Alors que le retour des compétences natives de l’île est un défi majeur pour son développement sur le long terme, la crise sanitaire liée au Covid-19 pourrait compliquer une tâche déjà peu aisée. Face aux failles observées sur le département, certains mahopolitains, pourtant désireux de revenir, hésitent désormais à le faire. Pourtant, leurs ambitions pour l’île ne sont pas profondément remises en cause.
L’enjeu est de taille, et pour cause : envisager un développement à long terme de Mayotte induit de faire revenir les compétences natives de l’île installées ailleurs, en particulier dans l’Hexagone ou à La Réunion. Un dossier déterminant dont tâchent de se saisir les institutions locales, conseil départemental en tête à travers ses antennes métropolitaine et réunionnaise. Une volonté qui pourrait toutefois être entravée par la crise sanitaire mondiale dont Mayotte, par rapport à la métropole, se sera sortie en dernier.
C’est le cas pour Yasmine, diplômée l’année dernière en psychologie. Si son retour n’était de toute façon pas prévu pour tout de suite, il pourrait bien être, en revanche, reporté. “De manière générale, j’hésite à rentrer à Mayotte, car je souhaite accumuler des expériences professionnelles en métropole pour prendre plus d’assurance et suivre des formations complémentaires. Je comptais rester encore un an ou deux en métropole avant de revenir”, explique-t-elle. Mais elle le concède : “Effectivement, au vu de la situation à Mayotte et au Covid-19, je préfère rester deux ans au minimum, le temps que la situation s’apaise et qu’elle devienne plus contrôlable. Travaillant dans les secteurs de la santé, c’est important pour moi.” Parmi les inquiétudes : l’isolement de l’île et une potentielle deuxième vague épidémique à venir, “qui se révèlerait à nouveau incontrôlable” à Mayotte. Mais au fond, la crise sanitaire est-elle réellement rédhibitoire pour un retour à Mayotte ? Elle n’en est en tout cas pas la seule cause. Ce que confirme Yasmine en nuançant son propos : “Si j’avais la possibilité d’effectuer mes formations à Mayotte, je serais peut-être passée outre mes craintes.” On le voit ici : les difficultés structurelles à une réinstallation pèsent toujours dans la balance.
C’est ce que constate aussi Mohamed Zoubert, directeur de la délégation de Mayotte à Paris. Parmi les missions de l’organisme, antenne du conseil départemental dans l’Hexagone, rendre Mayotte attractive, en particulier pour les cadres mahorais installés là-bas ou à l’étranger, “qui peuvent, demain, aider l’île à se relever et qui hésitent à revenir pour différentes raisons, familiales, personnelles, ou parce qu’ils ont un cadre de vie agréable”. Son constat sur la problématique du moment ? Il va falloir rassurer, oui, mais il ne perçoit pas de remise en question profonde pour ceux qui sont sûrs de leur projet. Il l’explique : “La crise a pris tout le monde de court, partout dans le monde. Il faut donc rassurer les gens, dire que cela va passer, rouvrir les perspectives ici. Il faut donc, oui, relancer ce travail. Pour autant, je ne pense pas que les personnes convaincues et déterminées remettent leur projet en question. Nous avons rencontré énormément d’étudiants qui, justement, veulent rentrer à Mayotte pour créer leur entreprise et nous demandent de les y aider. Peut-être vont-ils repousser leur projet de six mois ou d’un an à cause du Covid-19 pour voir comment elle évolue, oui, mais pas pour l’annuler. En tout cas, nous n’avons rencontré personne qui l’envisageait.” Plutôt encourageant.
Le bon moment pour rentrer ?
Et à l’inverse, certains se disent même qu’il est peut-être temps de revenir. “Pourquoi fuir Mayotte”, se demande ainsi Safi, étudiante en métropole, qui relativise : “Un amoureux de son île reste chez soi quoi qu’il s’y passe. La vie est faite de haut et de bas, alors pourquoi fuir dès qu’il y a un souci ? Autant le régler pour continuer à être fier de Mayotte.” Psychologue en métropole, proches de ceux
qu’on appelle les “Mahopolitains” par le travail qu’elle y mène, Rozette Yssouf observe elle aussi cette tendance. Elle la détaille : “Les jeunes qui vont être diplômés cette année ne semblent pas forcément hésiter à rentrer travailler chez eux. Bien au contraire.” Une explication à cela : “Cette crise sanitaire inédite et planétaire a été révélatrice de nombreuses choses, et surtout que nous avons un système sanitaire défaillant qu’il faut absolument revoir, que ça soit dans l’Hexagone ou dans les Outre-mer, en particulier à Mayotte, l’un de ses départements ultramarins, avec la Guyane, à rester en zone orange et où le confinement fut particulièrement difficile. Tout cela démontre plus que jamais que Mayotte a besoin de ses jeunes diplômés, qu’elle a besoin encore plus de “matière grise” pour réfléchir à comment aider l’île à se relever de ses différentes problématiques, aussi bien sociales qu’économiques, politiques, sécuritaires et même psychologiques. L’union de tous, et de tous les professionnels de spécialités différentes, ne pourra que faire un grand bien à cette île si belle et si fragile.” Et de conclure : “La jeune génération, comme j’ai pu le constater lors de mes rencontres avec elle, souhaite le retour au “pays natal”. Ce qui la freine, c’est [qu’elle a l’impression] qu’il n’y a rien qui est mis en place pour la motiver à revenir, et aussi la peur de ne pas trouver un emploi sur place.”
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