Face à la recrudescence des chiens errants à Mayotte, l’association l’Arche d’Hélios s’évertue à les sortir de la rue en les faisant adopter, notamment dans l’Hexagone. Alors que la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, a annoncé que des arrêtés seraient pris pour euthanasier ceux élevés par les délinquants, l’association affirme qu’elle peut offrir une alternative, si on lui en donne les moyens.
Jappements et miaulements se font entendre sur le parking de l’aéroport Marcel-Henry, à Pamandzi, ce jeudi. Ils sont cinq chiens et cinq chats prêts à prendre l’avion pour l’Hexagone. Alors qu’ils erraient il y a encore quelques temps dans la rue, l’association l’Arche d’Hélios les a recueillis et a organisé leur départ vers leurs familles d’adoption. « On les identifie, on les puce, on les soigne, on les stérilise et on les vaccine avant d’organiser leur voyage », liste la présidente de l’association, Sandrine Klein, qui attend les animaux à Paris avec les familles adoptantes. Chez elles, à Mayotte, il lui est déjà arrivé d’avoir plus de vingt chiens et chats chez elle, sauvés de la rue ou de l’abandon.
Généralement, les animaux sont envoyés chez des familles d’accueil ou adoptives dans l’Hexagone. Cette fois-ci, presque tous les animaux ont déjà été adoptés.
Pour ce départ, c’est Katya Julvez qui coordonne l’opération depuis Mayotte. « C’est une grosse organisation car on a des familles d’accueil qui viennent de Grande-Terre et d’autres de Petite-Terre », décrit-elle. Ce jeudi, un peu moins de dix familles d’accueil sont réunies pour dire au revoir aux animaux qu’elles ont accueilli chez elles, parfois depuis plusieurs semaines, voire mois.
« Des chiens coincés dans des barbelés »
De leur côté, Alex et Coralie en sont à vingt chiens et vingt chats accueillis depuis qu’ils sont arrivés à Mayotte, il y a un an et demi. « On en retrouve pendus à des grillages, d’autres coincés dans des barbelés », relate Alex. « Pour certains, je n’ai jamais vu un état de maigreur pareil, ça fait mal au cœur », décrit Coralie. L’organisme est également appelé par des personnes souhaitant se débarrasser d’animaux qu’ils ont recueillis un temps.
Depuis le 1er janvier 2024, la structure, créé en 2022, a procédé au sauvetage de 104 animaux, contre 30 sur la même période l’année dernière. « Cela montre que les gens ont compris qu’on était efficaces », affirme la présidente de l’association, dont le réseau compte une cinquantaine de familles d’accueil.
Et en effet, l’organisation est bien rodée. Les bénévoles à peine arrivés à l’aéroport, les animaux sont dispatchés dans les cages et regroupés selon leur caractère. « On n’a droit à cinq cages par avion, mais on peut mettre plusieurs animaux par cage », explique Katya Julvez. L’association y a tout intérêt : si jusqu’à la fin de l’année dernière le billet d’avion par cage était de 75 euros, il est récemment passé à 200 euros.
60.000 euros dépensés en 2023
Des coûts qui s’ajoutent à ceux déjà supporté par l’organisme pour les soins et l’accueil. « L’année dernière, les dépenses se sont élevées à 60.000 euros, dont la moitié en apport personnel de ma part », explique Sandrine Klein. Jusque-là, l’Arche d’Hélios ne perçoit que 5.000 euros de subvention par an pour les stérilisations. « Chaque commune doit normalement avoir une fourrière. Or, il n’y en a qu’une seule sur Mayotte. On fait donc le travail qui devrait être fait par ces dernières. Si chaque commune dans lesquelles nous récupérons des animaux nous aidait à hauteur de 5.000 euros, ce serait suffisant pour que nous ayons un local », détaille la présidente de la structure qui repose sur le temps et les dons des familles d’accueil.
Face à ce manque d’investissement des pouvoir publics dans les solutions permettant de sortir les chiens errants de la rue, il est d’autant plus incompréhensible pour les membres de l’association que la ministre déléguée aux Outremer, Marie Guévenoux, ait annoncé que des arrêtés préfectoraux seraient pris pour euthanasier ceux élevés par les délinquants pour attaquer. « En effet, avec la recrudescence des chiens errants ces dernières années, certains tombent dans des groupes de jeunes délinquants qui les utilisent. Mais ces agressions sont rares. A mon avis, on se trompe de combat », estime Katya Julvez, ajoutant qu’une campagne de stérilisation serait plus appropriée et efficace.
L’euthanasie jugée « inadmissible »
De son côté, la présidente de l’Arche d’Hélios juge cette mesure « inadmissible ». « Au lieu d’aider les associations, on fait ça. Nous on arrive à placer tous les chiens qu’on recueille. Dernièrement, j’en ai eu deux qui ont été arrachés à des délinquants qui mènent maintenant une belle vie en métropole », dénonce celle qui aimerait pouvoir éduquer les jeunes à s’occuper et élever correctement des chiens dans un grand projet de centre dédié à l’accueil d’animaux. « On ne demande pas à ce qu’on nous paye tout, mais qu’on nous aide, ne serait-ce qu’à trouver un local. » Pour l’heure, après plusieurs vérifications, aucun arrêté préfectoral n’a encore été pris pour autoriser l’euthanasie des chiens errants utilisés comme armes par les délinquants.
Avant le grand départ, tous les passeports des animaux sont rassemblés. Pour Coralie et Alex il est temps de dire au revoir aux compagnons à quatre pattes qu’ils ont amenés jusqu’ici. Le vendredi matin, Sandrine Klein les attends à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, à Paris, avec des familles d’accueil et adoptives venues des quatre coins de France pour leur offrir une nouvelle vie, loin des rues de Mayotte.
Pour en savoir plus sur l’Arche d’Hélios : www.larchedhelios.org
Contact : +33625205173 ou archedhelios.mayotte@gmail.com