Lutte contre le cancer : Un sous-développement tumoral à Mayotte

Ils représente la deuxième cause de mortalité à travers l’île. Pourtant, du dépistage à la prise en charge, le traitement des cancers à Mayotte présente encore de nombreuses lacunes. Bonne nouvelle toutefois, associations et services médicaux se mobilisent de plus en plus pour pouvoir prévenir et endiguer la maladie.

Dans le monde, un homme sur cinq et une femme sur six développeront un cancer au cours de leur vie, estime Santé Publique France. En France d’ailleurs, le cancer est la première cause de mortalité chez l’homme, la deuxième chez la femme. « On estime que 3.8 millions de personnes vivent en France aujourd’hui avec un diagnostic de cancer », considère à son tour la fondation ARC pour la recherche sur le cancer. Il devient alors urgent, urgent de prévenir, de guérir, de sensibiliser, de soigner. D’autant plus dans le 101ème département, le seul du pays à ne pas être doté de son propre centre de coordination des dépistages des cancers, qui permet notamment de dégager des statistiques précises. Et en la matière, il n’est pas le seul à faire défaut sur le territoire.

À Mayotte, le cancer représente la deuxième cause de mortalité. Pourtant, aujourd’hui encore, « on n’a pas accès à toutes les thérapies localement », introduit le docteur Anne Wanquet, hématologue de formation, amenée à travailler en oncologie depuis son arrivée au CHM. À l’heure actuelle, seule la chimiothérapie peut être prodiguée sur place. Mais la chirurgie et la radiothérapie, souvent indiquées en complément, nécessitent, elles, l’évacuation des patients vers La Réunion ou la métropole. Celles-là même où sont envoyés les prélèvements biologiques, entre autres, permettant de déceler la présence de cellules cancéreuses, faute d’équipements adaptés sur place.

 

Dépistage tardif, prise en charge tardive

 

Les lacunes ne se limitent pas à la prise en charge. Elles touchent aussi le dépistage. Si « des projets sont en cours », comme le reconnaît le docteur Wanquet, le seul travail des associations, portées en tête par Rédéca, ne saurait suffire pour s’aligner au niveau métropolitain. En conséquence, l’âge recommandé du premier frottis – examen gynécologique permettant de dépister le cancer du col de l’utérus, le plus répandue chez les femmes mahoraises – a été avancé localement à 20 ans, contre 25 pour l’Hexagone.

Avant 2010, le dépistage du cancer du col était réalisé à la seule initiative des professionnels de santé ou résultait de la démarche individuelle des femmes. « Moins de 1.000 frottis étaient réalisés chaque année sur le territoire, soit chez moins de 3% des femmes âgées de 15 à 65 ans », souligne le rapport épidémiologique produit en 2017 par Santé Publique France. « Les diagnostics de cancer du col de l’utérus étaient établis à des stades très avancés, traduisant à la fois un retard important au diagnostic et à la prise en charge. » Et souvent, le stade de la maladie est tel que même en cas d’evasan, l’opération devient veine. « C’est très frappant dans le cas du cancer du col de l’utérus, une pathologie extrêmement révélatrice des inégalités sociales », explique dans les colonnes de Rse Magazine le Docteur Kouchner, gynécologue-obstétricien et cancérologue, ayant travaillé à La Réunion de 2014 à 2017. « Le plus souvent, ces femmes n’ont jamais eu de frottis de leur vie, ni tellement fait usage de préservatifs, et elles ont très peu recours à la vaccination. »

Alors, différents projets sont en cours pour tenter de rattraper le retard de Mayotte, qui dispose toutefois d’une équipe mobile de soins palliatifs et offre la possibilité d’une hospitalisation à domicile, y compris pour les patients qui n’ont pas de papier. Une aubaine, alors que seule 67,6% de la population insulaire était affiliée à la Sécurité Sociale en 2019.
« À terme, le projet serait de développer ici de la médecine nucléaire, puisque c’est un élément important dans la prise en charge diagnostique et dans le suivi des patients. Aujourd’hui on doit evasaner les patients qui ont besoin d’un scanner par exemple. Il y a aussi une intention de développer la radiologie interventionnelle, pour tout ce qui est biopsie notamment. La radiothérapie serait un énorme plus pour les patients ! », projette le Docteur Wanquet. Un défi de taille sur l’île qui représente le plus grand désert médical de France. En 2018, alors que la France hexagonale recensait 437 médecins pour 100.000 habitants, Mayotte, elle, n’en comptait que 94. Soit trois fois moins.

? Le dossier sur les cancers est à retrouver dans son intégralité dans le Mayotte Hebdo n°948 du 22 mars 2021.

 


 

Le cancer en chiffres

 

382.000 nouveaux cas de cancer estimés en France en 2018 (204.600 chez l’homme et 177.400 chez la femme).

157.400 décès par cancer estimés survenus en France en 2018 (89.600 hommes et 67.800 femmes).

45.000 décès par cancer liés au tabac.

88% de taux de survie à cinq ans pour les cancers du sein.

En 2018, d’après une étude menée dans 185 pays, « 23,4% des cas de cancer se concentrent dans le continent européen, 48,4% en Asie, 13,2% en Amérique du Nord, 7,8% en Amérique latine, 5,8% en Afrique et 1,4% en Océanie », juge la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.

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