“Notre objectif est d’éviter toute rupture de service à Mayotte”

La Caisse de sécurité sociale de Mayotte joue un rôle tout particulier à Mayotte. Celle-ci assure en effet diverses compétences allant du recouvrement des cotisations aux versements des allocations, en passant par le soutien à certaines associations. Des missions indispensables au territoire qui ne peuvent être mises entre parenthèses durant la crise du Covid-19. Ymane Alihamidi-Chanfi, directrice de l’organisme, détaille les mesures prises.

Flash Infos : La CSSM met en place plusieurs dispositifs de soutien durant la crise sanitaire. Ils sont notamment dédiés aux allocataires de la Caisse. En quoi consistent-ils ?

Ymane Alihamidi-Chanfi : Nous avons fait en sorte de garantir la continuité des droits. Le versement des prestations familles telles que le RSA, l’allocation adulte handicapée, les aides aux logements, etc., sont normalement soumises à une démarche mensuelle de l’allocataire afin que ce dernier puisse continuer à en bénéficier. Là, nous avons suspendu cette démarche afin que les prestations soient assurées de manière automatique jusqu’à que la crise soit finie. Les allocataires déjà connus n’ont donc rien à faire, même si ceux qui peuvent se déclarer en ligne sont encouragés à le faire tout de même. Cela sera ça de moins à rattraper par la suite. Nous avons par ailleurs avancé le versement au 4 avril. Normalement, c’est le 5 de chaque mois, mais ce mois-ci cela tombe un dimanche, et cela aurait donc reporté au 6. En décalant d’un jour, cela permet aux personnes titulaires d’une carte bancaire d’aller retirer, et à celles qui n’en ont pas d’aller au guichet le lundi. Nous avons prévenu la Poste et nous espérons que cela sépare un peu les personnes afin de contribuer au respect des gestes barrières. Nous avons 22.000 allocataires, mais 89.000 bénéficiaires avec les ayants droit, les conjoints, enfants, etc. Notre objectif est donc d’éviter la rupture des droits.

En ce qui concerne ceux que l’on pourrait appeler les potentiels allocataires – par exemple quelqu’un qui avait déposé un dossier qui n’est pas achevé –, ils peuvent toujours nous contacter au 02 69 61 91 91. Nous faisons le nécessaire à distance pour les accompagner, notamment dans la transmission numérique de leurs informations. Notre boîte aux lettres est par ailleurs toujours ouverte : on continue à traiter des dossiers papier.

D’autres priorités sont fixées, comme pour les indemnités journalières non subrogées, c’est-à-dire celles où l’employeur ne pratiquent pas le maintien de salaire : indemnité maternité de certaines femmes ou arrêts maladie classiques, car il y a toujours des gens malades au-delà du Covid-19.

C’est aussi le cas pour nos assurés, avec une prolongation de droits pour tous ceux qui sont en affection longue durée. Un diabétique, par exemple, doit déclarer sa situation validée par son médecin pour continuer d’avoir la prise en charge à 100 % de ses médicaments. Là, évidemment, ses droits sont prolongés. Idem pour l’exonération du ticket modérateur, qui concerne quelque 57.000 personnes : nous avons obtenu une prolongation automatique. Sans oublier les personnes âgées bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui sera versée à l’échéance habituelle, sans déclaration préalable. Notre objectif est d’éviter absolument toute rupture, mais si des usagers connaissent des déconvenues, ils ne doivent pas hésiter à nous contacter par téléphone ou par mail, à l’adresse pfs.cssm@css-mayotte.fr.

Enfin, nous travaillons avec le préfet et les collectivités pour envisager la continuité du versement de la prestation d’aide à la restauration scolaire. Des parents ont déjà réglé leurs participations, souvent des parents un peu démunis. Il faut donc faire au mieux et redistribuer aux familles qui ont déjà réglé leur part et qui sont en droit d’attendre un retour.

FI : Sur le volet entreprise, les mêmes mesures qu’en métropole sont appliquées à Mayotte. La CSSM est concernée, en particulier sur le report des échéances…

Y. A-C. : Oui, nous les avons reportées sans formalités, sans justificatif ni pénalité, au 15 juin. Les recouvrements amiables et forcés ont également été suspendus. Nous participons aussi à la cellule d’urgence pilotée par la CCI pour relayer les mesures nationales. Mais en cas de difficultés, les entreprises peuvent bien entendu continuer à nous contacter à l’adresse delaicovid976@scc-mayotte.fr. Nous tâchons d’être particulièrement réactifs avec une réponse dans les 24 à 48 h.

Nous mettons aussi l’accent sur les professionnels de santé : leur adresse contact est toujours fonctionnelle et nous avons ouvert une ligne directe vers eux. Ils sont sur le front, et nous sommes encore plus réactifs sur leurs questions, leurs blocages, leurs inquiétudes. Nous avons d’ailleurs fait en sorte qu’ils puissent bénéficier de la réquisition des places de crèches. C’est un public que l’on ne laisse pas de côté.

FI : La CSSM a aussi une branche associations, qui dépendent de votre soutien financier. Elles sont particulièrement mobilisées durant cette crise…

Y. A-C. : Oui : crèches, accueils collectifs de mineurs, pour les personnes âgées, l’aide à domicile, etc., ce sont des associations que l’on accompagne en temps normal. Le conseil de la Caisse va donc se réunir en urgence pour déterminer comment les accompagner dans cette période. Notre équipe d’action sociale est toujours en contact avec elles et avec les familles. Il faut que l’on puisse délivrer les aides pour que la population fragilisée en ce moment puisse se tourner vers ces structures sans qu’elles ne pâtissent d’un manque de moyens.

FI : Dans le contexte actuel, la CSSM joue un rôle clé. Comment avez-vous réorganisé vos services pour y faire face ?

Y. A-C. : Cela n’est pas facile, car nous avons démarré le 16 mars et nous sommes à peu près 300, avec une partie du personnel absente pour des raisons tout autre que le Covid-19 : arrêts maladie à cause de la dengue ou congés déjà planifiés. Sans compter que la CSSM possède toutes les branches de la sécurité sociale, ce qui démultiplie la complexité.

Toutefois, nous avons réussi à déployer plus d’un tiers des personnels en télétravail. Une partie est déjà équipée pour cela, une autre partie utilise encore du matériel personnel. Il nous a fallu identifier les activités prioritaires de la Caisse pour y parvenir, ses fonctions vitales : le paiement des prestations, l’encaissement des cotisations, même si c’est de manière modérée, et les aides aux associations.

Pour les activités “non prioritaires”, cela ne veut pas dire que les personnels ne travaillent pas : certains sont redéployés, d’autres sont en contact pour être équipés pour le télétravail, et on essaye de voir dans quelle mesure on pourrait leur apporter leurs ordinateurs fixes du travail afin d’assurer la continuité du service. Et nous réfléchissons encore à étendre ce télétravail dans les services où cela est possible, car cela apporte, selon les tâches à faire, un certain nombre de difficultés pour nos employés. On peut prendre l’exemple de nos téléconseillers, qui sont encore soit au siège soit à Kawéni. Nous essayons de les déployer à domicile, mais cela comporte des contraintes : répondre au téléphone avec des enfants qui sont eux aussi confinés à la maison, cela n’est pas des conditions optimales. Mais je sais que le public comprendra qu’on fonctionne en mode un peu “dégradé”, et que s’ils n’entendent pas très bien, ou qu’il y a un bruit de fond, ils n’en voudront pas à nos téléconseillers.

Un peu moins d’un quart du personnel est présent sur site, et en roulement pour des questions de sécurité sanitaire. Nous travaillons d’ailleurs avec toutes les portes ouvertes pour ne pas avoir à toucher les poignées ; nous avons distribué du gel hydroalcoolique, renforcé l’équipement en savons et en mouchoirs à usage unique ; et faisons des rappels réguliers sur les gestes barrières. Enfin, certains personnels ont été installés sur nos antennes à travers le territoire, en fonction de leur domicile, pour leur éviter le maximum de déplacements.

C’est un gros chantier, mais nous sommes accompagnés par nos caisses nationales et il faut souligner l’engagement vraiment très fort du personnel de la Caisse.

 

 

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