La deuxième édition du colloque Mayotte en Santé, organisée par l’association Nariké M’Sada, s’est tenue du 18 au 20 septembre au Pôle d’excellence rurale de Coconi. Les conférences sur les addictions et la santé sexuelle ont eu beaucoup de succès, comme celle sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui a suscité beaucoup d’échanges.
Ce mercredi 20 septembre, une conférence ayant pour thème l’IVG a rassemblé une salle comble lors du colloque Mayotte en Santé. Christine Fleck, sage-femme, a rappelé la procédure médicale et le déroulement des consultations. Une occasion pour la professionnelle d’indiquer que cette procédure est totalement prise en charge au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), sans avance de frais. Les femmes peuvent ainsi accéder jusqu’à sept semaines de grossesse à une IVG médicamenteuse. Entre sept et quatorze semaines, on procède par chirurgie.
Wardal Chanrani, qui travaille en Protection maternelle et infantile (PMI), assure, elle, l’entretien psychosocial obligatoire pour celles qui souhaitent recourir à une IVG. « Notre rôle est de faire le point sur l’état émotionnel de la patiente et de la rassurer. Il n’y a aucun jugement ou remise en question du choix de la patiente, et cet entretien est confidentiel », assure la professionnelle.
L’avortement, un tabou qui persiste
Des rappels lors de cette table ronde qui semblent nécessaires. « À Mayotte, il y a eu les mouvements pour revendiquer le droit à l’IVG, mais aujourd’hui, on a l’impression d’un retour en arrière », regrette Laoura Ahmed, directrice du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui insiste sur la nécessité de démocratiser une information claire et objective sur l’IVG. Cette dernière explique que la place de l’Islam dans la culture mahoraise rend le recours à l’avortement tabou. « Les femmes vont entendre leur père leur dire que c’est contre la religion. Or, on ne trouve pas d’interdiction au recours à l’IVG dans les textes », assure-t-elle. Un tabou qui a pour conséquence que Laoura Ahmed a déjà reçu des femmes ayant essayé de pratiquer des avortements elles-mêmes, avec des breuvages à base de plantes.
Le Cadi Saïd Ali Mondroha était présent pour exposer le point de vue des religieux sur la question. Un exercice compliqué face à une assemblée composée majoritairement de femmes, comme lui-même l’a souligné au début de son intervention. « J’aimerais qu’on puisse se réunir avec tous les professionnels pour échanger sur la question », a-t-il assuré, optimiste et persuadé qu’un terrain d’entente idéologique pouvait être trouvé sur le sujet.
Un public particulièrement attentif
Le public a ensuite eu de nombreuses questions et réflexions, montrant l’importance du débat. « Le fait que l’IVG n’est pas directement interdite dans les textes, je ne le savais pas, il faut que les Mahorais le sachent », a affirmé une spectatrice. « Il me semble que dans les textes, il est écrit que le souffle de vie n’arrive qu’au 120ème jour, est-ce que la religion ne pourrait pas trouver un terrain d’entente dans ce passage ? », a demandé une autre.
Le sujet a eu l’air de susciter un tel intérêt que la table ronde a été prolongée après une autre conférence. Moncef Mouhoudhoire, président de l’association Nariké M’Sada, s’est même dit disposé à organiser un événement à part pour parler du sujet. « Le but de ce colloque, que l’on souhaite renouveler annuellement, est de créer un espace de discussion. Cette conférence a eu du succès. De manière générale, les trois espaces ont généralement été complets depuis le début du colloque », commente-t-il après la conférence.
Une discussion nécessaire selon Laoura Ahmed : « Assurer l’accès au droit à l’IVG, c’est protéger les femmes et leur place dans la société. »
Des témoignages de jeunes femmes
Lors de la table ronde sur l’IVG, plusieurs témoignages anonymes de jeunes femmes ont été diffusés. « J’ai eu un problème et ai dû accoucher par césarienne. Je suis retombée enceinte peu de temps après et le médecin m’a conseillé d’avorter, car une autre grossesse à ce moment aurait été dangereux pour ma santé », raconte une première. « Je suis tombée enceinte au lycée. J’ai déçu ma mère, qui a voulu que je garde l’enfant. J’ai dû arrêter d’aller à l’école. […] Aujourd’hui, ça va, mais je regrette d’avoir un enfant, car je n’ai pas l’âge pour ça », déplore une autre.