Pour le Sénat, le système de soins de l’île aux parfums est « en hypertension »

La visite de quatre sénateurs français, début mars à Mayotte, a débouché sur l’élaboration d’un rapport sur l’offre de soins à Mayotte, publié le 27 juillet. Celui-ci pointe les nombreux retards en comparaison avec la métropole et recommande « de soutenir une structuration de l’offre de soins ».

À la date du 27 juillet, un rapport intitulé « Mayotte : un système de soins en hypertension » a été déposé au Sénat. Les quatre auteurs dressent un constat sans concessions sur les problèmes de santé que connaît l’île.

Sur quelle base s’appuie la publication du rapport du Sénat ?

La commission des affaires sociales du Sénat a envoyé quatre de ses membres visiter les structures de santé de Mayotte, du 1er au 4 mars. Une mission réalisée notamment à la demande du sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi (La République en marche). Catherine Deroche (Les Républicains), Laurence Cohen (Parti communiste), Jean-Luc Fichet (Parti socialiste) et Dominique Théophile (La République en marche) ont ainsi pu voir le centre hospitalier, l’agence régionale de santé, l’hôpital de Petite-Terre, des dispensaires, des pharmacies et des centres de dépistage. C’est à partir de leurs observations et d’études qu’ils ont pu écrire ce rapport.

À quoi servira cet écrit ?

Il s’agit d’un rapport d’information, il ne débouchera pas sur une loi. Cependant, il sera pris en compte dans l’élaboration de nouveaux textes ou de nouveaux amendements. Cinq recommandations sont d’ores et déjà notées, la première est de « soutenir la structuration de l’offre de soins à Mayotte et la montée en capacité du centre hospitalier de Mayotte et des structures de santé par un plan à horizon 2035 » (lire ci-dessous).

Est-il critique sur la situation ?

De nombreux problèmes ont retenu l’attention des sénateurs. Les chiffres d’une enquête Insee datant de 2021 figurent ainsi en bonne place. Il est rappelé que le taux de mortalité infantile est de 9.6 pour 1.000, contre 3.8 en métropole. « La malnutrition touche encore 10% des enfants de 4 à 10 ans », s’inquiète la délégation. L’obésité concernait, elle, 26% de la population en 2019.

« Territoire confronté à une extrême pauvreté, Mayotte connaît toujours des maladies infectieuses peu présentes au niveau national, comme l’hépatite A ou a vu des résurgences de choléra ou d’épidémies de fièvres typhoïdes », indique le rapport.

Au-delà des chiffres, quels problèmes sont soulevés ?

L’accès à l’eau est bien évidemment un enjeu majeur sur le plan sanitaire sur l’île. L’Insee estime à 29% la part des ménages sans eau courante. Le coût des soins pouvant également être un frein pour une partie de la population, « 45% des habitants de plus de 15 ans déclarent avoir dû renoncer à des soins en 2019 », pointait l’Insee en 2019.

Au niveau des infrastructures ou du personnel, le manque de lits (1.56 lit pour 1.000 habitants, contre 3.6 en métropole) au centre hospitalier, des services en sous-effectif, une maternité surchargée (qui pourrait dépasser les 12.000 naissances cette année) ou une médecine de ville « balbutiante » (390 professionnels libéraux exerçaient à Mayotte en 2021) n’ont pas échappé aux parlementaires.

L’évacuation récurrente de patients vers La Réunion est-elle une solution efficace ?

« La forte dépendance à La Réunion », dixit les sénateurs, se traduit en chiffre par un nombre de transferts qui atteint 1.452 en 2021, alors qu’ils étaient 500 en 2010 par exemple. Plusieurs cas nécessitent une évacuation sanitaire, dont « les tumeurs, les pathologies de l’appareil cardio-respiratoire, celles de l’appareil génito-urinaire, la natalité et la périnatalité pour des grosses pathologiques ou avec une analyse chromosomique nécessaire ».

La moitié des transferts se font de manière médicalisée. Pour le reste, les patients voyagent seuls (un tiers), voire accompagnés par un membre de leur famille ou de l’aide sociale.

Des points positifs se dégagent-ils ?

La création d’une agence régionale de santé propre à Mayotte, objet d’une visite, est l’un des points positifs retenus. « La structuration d’une nouvelle agence régionale de santé, qui n’avait rien de facile dans un temps réduit et face à une situation locale complexe et de nombreux défis de développement, semble une expérience réussie et saluée au niveau local », estiment les sénateurs.

L’installation d’une centaine de bornes sur le territoire, les investissements (192 millions d’euros promis par l’État) sur l’actuel hôpital et la future construction du second site à Combani sont aussi salués.

 

Cinq recommandations données par les sénateurs

Outre la structuration de l’offre de soins comme évoquée ci-dessus, le Sénat préconise de réaliser « les adaptations législatives et réglementaires pour mieux faire correspondre le droit applicable aux réalités du territoire ». La quatrième va dans le même sens et porte sur « la réalisation des engagements relatifs aux droits à l’assurance maladie ».

En troisième, il est demandé « d’assurer rapidement une capacité de recours programmés aux soins primaires et garantir dans les prochaines années une capacité de soins programmés en chirurgie ». Sur l’équipement, qui fait figure de dernière recommandation, la délégation sénatoriale encourage la multiplication des bornes fontaines sur le territoire afin d’y « assurer des points d’accès gratuit à l’eau potable ».

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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