Les psychologues en grève pour dénoncer la précarisation de la profession

Ce jeudi 10 juin était synonyme de grève nationale pour les psychologues. À Mayotte, qui en comptabilise une trentaine, ils subissent le même sort qu’en métropole. Se sentant dénigrés par le gouvernement après l’annonce de nouvelles réglementations en réponse à la crise sanitaire et presque délaissés sur le plan salarial, les professionnels de la santé mentale ont donné de la voix pour interpeller les habitants et les autorités et dénoncer la précarisation de leur profession.

« Psychologues maltraités, patients en danger », entonne à l’unisson la quinzaine de professionnels, réunie ce jeudi matin au rond-point de la barge. Comme dans le reste de la France, les psychologues de Mayotte expriment en chœur leur colère face à la précarisation de leur métier. « Il y a un projet de remboursement des consultations psychologiques en libéral, ce qui n’est pas inintéressant… Le problème ? C’est la forme que cela va prendre », s’inquiète Faïne, psychologue libérale, venue dès 8h du matin pour partager sa frustration avec quelques-uns de ses collègues de la profession sur le territoire. En effet, les psychologues libéraux considèrent que les nouvelles mesures du gouvernement menacent de plus en plus leurs pratiques.

Et aux yeux de Faïne, plusieurs réglementations risquent de leur compliquer la tâche. Comme le fait que les consultations soient uniquement possibles sur prescription médicale, ce qui donne davantage de travail aux médecins généralistes… Qui ne savent pas toujours bien orienter les patients lorsqu’il s’agit d’un suivi psychologique. « Certains attendent des mois avant de nous appeler, alors s’ils doivent passer par une tierse personne, ils n’arriveront jamais jusqu’à nous », regrette pour sa part Maureen. Autre crainte pointée du doigt ? Les grilles tarifaires proposées par l’exécutif : 22 euros remboursés pour trente minutes de séance et 30 euros pour une heure. Des tarifs qui ne permettraient pas à ces professionnels de la santé mentale de rentrer dans leurs frais. À ce rythme-là, les conséquences pourraient être terribles ! « Si nous nous alignons sur leurs propositions, nous allons devoir fermer nos cabinets », peste encore la jeune femme.

 

Des problématiques méconnues du public

 

Si les psychologues en grève cherchent à attirer l’attention de l’agence régionale de santé, ils souhaitent aussi révéler leur situation au grand public. Sur tous les fronts durant la crise sanitaire, en raison de l’accompagnement de davantage de personnes angoissées qu’à l’accoutumée, ils se sentent littéralement oubliés par les fameuses conclusions du Ségur de la santé présentées par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, le 21 juillet 2020, à l’instar des sages-femmes qui ont elles aussi manifesté dans les rues de Mamoudzou le 5 mai dernier.

« Écoutez-nous comme on vous écoute », scandent-ils ce jeudi, comme pour faire bourdonner l’oreille des passants. Armé de tracts, le groupe détaille par écrit les dernières mesures prises par la majorité présidentielle et évoque avec les plus curieux la précarisation grandissante du métier de psychologue libéral. Au détriment d’un renforcement des structures d’accompagnement déjà existantes, comme les centres médico-psychologiques ou les services psychiatriques intra-hospitaliers. Installés ensuite au milieu du rond-point de la barge, ils prennent la direction de la préfecture de Grande-Terre. Sur le chemin, les professionnels de la santé mentale chantent à tue-tête leurs slogans. Une manière de faire réagir les uns et les autres, tel un cri de désespoir tant la population mahoraise ne semble pas prendre conscience de l’importance de leur champ d’actions…

 

Des problématiques propres à l’île aux parfums

 

Car oui, si les nouvelles réglementations concernent l’intégralité des psychologues du territoire français, les professionnels de Mayotte défendent aussi leurs propres revendications. « Comme dans tous les domaines de santé ici, il y a un énorme besoin et nous manquons de moyens humains », se désole Faïne. Selon elle, ce vide est en grande partie responsable du turn-over… Pour preuve, peu de spécialistes décident de rester sur place, découragés face au manque à combler. « Quand sur un suivi de deux ans, les patients rencontrent trois ou quatre psys différents, c’est loin d’être optimal », met-elle en lumière.

Les conditions dans lesquelles doivent travailler les psychologues sont donc difficiles à assumer pour eux, aussi bien mentalement que financièrement, mais surtout, elles ont un grand impact sur les patients, dont le suivi perd en qualité. Pour toutes ces raisons, ces professionnel de la santé mentale auraient souhaité être consultés avant l’annonce des mesures qui sont vues comme « un coup de com’ » plutôt qu’une réelle avancée pour leur spécialité. « Je ne m’en sortirai pas », confie, désespérée, une psychologue clinicienne…

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