Gestes barrières obligent, la prudence est de mise pour donner aux bénéficiaires les précieux bons alimentaires d’urgence. Mais alors que le confinement a été prolongé de deux semaines, les nouveaux candidats continuent d’affluer.
Il est à peine 9h, et une première femme signe déjà la liste pour récupérer ses deux bons alimentaires. Ce mardi, l’association Mouvement pour une alternative non violente (MAN) océan Indien organisait une nouvelle distribution à M’Tsapéré. “On en a distribué 100 ici la semaine dernière, ça représente 50 familles”, retrace Cyndie Pernet, la gestionnaire de l’association. En tout, sur les trois secteurs de Mamoudzou où il est présent, le MAN a écoulé quelque 600 bons de vingt euros. Un peu plus de la moitié de son stock, livré par la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), il y a environ deux semaines. Et une goutte d’eau dans l’océan, tant les besoins sont criants sur l’île aux parfums.
Alors que le confinement a été décrété il y maintenant près de quatre semaines, le dispositif d’aide alimentaire d’urgence a connu quelques retards à l’allumage. Le 18 février dernier, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et le ministre de la Santé Olivier Véran avaient annoncé en ce sens un soutien de 1,6 million d’euros pour une période de trois mois à Mayotte. Un dispositif, précise le communiqué, piloté par la préfecture en lien avec les collectivités locales et les associations. “C’est un dossier qui roule ! En tout cas, les budgets sont considérables, le sujet n’est pas financier”, se satisfait aujourd’hui Jérôme Millet, le sous-préfet et secrétaire général adjoint à la préfecture.
“Les gens attendent aussi”
Ça roule, mais doucement quand même. Après quelques accrocs entre l’Union départementale des centres communaux d’action sociale (UDCCAS) et la Case Rocher, ce sont finalement quatorze associations qui se départagent le territoire, avec le soutien, ou non des CCAS. Tout dépend, en réalité, des mairies qui avaient le choix de signer la convention avec l’État en vue d’organiser l’aide alimentaire. “Finalement, nous, on a fait sans, parce que pendant qu’on attend la convention, les gens attendent aussi”, explique Cyndie Pernet. Désormais, à Mamoudzou, son association gère les quartiers de Cavani et M’Tsapéré. Avec Koungou, le MAN organise des distributions dans trois secteurs.
Respect des gestes barrières
Et sur place aussi, les choses prennent du temps, covid oblige. “Kavou masque, kavou bon !”, sourit un membre de l’association à destination des nouveaux arrivants. “Distance !”, s’exclame Cyndie Pernet depuis le haut des marches, au-dessus de la petite place ensoleillée. Force est de constater que la consigne passe. Contrairement aux scènes d’attroupements qui avaient pu être constatées lors du premier confinement, en mars-avril 2020, pendant des distributions de denrées alimentaires, ici, pas de foule ni de cohue au-dessus de la table installée par le MAN. “Vous signez avec ce stylo, pour respecter les gestes barrières”, indique-t-on à l’une des bénéficiaires.
“Avec ça, je vais pouvoir acheter du riz, des mabawas, des pâtes et du lait pour mon bébé d’un an”, énumère Mami, une bénéficiaire, qui vit avec sept enfants dans le quartier de Mandzarisoa à Mamoudzou. Dans sa pochette, la mère de famille a soigneusement rangé ses papiers d’identité et les actes de naissance de ses enfants. Indispensables pour espérer repartir avec ses deux tickets de vingt euros, qui peuvent être dépensés dans les enseignes Sodifram, Sodicash, Baobab, Hyper Discount, et Jéjé.
Cinquante bénéficiaires sur la matinée
Comme elle, ce mardi, ils sont une cinquantaine à avoir apposé leur signature pour récupérer le précieux sésame. Les bénéficiaires sont appelés directement le jour J, “pour éviter les attroupements” précise Guilhem, un jeune service civique de l’association. “Mais cela prend plus de temps, et à ce rythme-là, nous allons devoir revenir encore trois ou quatre fois !”, souffle-t-il en tournant les pages de la longue liste qu’il tient entre ses mains.
“J’ai une liste d’au moins 1.500 familles”, chiffre Cyndie Pernet qui se base sur les maraudes effectuées dans les trois secteurs à sa charge, en amont des distributions. “Aujourd’hui, nous avons de quoi donner à environ 200 familles par secteur, alors que nous en avions recensées plutôt 500. Pour faire face à l’urgence, j’ai fait un tri pour privilégier ceux qui avaient le plus d’enfants”, expose-t-elle. Et c’est sans compter ceux qui s’ajoutent, chaque jour, aux listes initiales… “C’est ici les bons ? Vous n’êtes pas venus chez moi pour m’inscrire”, s’étonne ainsi une habitante de M’Tsapéré. Dans le département le plus pauvre de France, le confinement s’étire. Les listes des publics précaires aussi.