Dans un rapport rendu public le 19 octobre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) analyse l’état de santé des populations d’Outre-mer et le diagnostic n’est pas brillant, notamment pour Mayotte.
Depuis plusieurs mois, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’attelle à une tâche titanesque : documenter l’effectivité des droits de l’homme en Outre-mer. Dans cette optique, cette institution a d’ores et déjà publié six rapports sur différentes thématiques telles que la question pénitentiaire, l’accès au droit et à la justice, l’éducation, la pauvreté et l’exclusion sociale, les droits des étrangers et des demandeurs d’asile, ainsi que la place des autochtones au sein des populations d’Outre-mer. Trois de ces six documents focalisaient leur attention sur les spécificités de la Guyane et de Mayotte, territoires aux situations particulièrement préoccupantes.
Le dernier en date, «Avis sur le droit à la protection de la santé dans les territoires ultramarins», rappelle dans ses propos liminaires que «la question du droit à la protection de la santé est évoquée de façon récurrente dans les observations adressées à la France par les instances internationales chargées de veiller au respect des droits de l’homme». Selon les Nations unies, le droit à la santé implique «la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun» mais également «l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement, l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement, l’hygiène du travail et du milieu et l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique». Or, à Mayotte, nombre de ces critères sont insuffisamment voire pas du tout satisfaits. Ainsi, les Nations-unies jugent-elles «préoccupante la situation défavorable de la jouissance du droit à la santé dans les DROM-COM et déplorent, entre autres, un taux de mortalité infantile et maternelle élevée à Mayotte et en Guyane».
Une mortalité infantile élevée
Mayotte a l’espérance de vie la plus faible de France, avec 74.7 ans pour les hommes et 77.9 ans pour les femmes. Autre indicateur préoccupant car symptomatique de l’offre de soins en général, le taux de mortalité infantile qu’enregistre le 101ème département français : selon la CNCDH, entre 2008 et 2010, ce taux est en moyenne quatre fois supérieur à Mayotte par rapport à la métropole, avec 13.5 décès durant la première année de vie pour 1000 naissances. En cause, «le déficit de suivi des grossesses ou d’actions périnatales, le manque de moyens de diagnostic et de mesures thérapeutiques appropriées». La Commission se dit donc particulièrement attentive «au respect des droits sexuels et reproductifs des femmes et des jeunes filles» et trouve «intolérable que deux à trois fois plus de femmes en âge de procréer soient exposées, sur le territoire de la République, à un risque fatal lors de l’accouchement, et que les enfants à naître soient exposés à des risques de mortalité prématurée, mortalité néonatale ou infantile avant la première année». L’institution est également préoccupée par la proportion plus importante qu’en métropole de femmes en Outre-mer qui ont recours à une IVG – à cause d’une grossesse non désirée ou précoce –, avec ce que cette intervention implique en termes d’impact sur leur santé morale et physique.
Vulnérabilité des migrants
Outre les femmes et les jeunes filles, la CNCDH alerte sur la vulnérabilité des populations migrantes à Mayotte. D’après l’institution, dès qu’un problème médical est identifié, les personnes appréhendées devraient être transférées à l’hôpital. Or, note-t-elle, ce traitement est «rare et réservé aux femmes sur le point d’accoucher ainsi qu’aux personnes très malades ou gravement blessées », constituant «un déni d’accès aux soins (…) renforcé par l’absence de dispositif d’aide médicale d’État à Mayotte». En raison de la gravité de la situation sanitaire à Mayotte, la CNCDH recommande de réfléchir à la mise en place de l’aide médicale de l’Etat (AME) pour les étrangers éligibles à ce dispositif. En outre, l’instance conseille de «s’inspirer des mesures adoptées au profit des mineurs isolés étrangers (MIE), des femmes enceintes et des enfants à naître pour lesquels une ordonnance du 31 mai 2012 a mis en place l’affiliation directe à la caisse de sécurité sociale».
Carence effarante de médecins
La CNCDH énumère d’autres obstacles à l’accès aux soins telles que des barrières financières ou administratives (coût des transports, contraintes administratives trop lourdes ou encore manque d’accompagnement social, par exemple). Mais à Mayotte, le coeur du problème est à chercher du côté de la carence effarante de médecins sur le territoire. Si la moyenne nationale se situe autour de 201 praticiens actifs pour 100 000 habitants, elle cache de grandes disparités selon les territoires avec 180 médecins pour la même proportion de résidents à La Réunion, 71 en Guyane et seulement 18 à Mayotte. En outre, le déficit «inquiétant» de spécialistes ne permettrait pas de dépister à temps certaines pathologies ni de prendre correctement en charge les patients.
13 recommandations
Forte de son analyse, la CNCDH émet en conclusion 13 recommandations : renforcer les outils permettant une collecte de données fiables (y compris à Mayotte) ; établir des objectifs stratégiques au plus près des situations locales et avec le concours des populations concernées et des acteurs locaux ; accorder une place centrale aux programmes de prévention ; se mobiliser sur l’ensemble des programmes et actions visant à réduire le taux de mortalité maternelle et infantile ; allier la prise en charge de l’obésité et des maladies chroniques à des campagnes de sensibilisation adaptées ; soutenir, étendre et pérenniser l’offre de soins de premier recours autour des centres hospitaliers de la Guyane et de Mayotte par le renforcement et la création de centres de soins délocalisés sous la responsabilité des centres hospitaliers ; développer la télémédecine ; évaluer les besoins dans le domaine de la psychiatrie dans le cadre d’une mission spécifique ; renforcer la sensibilisation et l’aide à l’acquisition des droits aux populations les plus vulnérables par un dispositif innovant et incitateur ; réfléchir à la perspective de mettre fin au régime dérogatoire excluant du bénéfice de l’AME les étrangers éligibles au dispositif ; encourager les projets de coopération régionale et internationale. Enfin, la CNCDH «invite les pouvoirs publics à intégrer dans leur stratégie une approche de la santé fondée sur les droits de l’homme, conformément au principe de la démocratie sanitaire».
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