Les enfants prématurés, l’autre enjeu des 10.000 naissances annuelles

Chaque année, quelque 1.000 prématurés naissent au centre hospitalier de Mayotte. Si ce chiffre est semblable aux autres territoires d’Outre-mer, il met surtout en lumière les multiples facteurs de risque, le difficile suivi de grossesse et les conséquences néfastes pour les nouveau-nés. Un enjeu de santé publique rappelé à l’occasion de la journée mondiale de la prématurité, qui repose sur la nécessaire coordination des actions.

« Il s’agit d’un enjeu de santé publique. » Président du réseau périnatal de Mayotte (Répéma) depuis quatre ans, le docteur Soumeth Abasse ne cache pas son inquiétude au moment d’évoquer les quelque 1.000 prématurés annuels du 101ème département. « Dans les Outre-mer en général, ici comme en Guyane ou chez nos voisins de La Réunion, nous sommes aux alentours de 10 ou 11% contre 7% en métropole… C’est énorme ! » Un pourcentage qui se justifie notamment par la présence plus nombreuse de maladies maternelles, telles que le diabète et l’hypertension artérielle, mais aussi d’infections utérines ou urinaires dans les territoires ultramarins.

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Des facteurs qui s’ajoutent à un suivi de grossesse local moins complet qu’ailleurs… « Il est conseillé que les femmes enceintes puissent voir mensuellement leur sage-femme, leur gynécologue ou leur médecin pour faire le point et prendre part aux trois échographies », poursuit le professionnel de santé à l’occasion de la journée mondiale de la prématurité qui se déroule ce 17 novembre. Or, bien souvent, ce quota est loin d’être respecté. Pour une raison principalement socio-économique : un accès à la santé limité pour certaines, une arrivée à la dernière minute sur le territoire pour d’autres. Sans oublier l’âge puisque celles qui ont moins de 18 ans ou plus de 35 ans multiplient les risques.

Des altérations sur le développement psycho-moteur

Si les bébés proches du terme – après la 33ème semaine d’aménorrhée – présentent des complications mineures après la naissance, c’est une autre paire de manche pour les extrêmes prématurés (nés à partir de 25 semaines ou avec un poids de 500 grammes), susceptibles de subir des séquelles et des altérations sur le développement psycho-moteur, telles qu’une paralysie cérébrale, des troubles d’apprentissage et de langage, etc. Selon les données présentées lors du colloque sur la grande prématurité de 2016, leur durée d’hospitalisation en néonatologie varie d’un à quatre mois. Pour un coût annuel de prise en charge dans le service de l’ordre de cinq millions d’euros.

Une fois sorti du système hospitalier, il est indispensable qu’il y ait « un suivi médical et éducationnel jusqu’à 7, 8 ou 9 ans », insiste le docteur Soumeth Abasse. Et sur ce point, les réponses apportées restent encore en-dessous des attentes… Heureusement, le réseau périnatal de Mayotte peut toutefois compter sur le centre d’action médico-sociale précoce pour assurer, par exemple, le dépistage. « Nous partions de loin lors de mon arrivée il y a dix ans. Désormais, il faut que tout le monde, pas seulement le centre hospitalier de Mayotte, tire dans le même sens pour suivre l’évolution de ces enfants vulnérables et avoir une homogénéité. »

Un long chemin reste donc à parcourir, notamment en termes de ressources humaines, de concertation et de coordination. « Il faut faire en sorte que les PMI (protections maternelles et infantiles) puissent recevoir sans difficultés les femmes enceintes et que les médecins libéraux apportent les bons conseils », martèle le praticien en néonatologie, tout en évoquant les tournées du camion mobile du Répéma aux quatre coins de l’île pour se rendre dans les quartiers reculés et rencontrer une population de plus en plus précaire. « Il n’y a que de cette manière que nous arriverons à lutter contre ce taux élevé. Certes, nous avons l’impression qu’il y a un petit mieux depuis 2010, mais nous pouvons faire beaucoup plus ! »

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