Le directeur de la sécurité sociale à Mayotte : « J’entends l’impatience des Mahorais à être le plus possible dans le droit commun »

En visite à Mayotte pour deux jours, le directeur de la sécurité sociale Franck Von Lennep et le directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, Renaud Villard, sont partis à la rencontre des acteurs sociaux mahorais. Des moments de partage qui leur ont permis de s’imprégner de la réalité du terrain sur l’île, encore loin des standards nationaux. Le grand patron de la sécurité sociale se veut rassurant, la convergence des droits est en cours de réalisation, mais les Mahorais devront patienter encore quelques années.

Flash Infos : Quel est l’objet de votre visite à Mayotte ?

Franck Von Lennep : Je suis venu avec le directeur général de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et si nous sommes là c’est pour écouter, discuter et échanger à la fois avec les équipes de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, et puis avec les acteurs extérieurs. On peut suivre les dossiers depuis son bureau mais c’est toujours mieux d’être sensibilisé au contact des acteurs. Puis je suis aussi là pour regarder les processus de gestion et faire remonter toute sorte de situation qui pourrait être améliorée. Donc nous repartirons avec toute une liste de choses que nous allons regarder avec Renaud Villard et faciliter la vie des agents de la caisse.

FI : Pendant deux jours vous avez rencontré les acteurs sociaux mahorais. Quelles sont leurs principales préoccupations ?

FVL : Je rencontre des acteurs très variés qui ne disent pas tous la même chose. Deux choses me frappent, l’une positive et l’autre plus complexe. La première est qu’il y a beaucoup de choses à construire dans le champ de la sécurité sociale et c’est enthousiasmant même si la charge de travail est lourde, on ne s’ennuie pas, on travaille ensemble. Je rencontre beaucoup de gens qui ont envie de construire la sécurité sociale à Mayotte. L’autre élément plus compliqué, qui va même au-delà de la caisse, c’est la difficulté à attirer les compétences. Par exemple en visitant le Centre hospitalier de Mayotte j’ai constaté qu’il est assez moderne mais sa première difficulté est le manque de compétences, ils n’arrivent pas à faire venir les médecins.

FI : Une ordonnance a été publiée le 1er décembre 2021 et elle réforme en quelque sorte le système de la sécurité sociale à Mayotte. En quoi sera-t-elle bénéfique pour les Mahorais ?

FVL : Elle a plusieurs objectifs. D’une part elle met en œuvre les engagements du président de la République qu’il avait pris en 2019 sur l’amélioration des droits retraite en validant les périodes exceptionnelles entre 1987 et 2002. C’est-à-dire si une personne a des trous dans sa carrière, on lui accordera un certain nombre de trimestres qui bénéficieront au calcul de sa retraite.

Cette ordonnance étend à Mayotte certaines prestations, des anciennes et des nouvelles. À l’exemple de la création du nouveau congé de paternité qui sera applicable en juillet 2022, la création de nouvelles aides d’allocations pour les personnes qui accompagnent ceux en fin de vie ou les enfants handicapés etc. Et puis elle permet l’accès à de nouvelles prestations familiales. On va installer le complément de mode de garde d’enfants en deux phases, en 2022 puis 2023.

FI : Les Mahorais réclament une convergence des droits depuis des années, et ici on a l’impression que cela se fait lentement. Pour quelles raisons ?

FVL : J’entends l’impatience des Mahorais d’être le plus possible dans le droit commun. Tout cela se construit dans la durée. Si le directeur général de la CNAV est venu avec moi c’est pour témoigner qu’on veut mettre tous les moyens possibles pour accélérer. Il faut rappeler que cette convergence a fait l’objet d’un accord avec l’Etat au moment de la départementalisation du territoire et il était prévu qu’elle s’étale sur 25 ans. On n’est pas encore en 2036. La sécurité sociale en France s’est construite en 50 ans et là on va mettre beaucoup moins de temps pour Mayotte. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a les prestations mais il y a aussi les cotisations, aligner cela à Mayotte signifie une augmentation des cotisations des employeurs. Ce n’est pas simple à anticiper. Les discussions sur ce calendrier ne sont pas fermées, on en aura d’autres pour l’accélérer. Il faut voir le verre à moitié plein, on est déjà allés au-delà des engagements initiaux.

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