Jeudi 7, la directrice de l’ARS, Dominique Voynet, s’exprimait sur la forte hausse des cas de Covid-19 depuis la semaine dernière. Ce qu’il faut en retenir ? Que le pic épidémique est toujours prévu fin mai, mais plus élevé qu’initialement envisagé. Une projection à laquelle se prépare l’autorité sanitaire malgré les difficultés inhérentes au territoire.
« Cela fait une semaine que l’on est pratiquement toujours au-dessus de 40 cas [positifs au Covid-19] par jour », déclarait, jeudi 7, la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, à l’occasion d’un point sur la crise sanitaire. La veille, 84 nouveaux cas avaient été confirmés, illustrant – malheureusement – fort bien le propos. Une forte hausse due, certes, à la hausse du nombre de tests, mais qui n’enlève rien à un autre constat : « le pourcentage de cas positifs augmente aussi. On est, selon les jours, entre 30% et 50% de cas positifs ». Autre donnée parlante, le « R0 », qui détermine le nombre de personnes qu’un porteur du Covid-19 peut contaminer. « Il est passé de 3,5 à moins de 1 en métropole grâce au confinement. À Mayotte il serait actuellement de 1,6. » En somme : un porteur positif contamine, en moyenne, plus d’une personne.
L’ascension de l’épidémie vers son pic est donc bel et bien entamée. Et si son apogée est toujours prévue aux alentours du 21 mai, les prévisions ont été revues à la hausse car « ça monte beaucoup ». Point positif, toutefois : « On a de plus en plus de patients hospitalisés, mais pas forcément dans un état grave. » Comme la semaine dernière, donc, le service médecine reste au centre des attentions. Et bien qu’il ne soit pas en état de saturation, pas plus que le service de réanimation d’ailleurs, « l’augmentation régulière de ces patients est un des éléments que nous avons demandé de prendre en compte au niveau national. Ils ne prennent en compte que le service de réanimation, mais nous ce sont ceux de réanimation et de médecine qu’il faut compter pour connaître notre capacité d’accueil », expliquait Dominique Voynet.
C’est donc une démarche propre à Mayotte qu’il faut mettre en place. « Nous sommes dans une situation étrange, car la France métropolitaine se prépare à déconfiner alors que nous on se prépare à accueillir la vague. Cela implique une réorganisation du système de santé à tous les étages. Alléger certains services qui ne sont pas confrontés au Covid-19 nous permet de redéployer des moyens vers ceux qui vont y être confrontés », détaillait-elle.
Une réorganisation qui pourra également s’appuyer sur le soutien du service de santé des armées puisqu’un premier module doit arriver mi-mai, avant qu’un deuxième n’arrive – peut-être – à la fin du mois. Et puis, déjà commencées : les évacuations sanitaires vers le CHU de La Réunion de patients non-Covid-19, mais aussi de patients positifs si l’épidémie se faisait plus forte.
Une stratégie à adapter à Mayotte
Une démarche qui doit également être propre au territoire car si « on reste très attentif à la stratégie nationale », celle-ci est « imparfaitement adaptée à Mayotte [et] nous avons eu le feu vert du ministère de la Santé pour l’adapter et nous permettre de mieux coller à la réalité du terrain. » En cause, trois points : tester, isoler et protéger.
Du côté des tests en effet, « le laboratoire du CHM est capable de faire plus de 300 tests par jour et le laboratoire privé peut en faire 124 », avec toutefois un facteur limitant : la disponibilité des consommables comme les écouvillons ou les tubes permettant l’inactivation du virus. Autant le dire, donc, « On est sous pression, sous tension : le matériel arrive au jour au jour. »
Isoler ensuite, avec une difficulté bien connue : « C’est très compliqué à Mayotte compte tenu des conditions de vie de beaucoup de gens. Il y a peu d’hôtels et peu d’hébergements disponibles, et nous devons aussi héberger les renforts de la réserve sanitaire, de l’armée, des forces de l’ordre, etc. Les moyens d’isolement des personnes malades ou des cas contacts n’ont rien à voir avec ce que l’on peut faire au niveau métropolitain. »
La sensibilisation est complexe, elle aussi, avec des messages pas toujours bien reçus par une partie de la population, « soit parce qu’elle n’est pas francophone, soit parce qu’elle estime que la maladie ne la concerne pas, qu’elle pense ne pas avoir le choix, ou parce qu’elle n’a pas compris comment la maladie se transmettait et quel était le risque. Nous avons énormément de témoignages qui nous mettent en face de la précarité de la prise de conscience. Certains se fichent de contaminer leurs collègues ou leurs proches », déplore la directrice, estimant que « les maires, les cadis, les intellectuels mahorais, ou les sportifs, doivent faire passer la parole de l’État. Le message doit percuter pour que l’on arrive à quelque chose. Il y a obligation d’avoir une prise de conscience. »
Pas de tests par des soignants libéraux
Enfin, s’il n’est pas prévu de mobiliser les infirmiers et médecins libéraux du territoire – trop peu nombreux pour que cela soit pertinent, selon l’ARS -, « nous avons l’intention de les mobiliser autour de l’aval des hospitalisations. On veut, pour libérer des lits, que les personnes puissent sortir rapidement de l’hôpital sur le modèle de l’hospitalisation à domicile ou des services de soins infirmiers à domicile. »
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