Le labo du centre hospitalier de Mayotte au cœur de la détection

C’est une des pièces maitresses du dispositif de détection du Covid-19. Au cœur du processus, le laboratoire du CHM analyse les prélèvements faits sur les potentiels porteurs du coronavirus. Une tâche primordiale menée sept jours sur sept, qui s’ajoute à ses missions habituelles.

« Il faut parler du laboratoire ! Sans eux la situation serait dramatique, vraiment. » À la sortie du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), la remarque de ces deux soignantes croisées sur les coursives en dit long. Car le laboratoire du CHM, c’est un peu la face méconnue de l’hôpital. Implanté dans la cour intérieure d’un des bâtiments de l’institution et isolé du va-et-vient des accès principaux, sa notoriété est bien moindre que d’autres services tels celui des urgences ou de la très célèbre maternité. Pourtant, il est au cœur des missions de l’hôpital, notamment en cette période où sévissent non seulement la dengue, mais aussi le Covid-19. En permanence, cinq biologistes, 35 techniciens de laboratoires et une douzaine de secrétaires et agents se relayent pour analyser les prélèvements reçus dans cinq spécialités : la biochimie, l’hématologie, la microbiologie, l’immunologie, et la biologie moléculaire, une discipline particulièrement sollicitée durant les épidémies actuelles. À la tête du service, le docteur Patrice Combe, biologiste, qui s’assure de l’efficacité du « labo » durant cette crise sanitaire. Visite des lieux pour comprendre comment sont réalisés les tests Covid-19.

Première étape : le prélèvement nasopharyngé réalisé sur un patient, au CHM ou à domicile. Au terme de celui-ci, l’écouvillon est placé dans un tube contenant un milieu « eNat », permettant d’inactiver le virus : « En faisant cela, nous détruisons le virus en préservant l’acide ribonucléique (ARN), que le milieu stabilise, car c’est lui qui permet de faire son diagnostic », éclaire le docteur Louis Collet, biologiste et initiateur du laboratoire de biologie moléculaire au CHM. Cette inactivation est nécessaire pour transporter l’échantillon sans risque jusqu’au laboratoire où il sera analysé.

L’indispensable étape de vérification. Il s’agit de s’assurer que le prélèvement a bien été placé dans un milieu inactivateur. Si ce n’est pas le cas, le biologiste le fait. En trente-minute, le Covid-19 est inactivité.

Les divers prélèvements sont reçus à l’accueil par les secrétaires, qui se chargent de les enregistrer et de les étiqueter avant qu’un robot ne les dispatche. Mais ceux menés pour suspicion de Covid-19 bénéficient d’un traitement différent puisqu’ils sont réceptionnés sur un bureau à part. Et sous triple emballage : le tube contenant le prélèvement mis dans un sachet fermé – comme tout autre échantillon –, mais le tout est, en plus, placé dans une boîte étanche. Pour en récupérer le contenu, les précautions demeurent de mise. C’est sous un aspirateur à air PSM (pour Poste de sécurité microbiologique) que l’opération est menée. C’est également là que les tubes sont vérifiés, ce qu’explique Patrice Combe : « Nous vérifions systématiquement que le prélèvement a été placé dans le bon milieu inactivateur (indentifiable au bouchon bleu du tube, NDLR). Si ce n’est pas le cas, nous le faisons nous-mêmes. En 30 minutes, le virus est inactivé. » Une étape de vérification indispensable car « la première règle est évidemment de ne pas contaminer le personnel du laboratoire. » Les échantillons sont ensuite disposés sur des racks, direction les extracteurs.

Chef du service, le Dr Patrice Combe s’assure du bon fonctionnement du laboratoire, particulièrement sollicité en cette période de double épidémie : Covid-19 mais aussi dengue.

 

Des machines qui tournent 12h par jour

Le docteur Louis Collet, biologiste, devant un des deux extracteurs du laboratoire. Ils peuvent traiter une centaine de prélèvements en six heures.

C’est dans la salle voisine qu’ils sont installés. Un extracteur, c’est une machine permettant d’extraire – comme son nom l’indique – l’acide nucléique (ARN). Pour bien comprendre, « un virus peut être comparé à une boite. Lorsqu’on l’ouvre, on trouve ces acides. » Ce sont eux qui sont ici recherchés. Et

pour y parvenir, on utilise un réactif, substance chimique par laquelle l’extraction est possible. Là se pose un fort enjeu car, épidémie mondiale oblige, ces réactifs sont particulièrement demandés. Une problématique à laquelle s’ajoute la suspension des liaisons aériennes avec la métropole. « L’acheminement est compliqué en temps normal, mais il l’est encore plus actuellement, y compris pour envoyer des examens spécialisés à Paris ou à La Réunion », explique le chef de service en poursuivant sur la question des fameux réactifs : « Nous avons de bons rapports avec la société qui les fabrique alors nous y parvenons quand même, mais quand nous commandons vingt boîtes par exemple, nous en recevons cinq. Cela demande donc énormément de temps à Issa, notre agent qui s’occupe de la logistique du laboratoire, pour s’assurer que les commandes sont faites en temps et en heure. »

Un avantage toutefois : « Nos extracteurs sont ouverts, paramétrables. Cela veut dire qu’en cas d’épidémie comme celle en cours, l’institut Pasteur nous a envoyé les réactifs (Primers) et la méthode recommandée et nous la mettons en place car nous pouvons, sous réserve d’avoir les substances, fabriquer le réactif. » Une dépendance à l’extérieur moindre ? Dans une certaine mesure, oui : « C’est ce qui explique les difficultés des laboratoires équipés de machines fermées pour dépister le Covid-19. Dans ce cas, ils dépendent des réactifs qui leur correspondent. Or, tous les laboratoires qui ont ce même extracteur demandent eux-aussi en ce moment ces réactifs, et le fabricant ne peut pas suivre. » Mais revenons au CHM, qui dispose en ce moment d’une marge confortable de réactifs puisque les stocks constitués permettent de réaliser encore 3 000 tests, en plus des 1 500 déjà effectués.

Ces extracteurs QIA Symphony, le laboratoire en possède deux depuis l’an dernier. Autant dire, dans le contexte du moment, qu’ils tombent à point nommé. L’ancienne machine ne pouvait pratiquer qu’une trentaine d’extractions par jour. « Eux peuvent traiter environ 100 prélèvements en six heures », détaille Louis Collet. Mais évidemment, ils ne sont pas exclusivement consacrés au Covid-19 : dengue, fièvre de la vallée du Rift et autre arbovirus passent par eux. Autant dire qu’en temps de crise, ils tournent quasiment à plein régime : « en termes de volume, le lundi, le mercredi et le vendredi, le premier fait la dengue. Le deuxième fait tous les jours deux séries de Covid-19. L’activité des machines est doublée : elles sont à l’oeuvre 12h par jour et peut-être qu’elles vont devoir l’être également la nuit en fonction de l’évolution des épidémies du Covid-19 et de dengue. » Le laboratoire de biologie moléculaire, lui, travaille désormais sept jours sur sept, contre cinq habituellement, avec le soutien de l’ARS et de Santé publique France. Mais revenons-en à notre extraction. Une fois celle-ci achevée, la dernière étape du dépistage s’annonce.

De 1 à 10 millions d’ARN

Le rotor sur lequel sont disposées les cupules contenant les ARN extraits. Chacune correspond à un patient. Elles sont ensuite placées dans l’amplificateur pour une polymérisation en chaine.

Cette étape, c’est l’amplification de l’ARN extrait précédemment. En termes biologiques, on appelle ça la polymérisation en chaîne. Pour cela le laboratoire dispose de quatre amplificateurs. Le Dr Louis Collet le détaille : « D’un ARN, on en fait 10 voire 11 millions de copies non infectieuses. La polymérisation se fait en temps réel et se traduit par la réalisation de courbes sur nos écrans. Au fur et à mesure du processus, on observe – ou pas – l’augmentation de la concentration du virus. C’est ainsi qu’on peut déterminer si le patient est positif ou négatif au Covid-19. »

Fin de l’analyse, enregistrement et transmission des résultats. En tout, un test Covid-19 nécessite huit heures. Le jour de notre visite, mardi 14, 219 patients avaient été testés depuis le 13 mars.

Au fur et à mesure du processus d’amplification, des courbes apparaissent sur l’écran : « on y observe – ou pas – l’augmentation de la concentration du virus. C’est ainsi qu’on peut déterminer si le patient est positif au négatif au Covid-19, positif, ou porteur asymptomatique », détaille un biologiste. Sur le graphique, chaque courbe correspond à un patient. Au premier plan : les résultats des tests de Covid. On distingue ici trois patients un positif, un négatif, et un en concentration faible.

En arrière-plan les résultats des tests de dengue, 250 chaque semaine. On devine l’ampleur de l’épidémie : « La dengue c’est la folie, 60% des patients sont positifs », constate le Dr Louis Collet.

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