Mercredi se tenait dans les locaux du SMIAM, à Mamoudzou, la cinquième édition de la Journée « VIH et Hépatites de Mayotte » chapeautée par l’association Nariké M’sada pour les personnes séropositives et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST). L’occasion pour les professionnels de santé de faire un point de situation sur le virus et les autres IST ainsi que de définir les perspectives d’évolution en matière de prévention et de prise en charge.
Sida, hépatites, papillomavirus… « Il ne faut pas se cacher sur la réalité de ces infections à Mayotte ». Tel est le constat du docteur Anne Barbail, médecin et inspectrice de l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte, invitée à intervenir lors de la cinquième édition de la journée d’informations et d’échanges « VIH et hépatites de Mayotte » qui s’est tenue mercredi dans les locaux du SMIAM, à Mamoudzou, sous l’égide de la COVERIH Réunion/Mayotte (Coordination régionale de la lutte contre l’infection due au VIH) . Ce point de situation organisé par l’association Nariké M’sada, qui œuvre pour les personnes séropositives et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) a réuni de nombreux professionnels de santé et institutionnels. Il ressort de leurs échanges qu’il existe des facteurs de risques spécifiques au 101ème département en matière d’IST : les partenaires multiples – avec la pratique de la polygamie notamment – la précocité des relations sexuelles, un accès et un usage du préservatif restreint ou encore le manque de dépistages. À cet égard, « l’objectif est de dépister au plus tôt un VIH pour pouvoir favoriser un diagnostic rapide et un traitement rétroviral efficace », souligne l’inspectrice de l’ARS. Pour autant, « nous avons actuellement du retard en matière de diagnostic ». D’importants efforts restent donc à faire, notamment auprès des populations qui apparaissent les plus exposées au virus.
Plusieurs méthodes complémentaires sont à disposition des personnels de santé et de la population pour dépister le virus du sida. À côté des tests sérologiques classiques réalisés en laboratoire, il existe des Tests Rapides d’Orientation Diagnostique (TROD) qui peuvent être effectués en établissement de santé, dans diverses structures de prévention ou à l’occasion de programmes de dépistage dits « communautaires ». Il y a encore la possibilité d’avoir recours aux autotests, disponibles en France depuis 2015 – »Il y a une vraie demande » pour ces outils, selon le docteur Barbail – mais dont l’usage reste encore très limité à Mayotte. L’entreprise pharmaceutique Copharmay a par exemple indiqué ne fournir qu’entre 4 et 6 autotests Mylan (entre 40 et 50 euros pièce) aux pharmacies mahoraises chaque mois.
« L’intérêt du TROD communautaire est d’aller vers les personnes les plus exposées, c’est ce vers quoi l’on doit tendre, notamment avec les associations », insiste le docteur Barbail. Les personnes prostituées, les usagers de drogues, les migrants ou les personnes précaires font partie de ces personnes particulièrement exposées au risque de transmission. En 2016, « les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes restaient majoritaires » dans les populations les plus exposées, selon les données recueillies par l’ARS. «
Dédramatiser la maladie
Pour le directeur de l’association Nariké M’sada, Moncef Mouhoudhoire, il ne faut pas négliger les chiffres : chaque année, une trentaine de nouvelles contaminations au VIH sont découvertes à Mayotte. C’est beaucoup, mais paradoxalement, cela signifie également que « l’action de dépistage fonctionne », relève-t-il. En outre, « Les choses commencent à changer à Mayotte, avec la transformation de l’ARS océan Indien en ARS Mayotte autonome, ce qui devrait changer la donne en termes de financements » et permettre d’allouer plus de moyens à la lutte contre les IST, espère le directeur. S’il n’est pas question de nier la gravité de la maladie et ses répercussions, il apparaît nécessaire selon lui de la « dédramatiser », alors que les personnes séropositives font encore aujourd’hui l’objet de stigmatisations en tout genre. « La prise en charge médicale du VIH à Mayotte fonctionne comme dans le reste de la France métropolitaine, et, comme nous sommes en France, les traitements – dont le coût moyen peut aller jusqu’à 1000 euros – sont remboursés », ce qui n’est pas le cas de nombreux autres pays du globe, à l’instar des États-Unis, qui ne bénéficient pas d’un système de sécurité sociale tel que le nôtre, souligne-t-il. Par ailleurs, « les personnes séropositives peuvent aujourd’hui avoir une vie normale à Mayotte (…) Elles ont une espérance de vie normale et ont la possibilité de faire des enfants « . Grâce aux progrès des traitements, les porteurs du virus peuvent également parvenir à ce qu’on appelle une « charge virale indétectable », une formule utilisée lorsque la quantité de virus présent dans le sang est très faible, réduisant par là-même les risques de transmission, jusqu’à permettre aux porteurs du virus de devenir, à terme, « non-contaminant ».
« L’infection Hépatite B est majeure à Mayotte »
Le virus de l’hépatite B (VHB) se transmet principalement par voie sexuelle et sanguine. Il s’attaque aux cellules du foie et entraîne l’inflammation de cet organe. Pour Anne Barbail, médecin et inspectrice à l’Agence Régionale de Santé (ARS), « l’infection d’hépatite B est majeure à Mayotte, c’est pourquoi depuis 2012, nous insistons beaucoup sur la vaccination » notamment chez les nourrissons. Selon une enquête de Santé Publique France, le nombre de dépistages en France s’élevait en 2016 à 4,3 millions (+14% par rapport à 2013) avec 33 962 dépistages positifs (+6% par rapport à 2013) pour un total de 45 cas sur 100 000 habitants. Mayotte est à cet égard la région la plus concernée avec 344 cas pour 100 000 habitants, devant la Guyane (183) et l’Île-de-France (145). Sur l’ensemble du territoire, « Il y a une recrudescence des IST à laquelle Mayotte n’échappera sûrement pas », déplore l’inspectrice.
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