Face à l’intensité des affrontements qui ont provoqué l’incendie de la mairie de Koungou, la préfecture de Mayotte a demandé à l’agence régionale de santé de mettre en place une cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP). Un dispositif inédit pour le département, qui court encore pendant une semaine, grâce aux renforts de La Réunion.
Les blessures ne sont pas toujours physiques. À la suite des violents affrontements qui ont conduit à l’incendie de la mairie de Koungou dans la nuit du 27 au 28 septembre, la préfecture de Mayotte a demandé à l’agence régionale de santé (ARS) de monter au pied levé une cellule d’urgence médico-psychologique. En lien avec le centre hospitalier (CHM) et l’ARS de La Réunion, la CUMP a été mise en place quelques jours plus tard, à partir du 6 octobre, pour apporter un soutien aux victimes de ces violences, une “première” pour le département, a précisé le communiqué de l’ARS.
“C’est en effet une première sur le territoire de Mayotte, et cela n’arrive pas souvent. L’objectif n’est d’ailleurs pas de le faire pour toutes les violences, mais là le préfet a jugé qu’elle était nécessaire au vu de l’intensité des événements”, explique Tanguy Cholin, chef de service adjoint de la veille et sécurité sanitaire à l’ARS de Mayotte, qui chapeaute le dispositif. Une réponse aux nombreuses atteintes portées cette nuit-là et qui ont en effet laissé des stigmates douloureux : “Des personnes ont été menacées de mort, caillassées, parfois séquestrées… Nous avons identifié un certain nombre d’acteurs directement victimes, notamment des bénévoles de la Croix Rouge, des élus et des agents de la mairie de Koungou”, déroule le pilote de l’opération.
Une cinquantaine de victimes potentielles contactées
Pour ces derniers, le choc des événements peut conduire à une détresse psychologique plus ou moins sévère. “Notre but est de prévenir l’apparition d’un stress post-traumatique et surtout son maintien dans le temps”, développe Tanguy Cholin. Troubles du sommeil, de la concentration, crises d’anxiété figurent par exemple parmi les symptômes recensés. Au total, 28 patients ont d’ores-et-déjà été pris en charge entre mercredi et vendredi dernier, et 10 à 20 consultations individuelles sont programmées cette semaine. “Une cinquantaine de personnes avaient été contactées mais n’ont pas voulu consulter, car la question de l’urgence psychologique est toujours difficile à aborder”, rapporte aussi le responsable de la veille sanitaire.
Pour mettre tout cela sur pied, il a fallu travailler de concert avec le SAMU de Mayotte et surtout celui de La Réunion, qui a fourni un renfort de huit personnels – psychiatres, psychologues et infirmiers -, embarqués au départ de Saint-Pierre Pierrefonds dès le 5 octobre. La semaine dernière, cette première rotation a fait le travail de terrain avec un point de ralliement à la Cité des Métiers de Koungou, en face de La Poste. Objectif : repérer les situations, organiser des prises en charge groupale, et programmer des rendez-vous individuels. Les consultations en privé ont lieu toute cette semaine au CHM, avec une deuxième rotation, pilotée cette fois par une équipe de quatre personnes.
Le nécessaire renfort de La Réunion
À la fin de la semaine, le reste des troupes prendra son vol retour vers La Réunion, “car le but d’une CUMP est d’intervenir en urgence”, insiste Tanguy Cholin. Le dispositif pourrait toutefois être amené à se répéter, la situation sécuritaire de Mayotte n’étant pas franchement en voie d’apaisement… Or, le département manque toujours de personnels, preuve en est de ce renfort spécial venu de l’île Bourbon. “Effectivement, aujourd’hui, le nombre de psychiatres ne permet pas de monter une équipe entièrement dédiée pour ces événements, mais nous avons une organisation au niveau zonale Mayotte/Réunion qui nous permet d’avoir des réponses sanitaires conjointes. Après, l’objectif est notamment de monter une CUMP à Mayotte, via de nouveaux recrutements qui sont en train de se faire”, confie-t-il. Pour assurer le suivi des patients identifiés, la CUMP s’est aussi mise en lien avec d’autres acteurs de terrains, qui seront chargés de prendre la suite après son départ.
Seul bémol du dispositif : étaient spécifiquement exclus de son champ d’intervention les personnes en détresse psychologique en lien avec le fait d’avoir perdu un toit du fait du décasage. Un choix qui peut interroger au vu de la violence symbolique de ces opérations pour les habitants ainsi délogés. “L’objectif de la CUMP n’est pas la prise en charge de ces personnes (…), en revanche elle a fait le lien avec les opérateurs du territoire quand elle le pouvait, et quand la situation s’y prêtait”, confirme le chef de service adjoint. Dans les faits, la CUMP s’est retrouvée avec des demandes de relogement sur les bras…