Alors que l’épidémie de Covid-19 progresse peu à peu à Mayotte, la question des séniors, population particulièrement sensible au virus, se pose. Du coté des acteurs du secteur, on se prépare en tout cas du mieux possible.
Jeudi 26, à l’occasion de sa conférence de presse bi-hebdomadaire, la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, soulevait un « atout énorme » de Mayotte au moment où il semble « hautement improbable » que l’île échappe à un pic épidémiologique : « seul 4% de la population a plus de 60 ans. Cela n’est pas comme en Alsace, où cette tranche d’âge représente la moitié de la population. Le nombre de leurs cas graves est donc très élevé. Mais nous on peut espérer, si on protège les anciens (…), avoir une vague moins haute. »
Car la population des séniors est en effet particulièrement sensible aux conséquences du Covid-19. Or, occidentalisation de la société oblige, les personnes âgées connaissent, depuis quelques années, un isolement de plus en plus grand. Travail quotidien des enfants qui ne peuvent de fait plus occuper ou mobilité vers la métropole ou La Réunion : nos anciens se retrouvent seuls. Et l’absence de structure d’accueil sur le département rend la problématique plus forte encore. Alors, comment vivent-ils la situation ?
« C’est mitigé », constate Abdallah Mirhane, directeur de Dagoni Services, organisme qui oeuvre dans le service à la personne auprès de quelque 250 personnes âgées. L’homme détaille : « Certains sont inquiets, d’autres sont fatalistes et invoquent la volonté divine. » Pour autant, hors de questions bien évidemment de les laisser à leur sort. « On sensibilise les membres de leur famille, notamment les enfants et les petits enfants, en leur demandant d’éviter de leur rendre visite pour ne pas leur transmettre le virus », reprend le responsable. Car, du côté des acteurs associatifs, on tâche de s’adapter à la situation. « Les familles ont peur, c’est normal », remarque à son tour Inoussa El Fat, directeur de 976 Allo Saad, autre association de service à la personne.
Des masques très attendus
Principal questionnement jusqu’ici ? Celui des protections. « Nous poursuivons nos interventions à domicile, mais ce n’est pas évident car certaines familles demandent à ce que nos auxiliaires de vie portent un masque, ce qui est normal », explique-t-il. Leurs visites sont pourtant indispensables à la dignité des personnes, mais aussi parce que « nous travaillons aussi avec les infirmiers libéraux. C’est complémentaire. Faire la toilette aux anciens, cela leur permet ensuite de travailler dans de bonnes conditions. » Même inquiétude pour Dagoni Services, qui a effectué la semaine dernière une demande de masques pour protéger ses quelque 120 auxiliaires de vie, mais aussi les personnes âgées, parfois inquiètes lorsqu’elles voient arriver des personnes sans masque. « Certaines nous ont même demandé de suspendre les interventions jusqu’à nouvel ordre », a constaté Abdallah Mirhane. Or, « pour certaines personnes qui peuvent se passer de certaines aides, comme du ménage par exemple, on suspend. Mais pour les personnes qui sont dans le besoin, que l’on doit nécessairement aider pour leur toilette, il nous faut bien du matériel de protection. »
Des demandes d’équipement qui ont trouvé écho. Vendredi, à l’heure où nous les contactions, ces deux acteurs du secteur avaient été approchés par l’ARS « pour savoir combien nous avions d’auxiliaires de vie et de bénéficiaires, raconte Inoussa El Fat. Une solution devrait être trouvée ces jours-ci. Nous avons aussi demandé à avoir des produits hydroalcooliques. L’ARS a été très réceptive à nos demandes. » Et de préciser que le conseil départemental aussi les avait contactés afin de « connaître le nombre de personnes âgées vraiment isolées, car il faut leur envoyer quelqu’un ».
Même constat pour Abdallah Mirhane, de Dagoni Services. « Dominique Voynet m’a confirmé qu’ils avaient reçu des masques et que nous allions en recevoir aujourd’hui même [vendredi 27, NDLR]. Au moins pour que l’on puisse agir chez des personnes âgées complètement isolées et qui ont besoin qu’une aide à domicile passe les voir au quotidien », confirme-t-il.
La prise en charge des personnes âgées s’organise donc peu à peu à Mayotte en vue du pic de l’épidémie de Covid-19 avec, tout de même, un point positif pour nos anciens : « Maintenant que tout le monde est confiné, certains de leurs enfants s’en occupent plus souvent. Certains ont même, au début de l’épidémie, fait déménager leurs parents chez eux, afin qu’ils soient confinés ensemble. » Un bon geste à condition, rappelons-le encore une fois, que chacun respecte les consignes.
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