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8,9% des détenus se font tatouer durant les trois premiers mois de leur incarcération, selon Gilles Penavayre.

À l’occasion du colloque Mayotte en Santé, une conférence s’est tenue sur la prévention des risques liés au tatouage dans le milieu carcéral. Si cette pratique faite de manière non conventionnelle en prison est dangereuse pour la santé, une expérimentation en métropole pourrait bien offrir des pistes de solution.

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Le docteur Yves Aubry, responsable de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) de la prison de Majicavo, et Gilles Penavayre, chargé de mission Halte Soin Addictions (HSA) pour l’association Oppelia, ont animé une conférence sur les risques liés aux tatouages en milieu carcéral au colloque Mayotte en Santé.

“On a toujours marqué les prisonniers. En se tatouant eux-mêmes, c’est une façon de se réapproprier leur corps”, commence Gilles Penavayre, chargé de mission Halte Soin Addictions (HSA) pour l’association Oppelia, basée à Lyon (Rhône). Ce mercredi, une des conférences du colloque Mayotte en Santé, qui se tient jusqu’à jeudi au Pôle d’excellence rurale de Coconi, était consacrée à la prévention des risques liés au tatouage dans les prisons.

Peu d’infections dans la prison mahoraise

Le docteur Yves Aubry, responsable de l’unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) de la prison de Majicavo, qui entamait la rencontre, a fait un état des lieux de la pratique du tatouage dans le milieu carcéral à Mayotte. Ce dernier a réalisé une étude en juin 2024, portant sur 50 nouveaux entrants en détention. Sur cet échantillon, 30 avaient déjà au moins un tatouage, un chiffre important selon le médecin. “Puis ils en font aussi beaucoup en incarcération”, ajoute-t-il. Alors qu’en France les tatoueurs sont soumis à des réglementations notamment au niveau de l’hygiène, les méthodes utilisées par les prisonniers ne sont pas conventionnelles : bétadine séchée, doliprane brûlé ou cendre pour faire l’encre ; lames de rasoir, pots de yaourt brûlés pour faire l’aiguille. Le tout, mal désinfecté.

Si cette pratique mal encadrée peut avoir des conséquences sur la santé, notamment au niveau de la transmission d’infections, de maladies type VIH ou hépatite quand le matériel est partagé, ou des réactions allergiques à l’encre artisanale, la population carcérale de Majicavo est plutôt épargnée par ces complications. “Sur les deux dernières années, on a seulement eu trois ou quatre cas de grosse infection”, constate le médecin, ajoutant que la majeure partie du temps, ces tatouages provoquent surtout des rougeurs. Il déplore néanmoins le peu de conscience des risques des détenus mahorais, dont un tiers imagine seulement le cancer comme conséquence à ces tatouages, quand bien même il n’y a pas de lien véritablement établi entre cette pratique et cette maladie.

Vers une pratique encadré du tatouage carcéral

Gilles Penavayre a poursuivi la conférence en présentant le projet de réduction des risques qu’il a mis en place dans une prison en France hexagonale. Il a ainsi créé un programme de tatouage sécurisé consistant à faire venir un tatoueur professionnel une fois par mois auprès des détenus. “Il y a aussi un aspect d’apprentissage. Les détenus peuvent amener leur propre matériel et apprendre les techniques de dessin et règles d’hygiène avec le tatoueur”, développe le chargé de mission. Les prisonniers ont même l’autorisation de se faire tatouer par leur camarade, sous la supervision du professionnel, et ce dernier est finalement souvent préféré à l’amateur. Une solution qui a permis de réduire les risques pour la santé, mais aussi de créer des vocations, et qui pourrait peut-être servir d’inspiration dans la prison mahoraise.