A travers le monde, en France et à Mayotte, la e-santé se développe de manière exponentielle et prend plusieurs formes. Ce mariage, entre la santé et le numérique, était le thème de la conférence tenue par le docteur Martine Eutrope et Émeric Blanchin, ce vendredi, à l’amphithéâtre du centre universitaire de formation et de recherche de Dembéni.
Organisée par le pôle culture du centre universitaire de formation et de recherches (Cufr) de Mayotte, la conférence sur le thème de la e-santé était animée par le Dr Martine Eutrope, médecin généraliste et à l’origine de la création et du développement de l’association de télémédecine « Entre pour votre santé » et par Émeric Blanchin, consultant en transformation digitale. Il a également accompagné l’association dans la mise en place des solutions techniques liées à la gestion des données. Durant plus d’une heure, la conférence a permis de retracer l’histoire de la médecine à la lumière du développement de l’informatique, mais aussi d’aborder les inconvénients et les limites du système. « Ce mariage entre l’informatique et la médecine est l’avenir », lance en ouverture le docteur Martine Eutrope.
Le numérique influence le domaine de la santé
Depuis 2004, d’après la Commission européenne, la e-santé est définie comme l’application des technologies de l’information et de la communication à l’ensemble des activités en rapport avec la santé. « Cela concerne les domaines de la télémédecine, la prévention, le maintien à domicile ou encore le suivi d’une maladie chronique à distance », ajoute-t-elle. Pour le docteur Eutrope, le numérique « influence fortement le domaine de la santé », bouleversant la recherche médicale tout autant que l’organisation des soins. « La télémédecine offre des possibilités de soins à distance et regroupe cinq catégories d’actes médicaux : la téléconsultation, la télé expertise, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation médicale », argumente Émeric Blanchin.
Au milieu des années 80, l’informatique arrive dans les hôpitaux. C’est dix ans plus tard que les cabinets libéraux commenceront à s’informatiser et, en 2011 « plus le choix, ils sont vivement incités à télétransmettre les feuilles de soins et obligent ainsi les plus réfractaires au changement à s’équiper de l’outil informatique », note le consultant. D’après une étude, en 2015, 81 % des médecins étaient convaincus des bienfaits de la e-santé pour la qualité des soins. « C’est vrai que ça a changé la vie des médecins, surtout par rapport au dossier patient », confie la médecin. Elle ajoute qu’internet leur a apporté « une aide à la prescription, une aide au diagnostic, le recueil des données et les dossiers patients ».
Un fort changement en 2015 et 2020
Cependant, depuis 2015, la situation est positivement changée avec la mutation des générations. « On s’aperçoit que la e-santé apparait de plus en plus comme la solution pertinente pour répondre aux défis que doivent relever les systèmes de santé », concède la médecin. Pour cette dernière, il est « possible d’envisager, surtout à Mayotte, une économie de santé substantielle, moins de transport en ambulance et moins d’Evasan ». Mais c’est en 2020, lors de la pandémie de Covid-19, que la e-santé connait sa progression la plus notable qui « nous a permis de voir comment on pouvait pallier ce manque de médecins et répondre à la demande de la population », justifie la conférencière. En effet, la crise sanitaire a offert une poussée d’accélération au secteur face à des enjeux nécessitant plus que jamais des solutions digitales.
A ce jour, les outils mis à disposition des professionnels de santé et donc de la population « sont la mise en pratique d’une des branches de la e-santé et nous sommes convaincus que les objets connectés d’aide au diagnostic doivent être utilisés avec la maitrise du protocole médical », explique Emeric Blanchin. Pour les conférenciers, une téléconsultation augmentée, grâce aux objets connectés, « se doit d’être pratiqué par des assistants de téléconsultation formés ».
« Mieux répondre aux besoins de la population »
En 2018, l’association de télémédecine « Ensemble pour votre santé » a été créée. Depuis, ce sont onze sites de téléconsultations qui ont été déployés sur le territoire. A Mayotte, avec les problématiques d’accès aux bidonvilles, les flux de circulation sur les axes routiers, il est compliqué à des médecins de faire des visites à domicile. C’est là qu’intervient la e-santé. Le docteur Eutrope explique qu’« un infirmier libéral formé peut aller au domicile du patient avec une mallette de télémédecine et de mon côté, je pratique ma consultation à distance. J’ai beaucoup pratiqué cette solution pendant la pandémie ». Actuellement, l’association travaille sur la labélisation d’un centre de e-santé à Hamjago. « C’est en train de se déployer, pour que le plus grand nombre y est accès et pour ainsi, mieux répondre aux besoins de la population », remarque la médecin. L’histoire de la santé ne cesse donc de se construire chaque jour, « mais nous sommes déjà assurés qu’à partir de 2030, les années seront marquées par une plus forte démocratisation de la e-santé. Nous irons alors vers une médecine à plus forte valeur ajoutée », expose le consultant. Au fil des décennies, l’informatique a révolutionné la pratique médicale, la e-santé est désormais le présent, mais aussi l’avenir.