Des fumeurs de plus en plus jeunes à Mayotte

Depuis 2016, novembre rime avec mois sans tabac en France. Les actions de sensibilisation se multiplient dans le pays. Mayotte n’est pas en reste. Il faut agir rapidement et de manière efficace car les fumeurs de cigarettes sont de plus en plus jeunes. Le tabac est d’ailleurs la substance la plus consommée par les jeunes dans le département.

Le constat est inquiétant. Au sein de son cabinet, situé dans la bâtisse du dispensaire Jacaranda à Mamoudzou, le docteur Youssouf Ali Mohamed, tabacologue du centre hospitalier de Mayotte, reçoit des patients de plus en plus jeunes. La majorité d’entre eux ont moins de 18 ans. « La jeunesse actuelle commence très tôt l’usage du tabac, vers 13-14 ans, mais ce n’est pas propre à Mayotte. C’est quelque chose qui s’observe partout en France », commente le professionnel de santé. Et si ces adolescents se laissent tenter par la première cigarette, ce n’est pas par hasard. Généralement, l’influence de leur entourage en est la cause principale. « Cela peut être lié au mimétisme, ça veut dire que l’on est en groupe, la personne copie ce que les autres font pour rester dans ce groupe. La famille peut également en être la raison. Quand un enfant voit les adultes qui l’entourent fumer, il a tendance à faire la même chose », explique le docteur Youssouf Ali Mohamed. Selon l’agence régionale de santé de Mayotte, l’observatoire régional de la santé a donné des indicateurs sur les consommations de substances psychoactives à Mayotte en décembre 2018. Et « le tabac est la substance à laquelle les jeunes sont les plus exposés sur le département (67%) ».

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Sauf que la cigarette ne suffit plus aux jeunes mahorais qui sont séduits par d’autres produits… tout aussi nocifs. Le tabacologue du CHM a vu arriver la consommation de la chicha sur l’île ces dernières années. Banalisée par ses consommateurs, la pipe à eau – ou narguilé – n’est pourtant pas anodine pour la santé. « C’est une façon de consommer le tabac autrement, de façon conviviale et c’est ce qui attire les jeunes. Ils ne perçoivent pas l’aspect de la dépendance physique alors que la fumée de la chicha est toute aussi nocive que celle du tabac conventionnel », alerte le docteur.

Trouver la motivation pour arrêter

« Le tabac tue plus que les autres produits psychoactifs », développe-t-il. Une prise en charge est alors essentielle, le plus rapidement possible. Mais encore faut-il que les fumeurs prennent conscience de leur dépendance. « J’ai des patients qui viennent me voir pour autre chose et je constate par la suite qu’ils consomment du tabac. Il y a aussi ceux qui sont envoyés par leur entourage et généralement ce sont des gens qui ne sont pas prêts à arrêter », affirme Youssouf Ali Mohamed. Pour ceux-là, la phase de sevrage est plus longue car ils doivent passer par des séances de psychothérapie, des entretiens, pour trouver la source de motivation. En parallèle, les médecins leur prescrivent des patches qui réduisent considérablement le nombre de cigarettes fumées par jour. « Une fois qu’on a commencé et qu’on est dans la dépendance, ce n’est pas aussi facile d’arrêter. Les gens pensent que c’est un problème de volonté alors qu’il n’y a pas que ça. La personne souffre quand elle veut arrêter », précise le tabacologue. Une souffrance qui varie selon les patients, mais qui est plus difficile à supporter pour les fumeurs de longue date ayant commencé très tôt.

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Changement des mœurs mahoraises

La cigarette n’a jamais fait partie des us et coutumes de Mayotte, mais la société mahoraise a observé un changement des mœurs à travers l’occidentalisation. Les Mahorais ont copié les bonnes habitudes, comme les plus néfastes. « À Mayotte, avant, fumer devant ses parents était interdit. Maintenant, cette barrière culturelle est en train de tomber », regrette le docteur. La religion faisait également office de restriction puisque l’Islam interdit toute substance dangereuse pour la santé. Or, de nos jours, même les religieux ne prêchent plus contre l’usage du tabac. « Il fût un temps où ils le faisaient, aujourd’hui on ne les entend plus. Dans les mosquées, on parle souvent de l’interdiction de l’alcool, mais pas du tabac. C’est une erreur parce que je pense que les religieux peuvent jouer un rôle dans le travail de sensibilisation », estime le professionnel. De nos jours, toute action qui prévient contre les conséquences du tabac est nécessaire puisque, c’est un fait, « le tabac reste aujourd’hui la première cause évitable de mortalité en France », rappelle l’ARS de Mayotte.

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