Le centre hospitalier de Mayotte retrouve son indépendance. En 2016, le CHM et le centre hospitalier universitaire de La Réunion avaient été contraints de mutualiser leurs moyens au sein d’un groupement hospitalier de territoire (GHT), prévu par la loi pour la modernisation du système de santé. Une perte d’autonomie pour le 101ème département, qui avait obtenu une sortie temporaire du dispositif pour une durée d’un an, entre 2017 et 2018. Le 8 mars dernier, l’agence de santé Océan Indien (ARS OI) annonçait un nouvel accord de sortie de Mayotte de ce groupement territorial pour une durée indéterminée. Un soulagement pour Issa Issa Abdou, président du conseil de surveillance du CHM, dont la demande de prolongation d’un an avait été initialement refusée.
Flash Infos : Pourquoi le groupement hospitalier de territoire entre Mayotte et La Réunion pose-t-il problème ?
Issa Issa Abdou : Le GHT parle « du » territoire, mais c’est une aberration de considérer que Mayotte et La Réunion sont le même territoire. À titre d’exemple, la distance entre ces deux îles est la même que celle qui sépare Paris de Rakka ! Mayotte n’est pas La Réunion, elle n’avait rien à faire dans ce GHT. D’abord, nous demandons à des agents qui ne gagnent pas le même salaire de faire le même travail : ici, l’indexation des salaires est de 40 %, contre 53 % à La Réunion, c’est quelque chose d’inimaginable ! Il y a aussi le fait de centraliser les achats des deux établissements. C’est-à-dire que si nous n’étions pas sortis du GHT, La Réunion aurait passé elle-même les commandes pour le CHM, en fonction des besoins quotidiens de cet établissement qui se trouve à 1.500 km de là… Il fallait que nous sortions de là, pour moi c’est une victoire, d’autant plus que c’était une demande de l’intersyndicale lors des mouvements sociaux et ça nous permet de tenir jusqu’à l’ouverture de l’ARS Mayotte.
FI : Elle sera justement créée en 2020 et d’ici le mois de septembre prochain, une convention sera signée entre le CHM et le CHU, qui deviendra le GHT Réunion. Qu’est-ce cela changera ?
I.I.A : Avec cette nouvelle sortie à durée indéterminée, l’ARS Mayotte ne pourra que constater la sortie définitive du CHM du groupement. Ce qui signifie que demain, avec l’ouverture du libéral, des maisons de santé et d’autres établissements que le CHM, nous allons pouvoir faire un nouveau groupement uniquement sur le territoire de Mayotte. C’est ce que nous voulons, cette autonomie, et dire aux Mahorais que tout ne se décide pas à La Réunion. Aujourd’hui, le fonds d’investissement régional verse 72 millions à l’ARS OI, donc ils sont distribués à tout l’Océan Indien. Sauf que 90 % de cette somme va à La Réunion et seulement 10 % à Mayotte. Or avec notre propre ARS, nous en obtiendrons plus. Cette affaire là nous a lésés, nous l’avons échappé belle.
FI : Est-ce la fin de la coopération entre l’île intense et l’île aux parfums dans le domaine de la santé ?
I.I.A : Nous ne voulons pas du GHT, mais pour autant la collaboration avec La Réunion continue et c’est une nécessité. Nous avons beaucoup à prendre et à apprendre de La Réunion et réciproquement. Ne serait-ce que pour les evasan (évacuation sanitaire, ndlr), les conventions doivent continuer car c’est un sujet qui nous lie fortement. Aussi, lors des barrages par exemple, nous avons dû faire appel à des volontaires et des stagiaires de La Réunion et heureusement d’ailleurs ! De même pour la pédiatrie : La Réunion a les médecins et la technicité pour, nous avons besoin de cette collaboration et les conventions vont continuer. La coopération, oui, mais le GHT, non, parce que nous ne sommes pas un même territoire. Mais rien n’empêche d’avoir une liaison. Nous avons besoin l’un de l’autre, mais autrement, chacun avec ses droits.
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