« Il y a une hausse de la menace du choléra à Mayotte, soyons clairs »

L’épidémie de choléra dans l’archipel voisin, qui se limite à l’île de Grande-Comore pour l’instant, amène l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte à prendre déjà des mesures pour prévenir tout risque de cas localement. Alors qu’une campagne de vaccination a eu lieu en 2001, elle n’est pas envisagée en raison de « stocks limités ».

Quelle est la situation dans la zone géographique ?

« Il n’y a pas de choléra à Mayotte. Malgré tout, la situation doit être regardée avec vigilance », conseille celui qui est préfet de Mayotte pour encore quelques jours, Thierry Suquet. Face à la presse, ce mardi matin, le directeur de l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte, Olivier Brahic, a fait le point sur le développement du choléra dans le monde. Une recrudescence a été notée depuis 2021, notamment en Afrique continentale. En cette année 2024, 44 pays sont concernés par des cas, dont onze nations dans la même zone géographique que Mayotte. La plus proche, les Comores, en est à 83 cas, dont six décès, a rapporté notre correspondant à Moroni. La bactérie est arrivée dans le pays voisin depuis la Tanzanie et se cantonne pour le moment à la Grande-Comore. Un seul cas a été détecté à Mohéli.

Quels risques à Mayotte ?

Comme le préfet, Olivier Brahic confirme qu’il n’y a pas de cas détecté à Mayotte. « Si c’était le cas, je ferais une conférence de presse dans les 24 heures », prévient celui qui observe « une hausse de la menace, soyons clairs ». La bactérie n’étant pas présente sur l’île, une « veille sanitaire » est mise en place, ainsi qu’un renforcement des contrôles sanitaires pour les arrivées par bateau ou par avion qu’elles soient des Comores, Tanzanie et Kenya. « Des informations sont données à bord, des flyers informent de la conduite à tenir », fait remarquer le directeur de l’ARS. Les personnes sont tracées pour être retrouvées si l’une d’elles s’avérait porteuse de la bactérie.

Concernant les arrivées irrégulières, les passagers de kwassa interceptés par les forces de l’ordre se font tester à leur arrivée au centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi.

Si un cas est détecté, quelle procédure ?

Tous les professionnels de santé et les associations sont sensibilisés aux risques et incités à faire de la prévention. Toute personne ayant possiblement des symptômes doit appeler le 15. « Dès lors qu’on a identifié un cas, un véhicule sécurisé du CHM va récupérer la personne et l’amener aux urgences dans une filière sécurisée. On va tester cette personne. Si elle est positive, on la met dans une chambre sécurisée », détaille Olivier Brahic. « Il faut qu’on soit hyper réactifs pour pouvoir éteindre tout début d’épidémie. » Une équipe d’investigations sera également montée pour trouver tous les cas contacts ou exposés. Ils seront tous mis sous antibioprophylaxie, qui empêche le développement de la bactérie. Le directeur de l’ARS assure que ce n’est pas une recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), mais qu’il « assume vouloir des mesures plus radicales ».

Outre un renforcement à l’accès potable, « le sujet fondamental », une autre équipe sera chargée de désinfecter les foyers des personnes malades avec de l’eau javellisée. « Des moyens complémentaires, avec des renforts RH pour l’équipe d’investigation et le CHM, arriveront à Mayotte dès le premier cas signalé », promet Olivier Brahic. Au CHM justement, l’ARS indique que tout prélèvement de selles pour des analyses fait l’objet d’une recherche du choléra « depuis six mois ».

Comment reconnaître les symptômes ?

La maladie se transmet par les selles. C’est pour cela que la première recommandation est de se laver les mains avec du savon après être allé aux toilettes. Si ce n’est pas le cas, la bactérie peut se transmettre par l’eau. La difficulté, reconnaît le docteur Maxime Jean, est que 80% des cas sont asymptomatiques. Les 20% restants connaissent des diarrhées très aigües, parfois des vomissements ou de la fièvre. C’est le premier symptôme qui est le plus dangereux puisqu’il entraîne une déshydratation pouvant mener au décès. « La complication du choléra n’est pas une complication infectieuse. L’autre singularité, ce sont des symptômes qui peuvent s’installer de façon extrêmement rapide, en quelques heures seulement », alerte le conseiller médical de l’ARS Mayotte. La réhydratation est bien sûr primordiale, mais également l’usage des solutés de réhydratation orale pour l’ajout de sels minéraux. L’ARS compte d’ailleurs en distribuer si un cas est identifié.

Pourquoi il n’y a pas de vaccination ?

Les responsables de l’ARS n’ont pas exclu totalement la vaccination, comme ça a été le cas en 2001, « la doctrine n’est pas arrêtée ». Seulement, Olivier Brahic informe que les stocks de vaccins sont « extrêmement limités » au niveau mondial. L’heure pour le moment est plutôt « d’axer sur les mesures d’hygiène, de prévention et d’accès à l’eau ».

Pas de foyer de fièvre typhoïde

Deux crises à Mayotte n’ont pas débouché sur une crise d’ordre sanitaire. La première, celle de l’eau, présentait beaucoup plus de risques s’il y avait une propagation du choléra. Finalement, quelques foyers de fièvre typhoïde ont été détectés ici et là, dont un dernier à Hamouro, à la mi-janvier. Le directeur de l’ARS indique « qu’il y a eu un cas cette semaine et un autre la semaine précédente ». Interrogée sur les répercussions des déchets sur les routes, l’ARS n’a pas noté de maladies ayant un rapport. La leptospirose par exemple, une maladie qui se transmet par l’urine des rats, reste cantonnée à quelques cas. « [pdf_embed url= »https://www.mayottehebdo.com/wp-content/uploads/2024/02/FI-Cholera-2.pdf »]», se rappelle le docteur Maxime Jean.

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