La semaine nationale de la dénutrition a débuté le 12 novembre et s’achèvera le 19 novembre. L’occasion de se pencher sur le dispositif “malnutrition infantile” mis en place à Mayotte par la Croix Rouge, le CHM, l’ARS, et la PMI. Depuis sa création il y a presque 3 ans, 500 familles ont été prises en charge. Malgré cela, la dénutrition des enfants reste un fléau à Mayotte.
Du haut de ses deux ans, Réhéma est une petite fille timide qui ne lâche pas sa mère d’une semelle. Sa silhouette frêle laisse deviner une santé fragile. Il y a encore quelques mois, Réhéma ne marchait pas. Trop fragile, trop mince, son corps n’avait pas assez de force car elle souffrait de dénutrition. La petite fille habite avec ses parents, et ses 7 frères et soeurs dans les hauteurs de Kaweni. Leur foyer est encerclé de toutes sortes de déchets, d’eau de pluie ou de puits stockée par n’importe quel moyen. “Je vous avais dit de jeter tout cela et de ne pas stocker de l’eau. C’est ce qui entraîne les maladies”, rappelle Riziki, référante à la Croix Rouge. Elle suit le cas de Réhéma depuis maintenant 6 mois. La petite a été envoyée d’urgence par la PMI qui a constaté un poids en deçà de la normale à son âge, suite à une diarrhée aigüe. Elle a immédiatement été intégrée dans le dispositif “malnutrition infantile” de la Croix Rouge qui existe à Mayotte depuis bientôt 3 ans.
Le programme consiste à prendre en charge des enfants âgés de 6 mois à 5 ans atteints d’une dénutrition aiguë par manque d’apport. Les 3 agents de la Croix Rouge chargés de cette mission doivent s’assurer de leur bien-être. Ils éduquent les parents aux bonnes pratiques d’hygiène et d’alimentation pour qu’à leur tour, ils puissent prendre soin de leur progéniture dans les meilleures conditions. “Certaines familles sont très réticentes, elles ne veulent pas que nous entrions dans leur intimité. Dans un premier temps, nous essayons de faire comprendre aux familles pourquoi leurs enfants perdent du poids afin qu’ils prennent conscience de la gravité de la situation”, explique Riziki. Le cas de Réhéma était assez grave. Sa mère, Anrafa, s’en souvient encore. “Nous n’avons pas d’eau courante à la maison alors je donnais à mon bébé de l’eau non potable sans la faire bouillir. C’est ce qui a déclenché la diarrhée. Elle ne mangeait plus rien, elle a même refusé mon sein.” Anrafa révèle qu’avant d’être prise en charge par la Croix Rouge, sa fille ne mangeait que deux fois par jour et son alimentation n’était pas très variée. La petite était donc en carence de certaines vitamines et nutriments essentiels à sa croissance.
Après 6 mois de suivi, Réhéma a retrouvé la forme, elle peut même marcher et courir. “Maintenant, j’ai compris l’importance d’une hygiène propre et d’une bonne alimentation pour l’enfant. Elle mange toujours la même chose que nous, mais c’est plus diversifié. Je lui donne aussi des produits laitiers et des fruits”, précise Anrafa. Tout cela a également été rendu possible grâce aux bons alimentaires donnés par la Croix Rouge à la famille.
Un travail qui dure sur le long terme
À Koungou, au milieu des bidonvilles, une famille a pu bénéficier du dispositif “malnutrition infantile” il y a deux ans. Dasmi 3 ans et Haïda 8 ans souffraient aussi de dénutrition lorsqu’elles ont été prises en charge par la Croix Rouge. “La plus petite ne mangeait pas du tout, je la voyais maigrir à vu d’oeil. C’est la PMI qui m’a fait comprendre qu’il fallait y remédier rapidement”, se rappelle Mamazelle, leur mère. Leur habitat insalubre a accéléré cette perte de poids qui a également touché Haïda, l’aînée d’une fratrie de 5 enfants. Les parents élèvent des poules et des chèvres dans la cour et les animaux se mélangeaient avec les enfants. À cela s’ajoute une maison en tôles qui n’est pas adaptée à des enfants. “Le sol était en terre et poussiéreux. Il y avait des réchauds remplis de pétrole dans la pièce où jouaient les gamins”, se souvient Riziki, la référante Croix Rouge. Aujourd’hui, le sol de la maison n’a pas changé, mais les réchauds ont été mis hors portée des enfants suite aux recommandations de Riziki. Et les deux petites filles ont bien grandi.
“Beaucoup nous avouent ne pas avoir les moyens d’acheter à manger à leurs enfants. Alors nous leur disons de privilégier les produits locaux qui sont très bons pour la santé et qui sont moins chers. Nous élaborons avec eux des paniers variés”, explique Riziki. Mamazelle applique les conseils qu’elle a reçus il y a des années avec son nouveau nourrisson, âgé de 3 mois. “Avant, j’ignorais tout, je ne savais pas comment m’occuper d’un enfant. Maintenant, grâce à ce programme j’ai appris plein de choses”, se réjouit la mère. Cette dernière s’est même improvisée conseillère auprès de son entourage. “Je leur donne des astuces pour que leurs enfants ne soient pas dans le même cas que les miens. Et je les envoie vers Riziki pour un suivi plus approfondi.” Réhéma, Dasmi et Haïda font partie de ceux qui ont eu la chance d’être pris en charge par la Croix Rouge. Mais combien continuent à souffrir de dénutrition en silence dans le 101ème département français ? Riziki et ses collègues le savent, ils ne pourront pas sauver tous les enfants de ce fléau.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.