Jamais pris à partie jusqu’alors, le SMUR et les transports sanitaires ont vécu deux agressions coup sur coup. Ces deux événements poussent le centre hospitalier de Mayotte à revoir son mode opératoire lors de ses interventions, qui espère un appui plus important et fréquent des forces de l’ordre dans certaines zones du territoire. Responsable du Samu et du Smur, le docteur Christophe Caralp dévoile les dessous des prochaines mesures.
Flash Infos : En l’espace de quelques jours, un véhicule du Smur a été violemment attaqué à Combani avant qu’un transport sanitaire ne soit pris à partie à Dzoumogné. Comment avez-vous vécu la situation ?
Christophe Caralp : Nous dénonçons et condamnons ces agressions vis-à-vis du Smur et du transport sanitaire parce que ce sont des personnels soignants qui viennent secourir autrui. Ces incidents se produisent en métropole mais ils n’avaient jamais existé à Mayotte ! Et c’est la population dans son ensemble qui va le payer puisque le 4×4 a été immobilisé pendant quelques jours, le temps des réparations. Et nous n’avions pas d’autres moyens de transport pour intervenir dans des milieux périlleux. Il ne nous restait plus que des ambulances standards qui ne peuvent pas circuler partout dans Mayotte. D’autre part, cela va dans le prolongement de ce qui s’était passé il y a quelques semaines avec le blocage de l’hélicoptère. Il faut sanctuariser la santé ! Personne ne doit gêner les pompiers et les services de secours dans leurs interventions, même si c’est, malheureusement, mal vécu par les habitants quand celles-ci sont au profit de personnes en situation irrégulière. Mais l’accès aux soins pour tous fait partie de l’éthique médicale.
FI : Dans quel état d’esprit avez-vous retrouvé le personnel soignant et les ambulanciers suite à ces deux événements ?
C. C. : Tout d’abord, aucun soignant ne s’est mis en grève suite à l’incident de Combani. L’ensemble de l’équipe du Smur a été reçue par la direction et par l’encadrement médical. La première chose qui m’a frappé est que le personnel reste toujours aussi volontaire à exprimer ses craintes sans évoquer une mise en retrait. Et pour cela, je tiens à les féliciter car ce sont de très grands professionnels. Ensuite, l’équipe en intervention reste extrêmement choquée. Certains agents sont en arrêt de travail. Ils ont eu peur pour leur vie, ils ont eu peur de mourir. Ils sont effrayés à l’idée qu’un jour la situation dérape et qu’un soignant ou un secouriste perde la vie pour aider quelqu’un. Je le répète : c’est inacceptable !
FI : Quelles solutions s’offrent à vous pour remédier à ce climat délétère ?
C. C. : Déjà, il est très clair que n’importe quelle agression, qu’elle se passe à l’intérieur ou l’extérieur du centre hospitalier, donnera lieu à des poursuites. Nous ne tolérerons jamais que le personnel soignant du CHM ou les secouristes du Sdis soit mis en difficulté dans le cadre de leurs fonctions.
Ensuite, nous travaillons avec les forces de l’ordre pour sécuriser certaines de nos interventions la nuit et plus particulièrement dans la région du Centre. S’il y a des sorties avec une notion d’agression ou d’utilisation d’armes blanches comme cela a été le cas à Combani samedi dernier, nous ferons le point avec la gendarmerie pour pouvoir arriver en même temps sur les lieux. Et si malheureusement la zone n’est pas sécurisée, il y aura une perte de temps et peut-être une perte de chance pour les blessés puisque nous nous mettrons en retrait le temps que ce soit le cas. Aujourd’hui, par chance, nous n’avons relaté que des dégâts « secondaires » avec un véhicule hors d’usage et du matériel médical arraché.
FI : Ce mode opératoire sera-t-il également démultiplié dans le Nord où les affrontements entre bandes rivales sont fréquents du côté de Koungou et de Trévani ?
C. C. : Dans le Nord, il s’agissait d’un transport sanitaire du CHM, c’est-à-dire une ambulance non médicalisée avec seulement des ambulanciers. Potentiellement, nous pouvions penser que c’était moins grave. Mais là encore, la même consigne a été donnée aux transports sanitaires : tant qu’ils ne se sentent pas en sécurité, ils se mettent directement en retrait et ils rappellent la régulation du centre 15. Et à ce moment-là, nous voyons pour envoyer du renfort avec les forces de l’ordre.
FI : Ne pensez-vous pas que ce type d’incidents puisse porter préjudice à votre recrutement ?
C. C. : Malheureusement, l’image de Mayotte est souvent associée à une image de violence, de vol… Mais nous avons la chance dans le recrutement du pôle Ursec (réanimation, Samu, urgences) d’avoir du choix et surtout une vision à long terme. Nous espérons tout simplement que ces événements ne se reproduiront plus sur le territoire. Pour l’instant, cela n’a pas encore d’impact sur le recrutement mais en cas de récidives, qui sait… Je pense qu’il était très important que la direction nous soutienne et c’est ce qu’elle a fait. Maintenant, il faut voir l’évolution dans les prochaines semaines pour adapter nos sorties avec les forces de l’ordre !
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