Déjà téléchargée par plus de 600.000 personnes d’après le gouvernement, l’app, qui doit permettre de rompre les chaînes de transmission, n’est pas encore active à Mayotte. Explications.
“Ça ne vous dérange pas d’être à la même table que d’autres clients ?” Pas du tout, au contraire. Justement, au fond de mon sac à dos, l’application StopCovid et mon smartphone branché en mode Bluetooth n’attendent qu’une chose : pouvoir repérer d’autres utilisateurs aux alentours. Un peu comme une application de rencontre, mais pour le Covid-19. Pour fonctionner, l’app du gouvernement doit être à proximité d’une personne positive au Coronavirus et qui a elle-même téléchargé l’application, pendant au moins quinze minutes. Après une heure passée en terrasse, à côté d’au moins cinq personnes, force est de constater que mon nouveau gadget ne m’enverra pas de notification. Même bilan des courses rue du Commerce et au supermarché Baobab, où les files d’attente ne permettent pas vraiment de rester aussi longtemps à côté des clients.
Une application décriée
Pour rappel, cette application, développée en grande pompe par le gouvernement au temps fort du confinement, et défendue à plusieurs reprises par le secrétaire d’État au numérique Cédric O, doit permettre de “contribuer au travail des médecins et de l’Assurance maladie, pour alerter au plus vite les personnes ayant été en contact avec les personnes malades du Covid-19, et ainsi casser la chaîne de transmission”, est-il précisé sur le site du ministère de l’Économie. Fortement décrié par les défenseurs de libertés individuelles et de la protection des données personnelles, ce dispositif a toutefois fait l’objet d’un avis favorable de la CNIL. En effet, l’app, gratuite et uniquement basée sur le volontariat, fonctionne avec le Bluetooth, et non la géolocalisation du téléphone. Elle ne brasse par ailleurs pas beaucoup de données personnelles : nom, numéro de téléphone, adresse e-mail… Aucune de ces informations permettant d’identifier l’utilisateur ne sont demandées à l’activation. De plus, l’identification des cas contacts positifs au Covid, pseudonymisée, ne doit en théorie être stockée sur le serveur que pendant 14 jours. Un patient testé positif au Covid reçoit désormais, en même temps que le résultat de son test, un code généré de façon aléatoire, qu’il peut renseigner dans l’application.
Voilà pour le principe. Disponible pour iOS et Androïd depuis mardi, pour accompagner l’étape 2 du déconfinement, StopCovid aurait été téléchargée déjà plus de 600.000 fois. Aujourd’hui encore, elle arrive en première position dans le Top 1 des téléchargements gratuits sur l’App Store en France. Mais sans surprise, le dispositif risque fort de passer à la trappe à Mayotte, alors que le 101ème département entame lui aussi depuis mardi son déconfinement progressif. Première raison évidente : l’application n’est disponible qu’en français. Ensuite, difficile d’imaginer des légions de volontaires pour activer StopCovid à Mayotte, alors que de nombreux patients ont plutôt manifesté leur peur d’être marginalisés en cas de résultat positif…
Une autre plateforme de contact tracing à Mayotte
En réalité, même les administrations du département ne semblent pas miser sur l’application pour leur stratégie de déconfinement. Un patient, testé récemment positif au Covid-19, assure d’ailleurs qu’il n’a reçu aucun code destiné à StopCovid. “Le dispositif n’est pas encore actif de notre côté. À confirmer auprès de l’ARS aussi”, nous signale-t-on du côté du CHM. Contactée, l’ARS assure n’avoir pas reçu d’information de la part du gouvernement sur le déploiement de cet outil à Mayotte. “On doit être quatre à l’avoir téléchargé, et déjà on n’arrive pas tous à l’activer sur notre téléphone. Mais même si l’on pouvait, cette application se base sur un QR code, disponible à partir de la base de données alimentée par le réseau Sidep, qui ne fonctionne pas à Mayotte”, nous explique-t-on. Ce “service intégré de dépistage et de prévention système” constitue en effet une base nominative qui doit permettre de recenser l’intégralité des tests PCR réalisés depuis le 11 mai. Mais faute d’y avoir accès sur l’île aux parfums, les équipes de l’ARS doivent se résoudre à un recensement bien plus manuel, aidées seulement d’un tableur Excel.
Censée venir en appui au travail des médecins et de l’Assurance maladie, l’application n’est pas non plus l’affaire de la CSSM, qui planche plutôt sur son propre dispositif. “L’assurance maladie (donc la CSSM) ne gère pas cette application. À différencier de la plateforme contact tracing déployée par le réseau Assurance maladie et l’ARS. La CSSM communiquera prochainement sur ce dispositif”, nous indique-t-on à la caisse de sécurité sociale. D’après l’agence régionale de santé, cette plateforme d’appel devra permettre de soulager le personnel de l’ARS en dédiant une équipe de la CSSM à ce suivi chronophage des cas contacts. En clair, cette nouvelle arme du gouvernement, déjà contestée sur son efficacité et ses coûts de fonctionnement (elle a été développée bénévolement et n’a donc au moins pas coûté cher à produire) en métropole, ne servira pas beaucoup à Mayotte…
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