Samedi avait lieu la 30ème journée mondiale de lutte contre le VIH Sida. À cette occasion, les maires des communes mahoraises ont entériné la Déclaration de Mayotte, qui émane de la Déclaration de Paris visant à l’éradication de l’épidémie en 2030, près d’un demi-siècle après sa découverte. Un objectif très ambitieux, notamment à Mayotte.
« 2030 ? Un objectif difficile à atteindre », selon Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Narike M’sada. Avec plus de 35 millions de morts à ce jour, le VIH continue de représenter un problème mondial majeur de santé publique. Pour parvenir à y mettre un terme, chaque année, au 1er décembre, est organisée la journée mondiale contre le Sida,sur le thème « Connais ton statut », pour informer la population sur le risques encourus. Samedi, c’était également l’occasion de célébrer le 30ème anniversaire de cet évènement lancé en 1988 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans le cadre de cette journée, les maires des communes de Mayotte se sont rassemblés vendredidans les locaux de l’association Narike M’Sada à Mamoudzou, afin de signer la Déclaration de Mayotte inspirée de la Déclaration de Paris qui vise à éradiquer l’épidémie à horizon 2030, notamment en atteignant la cible de traitement « 90-90-90 » avant 2020, définie par un programme commun des Nations Unies sur le VIH (Onusida).
En 2020, l’objectif est que 90% des personnes vivant avec le VIH connaissentleur statut, que 90% d’entre elles reçoivent un traitement antirétroviral durable et que 90% de ces personnes sous traitement aient une charge virale – quantité de VIH qu’il y a dans le sang d’une personne séropositive – supprimée. Pour l’heure, l’épidémie perdure en France avec environ 6.000 nouvelles personnes séropositives chaque année depuis plus de dix ans.
Un objectif trop ambitieux ?
« Je pense que le terme « éradication » est peut être un peu trop fort mais reste une ambition. Seulement, l’objectif actuel est de freiner l’épidémie », explique de son côté Moncef Mouhoudhoire. Et d’ajouter que « nous avons déjà atteint deux objectifs sur trois à Mayotte, c’est-à-dire l’accès aux traitements et la charge virale indétectable. Il nous manque encore le dépistage. C’est dans ce but que nous avons fait vendredi une journée dépistage en Petite-Terre ». L’objectif pourrait donc se réaliser mais il demeure complexe au regard de la précarité sociale à Mayotte. Sur 260.000 habitants recensés, seulement 30.000 travaillent, faisant de l’île le département le plus pauvre de France, avec plus de 80% de la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté.
« Quand une personne n’a rien à se mettre sous la dent, il est difficile pour elle de payer et d’ingurgiter des traitements », souligne le directeur de l’association. Le territoire est aussi à la troisième place des départements les plus touchés par le VIH juste derrière l’Ile-de-France et la Guyane. Une réalité due notamment aux migrations, à l’accès aux préservatifsrendu difficile par le manque de points de vente (et seulement 20 pharmacies) ou encore à la prostitution, toujours selon le directeur.
Autre élément à prendre en compte : la polygamie. En août dernier, 273 personnes atteintes du Sida étaient connues et suivies au CHM de Mamoudzou. Près de 62% d’entre elles étaient des femmes dépistées à l’occasion de leur grossesse. « Qui dit femme enceinte dit automatiquement qu’il y a un homme. Si la femme en question est séropositive, il y a de fortes chances que l’homme le soit également sauf qu’il n’apparaît pas dans les chiffres connus », déplore Moncef Mouhoudhoire.
Les maires et communes en première ligne
En outre, le territoire mahorais est le département le plus jeune de France.Une jeunesse qui favorise les relations multi-partenariales occasionnelles, qui sont en constante augmentation, d’après le directeur de l’association. »Tout est fait pour multiplier les chances de la transmission du VIH. C’est pour cela qu’il faut évidement améliorer les points d’accès, l’information et le volet social ». En effet, mettre l’accent sur l’amélioration des conditions de vie apparaît d’autant plus essentiel que des études de l’ARS ont démontré qu’une population exposée à de nombreux problèmes sociaux est plus susceptibled’adopter des comportements à risque.
« Il appartient aux maires signataires de la Déclaration d’appliquer leurs engagements et d’imaginer des solutions. Nous nous allons nous positionner en temps qu’acteur et opérateur s’ils le souhaitent. Pour les aider, ils auront des outils comme les CCAS (Centre communal d’action sociale, ndlr) », affirme Moncef Mouhoudhoire avant d’ajouter : »pour le moment, le nombre de campagnes de sensibilisation à Mayotte peut se compter sur les doigts d’une main. À partir de là, nous ne pouvons pas dire que nous avons tout fait pour sensibiliser la population mahoraise. Pour autant, si les maires des communes tiennent leurs engagements, cela permettra la mutualisation de nos forces et nous pourrons toucher un plus large public. Nous pourrions arriver à diminuer significativement le nombre de séropositifs et peut être, qui sait, en finir avec cette épidémie d’ici 2030″.
Une récompense pour les communes assidues
Chaque année, l’association Narike M’sada valorisera les communes qui auront déployé des moyens pour informer, accompagner et inciter les habitants à se faire dépister. « Nous allons essayer de créer un comité composé de l’ARS, du département et de l’association pour imaginer une récompense afin que chaque commune qui s’engage dans la lutte contre le sida soit reconnue », assure Moncef Mouhoudhoire.
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