Lutte contre le cancer à Mayotte : Pour Feika, “même si ce n’est pas évident, on peut s’en sortir”

Être diagnostiqué avec un cancer à Mayotte rime souvent avec un départ pour la métropole ou La Réunion. Toutefois, le service d’oncologie devient de plus en plus performant sur l’île aux parfums. Feika* a donc pu faire une partie de son suivi ici, au CHM. Elle nous raconte son expérience.

« J’ai été diagnostiquée en 2017 et je suis partie en métropole pour l’opération. Les infirmières en oncologie du CHM m’avaient conseillé de tout commencer là-bas et ensuite de venir suivre ici le protocole de soin. » Diagnostiquée avec un cancer du sein, Feika n’a pas pu se faire opérer sur Mayotte. Cette année-là, le CHM ne comptait pas encore d’oncologue dans ses rangs. Elle a donc rejoint l’Hexagone, toutefois, il lui tenait à cœur de rentrer sur son île où elle habite « depuis plus de trente ans ».

« Si j’avais pu me faire soigner entièrement à Mayotte, je serais restée ici », assure Feika. Selon elle, le service ne fait que s’améliorer à l’hôpital de Mamoudzou. « L’équipe est super, je fais mon suivi là-bas, je suis toujours très bien reçue et il y a un médecin maintenant ! » C’est le docteur Oddou dont parle Feika, la première médecin spécialisée dans l’oncologie du CHM, arrivée en 2019. Une première étape pour un meilleur suivi des soins et l’ombre d’un développement encore plus grand du service.

 

Manque de moyens sur l’île

 

Pour Feika, ce sont les accompagnements pour les malades qui manquent le plus à Mayotte. « On perd ses cheveux, et ça, pour une femme, c’est très dur. » Elle raconte que pendant les traitements, pour que les patients gardent le moral, l’hôpital en métropole leur offrait des bons pour des soins, des esthéticiens venaient sur place. « Il s’appelait Guillaume, notre esthéticien, et ça nous faisait du bien, on se sent bien quand on sort de chez le coiffeur ou de l’institut et c’est dommage qu’il n’y ait pas encore ça à Mayotte. »

L’autre manque qu’elle déplore est celui de la prévention. « Quand je suis tombée malade, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. » Elle remarque toutefois que les associations se mobilisent de plus en plus pour la sensibilisation au cancer, « ainsi que l’ARS et la Sécurité Sociale ». Même si elle regrette que le tabou ne se lève pas plus rapidement.

 

Garder le moral pour s’en sortir

 

Pour elle, le plus important pendant la maladie était de garder le moral. Elle s’estime heureuse d’avoir pu être soignée en métropole, entourée de sa famille. « Là-bas, des associations, des groupes de musiciens et d’anciennes malades vviennent vous voir pendant le traitement pour chanter, pour nous soutenir, et ça c’est très agréable », confie Feika. Elle aimerait que ce genre d’initiative puisse être pris à Mayotte. Et si elle n’a pas personnellement ressenti le besoin d’avoir un suivi psychologique, elle pointe du doigt le fait qu’il n’y ait pas de service dédié à l’aide psychologique pour les malades du cancer au CHM.

Si Feika tenait à témoigner aujourd’hui, c’est aussi pour rappeler à quel point il est important de se souvenir que « même si ce n’est pas évident, on peut s’en sortir ». Prochainement, des groupes de parole devraient être mis en place ainsi que des journées “bien-être”, offertes aux malades par le biais de l’association Amalca. Si tous ces projets sont en pause, en raison de la situation sanitaire actuelle, l’ancienne malade espère que de plus en plus de gens se sentiront concernés.

*Le prénom a été modifié.

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