Le 1er décembre est traditionnellement la journée mondiale de lutte contre le Sida (dernier stade du VIH, le virus de l’immunodéficience humaine). A Mayotte, les cas sont davantage connus grâce au dépistage, « mais il y a encore des améliorations à faire ».
La circulation du VIH est-elle de plus en plus importante sur l’île ?
« On a 400 patients en file active. Depuis 2019, l’année où je suis arrivé, j’ai vu une augmentation. Cette année par exemple, on a 80 nouveaux dépistés. Une vingtaine l’étaient déjà avant d’arriver à Mayotte », comptabilise le docteur Mohamadou Niang, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au centre hospitalier de Mayotte (CHM). Celui-ci y voit « trop de comportements à risques et un manque d’éducation sexuelle. La notion de tourisme sexuel est également importante ». Et même si l’augmentation des cas est liée à un meilleur dépistage, « il y a encore des améliorations à faire », nuance Marie-Eve Tremblay. Infirmière du service de consultations externes du VIH, elle veille avec Pauline Focant au suivi des patients porteurs du VIH.
Les communautés sont-elles différemment touchées ?
Les deux infirmières évaluent à 30% de Malgaches environ la part de patients sur Mayotte. Le virus étant particulièrement actif en Afrique, les populations comoriennes ou d’Afrique de l’Est sont également touchées. « 70% des patients ont besoin d’une régularisation. Il y a un gros travail social, c’est une partie prenante de la prise en charge », concède Pauline Focant. Les travailleuses du sexe est un public particulièrement surveillé. Le chef du service et les infirmières déplorent que les malades ne se font connaître au dernier stade de l’infection au VIH, celui du Sida.
Quels sont les freins au dépistage ?
C’est un problème sur l’île, la prévention y est plus difficile à effectuer qu’en métropole, même si des associations comme Narike M’sada œuvrent localement pour ça. « On a beaucoup de dépistage en cas de grossesse », relève Marie-Eve Tremblay. En effet, les femmes enceintes étant obligées de faire des contrôles, c’est ce public qui est plus facilement suivi. Car, a contrario, les hommes n’ont pas assez le réflexe du dépistage et peuvent très bien avoir le VIH sans le savoir. « Certains n’ont jamais fait de tests médicaux », fulmine le médecin, alors qu’il préconise un dépistage « tous les trois ans ». Autre frein, à Mayotte, les tests sont généralement plus chers qu’en métropole. Et « quand vous rentrez dans une pharmacie, il faut le demander aux pharmaciens. En métropole, on peut acheter un test directement dans les rayons », ajoute l’infectiologue.
Est-ce qu’on peut se soigner à Mayotte ?
C’est la particularité du VIH, les patients peuvent tout à fait vivre normalement avec le virus. Un traitement sous forme de trithérapie avec un comprimé par jour est souvent administré. En cas de détérioration de l’état d’un patient, il peut bénéficier « d’une prise en charge pluridisciplinaire » rapidement sur place. Ce mardi, par exemple, trois personnes étaient hospitalisées au CHM. « On est entre 85% et 90% des personnes porteuses du virus, mais qui ne le transmettent plus. L’Organisation mondiale de la santé a fixé un objectif de 95% en 2030 », font valoir le médecin et les deux infirmières.