« Ici, les enfants ont moins de lunettes qu’en métropole »

Alors que l’archipel mahorais subit le manque cruel d’ophtalmologues, l’association Unono Wa Matso mène sa troisième campagne de dépistage visuel dans les établissements scolaires. Le but : détecter les troubles visuels et proposer aux parents des solutions pour accompagner leurs enfants.

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L’appareil portatif permet de contrôler la réfraction oculaire. Il permet de détecter les troubles visuels comme la myopie.

Dans deux salles de l’école maternelle Mkadara Hedja de Cavani Sud, à Mamoudzou, les élèves défilent trois par trois, accompagnés par des bénévoles du club Rotary de Mayotte ce jeudi. Les enfants de grande section doivent identifier à quelques mètres du poster des dessins de canards, de papillons, de bateaux… de plus en plus petits, afin de tester leur acuité visuelle. Un test classique, mais qui n’est pas anodin pour les petits Mahorais. La grande majorité n’a jamais vu un ophtalmologue, comme la plupart des habitants de l’île. Alors quand l’association Unono Wa Matso est entrée en contact avec la directrice de l’établissement, Toana Abdallah, pour proposer une campagne de dépistage ce jeudi 14 et vendredi 15 novembre, elle a sauté sur l’occasion. « On manque cruellement de spécialistes, on est devenu le plus grand désert médical de France », se désole la cheffe d’établissement, qui note que les parents, qui ont dû signer des autorisations, « ont tout de suite adhéré ». D’autant que les besoins sont criants. « Ici, les enfants ont moins de lunettes qu’en métropole. Pourtant, sur 100 enfants, 20 doivent avoir des lunettes et 10 d’entre eux ont des problèmes de vue sérieux », constate le docteur Jean- Bernard Rottier, ophtalmologue qui a co-fondé Unono Wa Masto. Et ces problèmes peuvent avoir des conséquences sur la scolarité des plus jeunes.

Alors, 90 élèves de Mkadara Hedja sont testés durant les deux jours grâce à l’appui de l’association Rotary. « On appréhendait un peu au début », reconnaît Yrène Prat, la présidente du club.  Elle est pourtant rompue à l’exercice après une matinée passée dans l’école. La veille, Unono Wa Matso a formé les quelques bénévoles aux enjeux de l’opération. « Le protocole nous a été bien expliqué », affirme la volontaire. Après le test d’acuité visuelle, vient le temps de tester la réfraction de l’œil, pour détecter les myopies par exemple, grâce à des machines portatives. Les élèves aux résultats pouvant indiquer un problème visuel seront recontactés. « On a prévu mardi [19 novembre] une journée au CHM pour faire venir tous les enfants et leurs parents, les recevoir tous en même temps et éviter les prises de rendez-vous compliquées », explique Jean- Bernard Rottier. Selon lui, le plus « dur » ce n’est pas de faire le dépistage en lui-même, c’est d’assurer un suivi et de se procurer les lunettes.

Des lunettes chères à la mauvaise réputation

Le prix ne peut pas être assumé par toutes les familles, « il y a aussi le problème des non-assurés sociaux ». L’association, qui est en partenariat avec l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte, a pour projet de proposer une prise en charge des coûts. Surtout, elle souhaite renforcer le volet prévention et sensibilisation. Le docteur constate que les lunettes ont mauvaise réputation. « Il y a des bruits qui courent sur la nocivité des lunettes. Elles abîmeraient les yeux. J’ai des petits enfants qui en portent, est-ce que j’aurais accepté de leur faire courir un risque ? », tente de rassurer Jean- Bernard Rottier.

Alors pour répondre aux nombreux défis de la santé oculaire mahoraise, lui et Unono Wa Matso ont déjà ouvert deux centres d’ophtalmologie, un à Bandrélé et un à Hamjago. Une infirmière formée, salariée de l’ARS, y reçoit et examine les patients avant d’envoyer un bilan à un ophtalmologue à distance. Un système qui permet de désengorger les listes d’attente des rares professionnels de la vue sur l’île. Jean-Bernard Rottier se veut tout de même optimiste sur le développement du suivi sur l’île : « On peut y arriver, dans trois à quatre ans ».

Fraîchement arrivée sur l’île, je suis journaliste à Mayotte Hebdo et Flash Infos. Passionnée par les actualités internationales et jeunesses, je suis touche-à-tout. Mon allure lente et maladroite à scooter vous permettra de me repérer aisément.

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