Alors qu’associations et syndicats de police s’inquiétaient le mois dernier des conséquences sanitaires qu’impliquait la réouverture du centre de rétention administrative, les derniers ours viennent leur donner raison. Plusieurs cas de coronavirus y ont en effet été détectés, sans que les mesures nécessaires à contenir la propagation du Covid-19 ne soient prises.
De la rétention d’information au centre de rétention ? Le mot pourrait prêter à sourire. Mais Aldric Jamet n’est pas d’humeur. « On a eu l’info à l’arrache », s’emporte le représentant d’Alternative police sur le territoire. Le 24, les voyageurs à bord d’un kwassa en provenance des Comores sont interceptés puis placés dans le centre de rétention administrative. Dépistés dans la foulée, « au moins six, peut-être neuf » d’entre eux sont diagnostiqués porteur du coronavirus. Voilà « l’info » en question. Le problème, pour le policier, « c’est que nous l’avons appris hier d’une source extérieure, les officiers et la préfecture ne nous ont rien dit ». C’est donc sans aucune connaissance de leur état de santé que les porteurs du virus « ont été mis en contact avec tout le monde pendant plusieurs jours », pointe le syndicaliste selon qui « forcément, il y a eu propagation ».
« Il y a des moyens de protection, mais quand on doit gérer 60/70 personnes tous les jours avec toutes les allées-venues, c’est trop compliqué. Alors, si l’on ne connaît même pas l’état de santé des personnes retenues, c’est injouable », martèle celui qui s’inquiète pour ses collègues, certes, « mais aussi pour tout le monde ». « Si on ne découvre pas ça, cela veut dire que l’on va potentiellement relâcher 70 personnes positives dans la nature et qui vont contaminer le reste de la population. Tout le monde est en danger », alerte Aldric Jamet. Pour Alternative police Mayotte, qui a saisi l’Agence régionale de santé sur la question, la solution est pourtant simple. « Ce qui était à prévoir est arrivé alors nous demandons soit que le CRA soit limité à un rythme de quatorzaines, soit qu’il soit tout simplement fermé tant que les expulsions ne pourront pas reprendre », explique-t-il à l’attention du préfet de Mayotte, car « c’est lui qui a décidé de le rouvrir, à lui désormais de le fermer. Après… C’est vrai qu’on aimerait bien que nos officiers prennent un peu leur part », lâche-t-il.
Un protocole sanitaire tardif et « insuffisant »
Selon nos informations, un dépistage est systématiquement organisé – dans les 24 heures – lors de l’intégration des personnes au sein du centre de rétention. Problème, ce dispositif sanitaire opéré par les équipes du CHM ne s’est mis en place que le 25 juin, soit plus d’un mois après la réouverture du CRA, le 15 mai. 200 personnes auraient circulé dans les lieux entre-temps. Pour des sources internes au CRA, le protocole mis en œuvre depuis est toujours loin d’être suffisant. « Dans l’attente des résultats, on laisse tout de même jusqu’à trois jours des personnes dans une même zone, le virus a donc largement le temps de se transmettre sachant que les retenus utilisent les mêmes sanitaires etc. », dévoile l’une de ces sources.
Ce n’est donc qu’une fois que le test revient effectivement positif que les personnes porteuses du virus sont écartées « En principe, elles sont envoyées dans le centre d’hébergement de Tsararano, mais c’est assez opaque », poursuit cette source, affirmant que tous, « policiers et autres, ne comprennent pas pourquoi on laisse les choses comme ça ». « C’est purement politique, pour dire que le CRA est ouvert mais c’est faire prendre des risques à tout le monde, à l’intérieur comme à l’extérieur du centre puisqu’après cinq jours de rétention, le juge des libertés et de la détention est bien obligé d’ordonner la remise en liberté des personnes intégrées car ne peut pas les expulser », se désole-t-on au sein du centre. Lequel, en termes de propagation du virus, semble faire tout sauf de la rétention.
*Contactée, la préfecture n’a pas donné suite à nos sollicitations
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