis presque cinq semaines maintenant. Concernant l’état d’urgence sécuritaire demandé par les Forces vives et les députés mahorais, une source parisienne indique qu’il est envisagé en cas d’échec de la deuxième opération Wuambushu.

L’attention d’une grande partie de la population mahoraise était suspendue aux annonces probables, potentiellement positives, mercredi, du président du conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni. De retour de Paris où il s’est entretenu, lundi après-midi, avec la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, en présence du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla et le futur préfet de l’île, François-Xavier Bieuville, celui-ci est plutôt resté sur sa faim. Qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, beaucoup d’élus présents à cette rencontre confient n’avoir obtenu aucune information nouvelle que celles déjà entendues, la semaine précédente. « Cette majorité nous a habitué à de la médiocrité, mais le coup de ce mercredi est de trop », s’est exclamé un élu d’opposition après avoir quitté le siège du département, ce mercredi. « Le président (N.D.L.R. Ben Issa Ousseni) nous a demandé de braver les barrages pour venir assister à cette réunion. Nous nous attendions à un compte-rendu clair de sa rencontre avec la ministre pour savoir sur quel angle nous pourrions nous mettre au travail pour ce qui relève des compétences départementales. Au lieu de cela, il nous demande de faire lever des barrages. Franchement, je n’ai pas compris grand-chose », confie une autre élue du Département. Si elle ne mâche pas ses mots, elle ne cache pas non plus son exaspération face à la posture du président de la collectivité dans la gestion de cette crise exceptionnelle pour les Mahorais. « Il n’a jamais été clair dans cette affaire, tantôt très proche des leaders de ce mouvement de colère légitime de notre population, tantôt distant. À force de jouer au pompier pyromane, le voici incapable d’imposer un retrait des barrages et il voudrait que ce soit nous qui le fassions à sa place. De quelle légitimité jouissons-nous pour nous adresser aux tenants des barrages ? Pourquoi ne le fait-il pas ? Lui qui se veut si proches des Forces vives, dont les meneurs eux-mêmes avouent ne pas être capables de se faire entendre de leur base ? »

Le chef du Département se voit reprocher d’avoir souvent fait cavalier seul dans la gestion de cette crise, d’avoir accepté de rencontrer le duo ministériel Darmanin/Guévenoux, le 11 février, en dehors de l’hémicycle Younoussa-Bamana, d’être notamment parti rencontrer la ministre des Outre-mer à Paris sans avoir, au préalable, consulté l’ensemble de ses collègues conseillers départementaux. « Il s’est probablement engagé auprès du gouvernement à réussir à faire lever ces barrages, alors qu’il aille convaincre les barragistes de le faire. Au-delà des revendications de la population, qu’est-ce que nous, élus, allons faire des 6.000 mineurs isolés qui dépendent du Département. Ils ne sont ni expulsables, ni régularisables. Ils s’ennuient et nous empoisonnent l’existence », conclut un autre élu de l’opposition. En somme c’est « la méthode BIO » qui est remise en cause. D’ailleurs, tout le monde admet l’échec de cette réunion de mercredi au conseil départemental de Mayotte, l’entourage du président déplorant l’absence des maires, pourtant associés à toutes les récentes démarches du département sur ce dossier des barrages. Certains avancent l’idée que nos maires seraient fatigués, et pas connectés. « Je peine à croire cela car ce n’est absolument pas le moment de se fatiguer.Les Mahorais attendent que nous avancions unis pour les sortir de la situation actuelle, avance pour sa part Salime Mdéré, le premier vice-président de la collectivité départementale. Il estime que la rapidité de convocation de cette réunion (mardi pour mercredi) justifie davantage l’absence de certaines personnalités locales.

Pas d’état d’urgence avant Wuambushu 2

Un peu plus de clarté sur la suite des opérations à Mayotte nous est venue de Paris, plus exactement de l’entourage présidentiel. Avec Marie Guévenoux, Ben Issa Ousseni aurait échangé sur les modalités pratiques de la future opération « Wuambushu 2 » et du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Conformément aux engagements pris récemment sur le territoire, la ministre viendra poursuivre ses échanges directement sur place dans l’île dès mardi prochain. La question de l’état d’urgence agitée par les Forces vives à Pamandzi, mercredi dernier (en guise de carton rouge infligé à Gérald Darmanin), n’est toutefois pas une compétence départementale.

« Seuls les parlementaires ont la possibilité d’en faire la demande auprès du gouvernement », nous précise notre source parisienne. Ce qui est le cas pour les députés Estelle Youssouffa et Mansour Kamardine, rapporte Mayotte la 1ère. A Paris, on rassure sur le fait que les attentes exprimées par la population mahoraise ont bien été prises en compte par les hautes sphères de l’État, que des équipes de travail sont déjà engagées sur cette question de l’état d’urgence comme sur les autres revendications d’ailleurs. « L’état d’urgence a été instauré en France en 2015, ce n’est donc pas quelque chose de nouveau. Par contre, dans le cas de Mayotte, le gouvernement entend s’assurer qu’il s’agira d’une mesure de dernier recours », poursuit-elle.

Elle explique qu’il est prévu d’attendre d’abord la mise en pratique de l’opération Wuambushu 2 et de juger de la qualité des résultats obtenus. Et c’est seulement s’ils s’avèrent négatifs, que le gouvernement se résoudra à déclencher l’état d’urgence sécuritaire à Mayotte.

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