Avec Mlezi Maore, des jeunes porteurs de handicap apprennent un métier

Dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, l’association Mlezi Maore a ouvert les portes de son IMPro, un lieu où des jeunes en situation de handicap peuvent bénéficier d’un accompagnement vers des métiers qui leur sont adaptés.

Hermine Le Corff observe les jeunes balayer et nettoyer les vitres de l’IMPro (institut médico-professionnel) de l’association Mlezi Maore, à Doujani, Mamoudzou. Si certains lui lancent des regards inquiets quand leur tâche est terminée, ils sont presque tous autonomes. Ils se servent sur le chariot et s’aident des images de vitre ou de table collées sur les produits pour connaître leur utilité. Au sein du pôle “entretien” et environnement, la monitrice éducatrice encadre quelques-uns des douze jeunes en situation de handicap de la structure pour les préparer au métier d’agent d’entretien. Et les progrès sont fulgurants depuis l’ouverture de l’IMPro / Sessad Pro (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) en août. En ce mardi 19 novembre, les jeunes du pôle “cuisine” préparent le repas, ceux du pôle “espace vert” sont à l’extérieur et ceux de l’entretien nettoient les locaux situés à Doujani. La journée est comme les autres, à une exception près. Dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, l’IMPro ouvre ses portes au public. Si ce dernier n’est pas vraiment au rendez-vous, la faute peut-être à un autre événement à la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées) organisé au même moment, l’équipe reste fin prête à expliquer les missions de l’IMPro et surtout convaincre qu’une insertion professionnelle et sociale est possible pour des jeunes porteurs d’un handicap.

Trouver un stage, un périple

« On a des jeunes qui sont arrivés ici et qui n’avaient rien faits depuis un certain temps », souligne la jeune femme, qui fait référence aux parcours des adolescents déficients mentaux. A l’IMPro de Mlezi, ils ont entre 15 et 20 ans et beaucoup étaient en IME (Institut médico-éducatif), sans trop d’activités ou de stimulations adaptées. « Ils ont des compétences, mais ils ont tellement de retard », résume Hermine Le Corff, qui regarde toujours du coin de l’œil ses jeunes, en pause bien méritée. Ludovic Boilet, éducateur technique spécialisé, rejoint sa collègue : « Ils ont été laissés sur le chemin pendant tellement d’années ». Alors l’idée de l’IMPro, c’est « de les pré-former ». Il s’émerveille des progrès des trois jeunes filles dont il s’occupe au sein du pôle “cuisine”. « Au début, elles ne savaient pas ce qu’était un fouet, un saladier. Ça a pris un petit mois pour leur apprendre le respect de l’hygiène, le port de la tenue », détaille l’accompagnateur, qui se félicite désormais de voir une des jeunes faire la pâte à chou, seule. Les parents aussi sont fiers de voir leurs enfants stimulés et capables d’effectuer des tâches, même à la maison. Désormais, « elles respectent les consignes, elles sont complètement capables. Aucune n’a d’absence », selon le responsable du pôle. Dans la cuisine, la même technique est adoptée : des images détaillent la marche à suivre des recettes, car les jeunes ne savent pas lire, ou compter. Ludovic Boilet utilise également beaucoup les vidéos, pour capter leur attention et les aider à mémoriser plus rapidement.

Car ils ne seront pas toujours encadrés. Ils sont accompagnés vers des stages avant leur 20 ans, âge auquel ils ne sont plus pris en charge par l’association. Et là, les difficultés s’accumulent. Déjà, il faut convaincre les entreprises. « Je comprends que les patrons peuvent avoir des appréhensions, c’est normal. C’est à nous de montrer que nos jeunes ont des compétences », rend compte Vincent Jouglet, coordinateur de la structure. « On est encore dans la dynamique de changer le regard sur le handicap », résume-t-il.

Un cercle vicieux

Mais même une fois le patron trouvé, et les dispositifs adaptés mis en place (comme les photos pour détailler les étapes), il faut aussi les faire se déplacer. Si un stage est à Kawéni, il faut faire prendre le taxi au jeune et là les parents mettent le holà. « L’insécurité les inquiète », précise le coordinateur. Il a un rendez-vous ce mercredi avec l’intercommunalité de Petite-Terre, dans l’espoir de trouver un stage à un jeune qui a déjà travaillé en boulangerie. Mais tous ne peuvent pas en faire, faute d’une situation régulière. Un cercle vicieux que dénonce Hermine Le Corff : « Les familles ont peur de les envoyer en stage, qu’ils soient arrêtés à bord du taxi. Et le fait que ces jeunes soient en situation de handicap et suivis par une association ne peut pas les protéger. Si on les laisse sans solution, ils vont tomber dans la délinquance ou pire. C’est une peine supplémentaire. » Elle imagine un statut particulier pour ces jeunes, qui sans stage retourneront dans des structures ou foyers sans perspective. Elle interroge : « Pourquoi on les accueille dans des structures si dans les faits on ne peut pas les insérer ? »

Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.

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