Alors que le confinement semble peu respecté et que la tension hospitalière atteint des records, la préfecture et l’agence régionale de santé ont signé une convention pour confier à l’association Mlezi Maoré le soin de former et coordonner des équipes de médiateurs sanitaires. En tout, une centaine de parcours emploi-compétences et services civiques vont être recrutés pour véhiculer les messages de prévention contre le Covid-19.
Au fond de la classe, une femme agite son affichette plastifiée dans le vain espoir d’obtenir un peu d’air frais. Difficile de respirer sous les masques que chacun porte bien ajusté sur son nez, en cette lourde après-midi de saison des pluies… Mais pas question de laisser dépasser une narine ! Dans quelques jours, il reviendra aux élèves attentifs de cette classe de donner l’exemple. Ce mardi à l’école de la deuxième chance – normalement fermée au public pour cause de confinement – l’association Mlézi Maoré accueillait sa toute première promotion de médiateurs sanitaires. Objectif : envoyer ces équipes sur le terrain, au plus près de la population, pour “passer les bons messages sur le Covid-19 et les gestes barrières”, explique Aurore Tersou, la coordinatrice des groupes de médiation à Mlézi Maoré.
À l’origine de cette mission, l’agence régionale de santé et la préfecture, qui ont signé ce mardi leur convention pour officialiser le dispositif. Et ainsi laisser le soin à l’association de mener à bien cette tâche “essentielle pour casser la diffusion du virus”, insiste la directrice de l’ARS. “Nous ne pouvons nous contenter d’envoyer des messages de “sachants”. L’idée est de déployer un réseau de partenaires présents sur le terrain, pour parler à cette population qui n’est pas toujours francophone, qui peut être loin de l’information ou qui peine à décoder les messages parfois tordus des réseaux sociaux”, développe Dominique Voynet à l’occasion de cette signature commune. Une nouvelle corde à leur arc en somme, face à un confinement peu respecté et qui tarde à lever la pression sur l’hôpital. Ce mardi, le CHM accueillait encore 185 personnes hospitalisées pour cause de Covid. Et quatre nouveaux décès étaient à déplorer…
140 médiateurs envoyés partout sur l’île
Le message du jour ? “Nous ne capitulons pas !”, martèle le préfet Jean-François Colombet. “Nous lançons d’autres idées, d’autres armes pour tenter de faire comprendre aux individus l’importance de se protéger et de protéger les autres”, revendique-t-il. “Cette convention, c’est cela : mettre ensemble les moyens pour que des jeunes gens au contact de la population puissent porter ce message”. Et en parlant de moyens, l’État n’a d’ailleurs pas lésiné ! Au moins un million d’euros sont prévus pour financer les quelque 140 médiateurs envoyés dans chaque commune et village de l’île. Plus précisément, douze encadrants seniors en CDD – qui devront par ailleurs être formés pour réaliser des tests antigéniques -, 50 parcours emploi-compétences et 50 services civiques. Soit, en posant la division, une belle enveloppe qui devrait permettre à Mlézi de dérouler le dispositif bien au-delà du confinement.
Un “coup pour l’avenir de Mayotte”
“Ils ont mis les moyens ! Nous avons deux formatrices qui ont été formées par l’ARS et qui ont ensuite créé ces modules de formation d’une journée”, précise la coordinatrice de Mlézi Maoré. Si le choix s’est porté sur la plus grosse association de Mayotte, c’est avant tout pour répondre à l’urgence et “être opérationnels tout de suite”. Et justement, pour démarrer sur les chapeaux de roue, ce mardi, ce sont en réalité les groupes de médiation citoyenne – lancés en juin 2020 pour prévenir les conflits – qui ont été les premiers à bénéficier de la formation. “Ce n’est pas qu’un coup pour le Covid, nous semons aussi les graines pour l’avenir de Mayotte”, souligne Dominique Voynet, en rappelant son ambition de développer la prévention en créant des réseaux de surveillance sanitaire. Ces groupes de médiation pourraient donc être amenés à intervenir sur d’autres sujets.
La preuve en images, alors que la directrice de l’ARS et le préfet se sont prêtés au jeu de rôle avec la première fournée. “Le Covid ne s’attrape pas par le moustique, ça c’est la dengue”, explique un jeune médiateur, un peu stressé face à cet habitant imaginaire incarné avec brio par Jean-François Colombet. “Et moi, Monsieur, j’ai un problème avec ma mère malade, je dois m’en occuper, mais comment je fais avec ce virus, si je ne dois pas l’approcher ?”, surenchère Dominique Voynet. Mince, c’est la colle ! “Vous pouvez demander de l’aide à votre voisin…”, hésite le participant, visiblement embarrassé. Mauvaise pioche ! Pour sa défense, la recrue ne suit la formation que depuis 8h ce matin… “Bon il faudra peut-être repasser sur cette leçon-là !”, s’amuse le préfet. Tout le monde hoche la tête : “Oui, oui, pour certains il faut peut-être deux jours de formation.” Ou des anti-sèches ?