Pas d’allègement, mais “un horizon plus clément si chacun joue le jeu”, promet le préfet de Mayotte

C’est reparti. Depuis vendredi soir 18h, tous les Mahorais sont priés de rester chez eux, et ce, pendant trois semaines minimum, sauf exceptions. Aides aux entreprises, économie informelle, immigration clandestine… Le préfet Jean-François Colombet revient pour Flash Infos sur les dispositifs en place pour les trois prochaines semaines.

Flash Infos : Lors du premier confinement, toutes les activités ou presque avaient été stoppées net, ce qui avait conduit à mettre en place tout un panel de mesures de soutien aux entreprises, avec plus ou moins de succès compte tenu des spécificités locales. Quelles mesures sont reconduites cette fois-ci, avec quelles adaptations possibles du dispositif ?

Jean-François Colombet : Le principe, c’est de tout faire pour travailler à domicile lorsque cela est possible. Pour les activités qui ne peuvent s’effectuer depuis chez soi, l’employé peut être autorisé à rejoindre son lieu de travail muni de l’attestation employeur. Tout ce qui ne relève pas du télétravail ou du travail à domicile doit se poursuivre, c’est notamment le cas des travaux publics, du bâtiment, qui est vital pour Mayotte. Dernier cas de figure, celui des commerces fermés, et là, bien sûr, le régime du travail partiel est complètement réactivé. Et nous sommes même intervenus, à la demande des représentants socio-professionnels rencontrés jeudi soir, pour tenter de mettre en place une procédure accélérée pour déclencher l’activité partielle avec le moins de formalités possibles. Cette demande est remontée à Paris, elle est à l’arbitrage du premier ministre.

FI : Qu’advient-il de l’économie informelle, qui représente ⅔ des entreprises marchandes à Mayotte ? L’année dernière, les vendeurs de route étaient rapidement réapparus sur les routes malgré le confinement…

J-F.C. : C’est aussi pour cette raison que je voulais à tout prix éviter le confinement généralisé… Il est évident qu’en interdisant tous les marchés déclarés officiellement, je ne suis pas en mesure de tolérer les marchés non officiels. Tous les vendeurs de bords de route seront donc verbalisés, et nous leur demanderons de partir. Pour les marchés officiels et exclusivement alimentaires, il y a certes une interdiction générale, mais malgré cela une possibilité de déroger si le maire met en place un protocole sanitaire strict : pour gérer les files d’attente, la proximité du public, le nettoyage des produits, pour vérifier que les gestes barrières sont bien respectés, etc. Si toutes ces conditions sont remplies, je peux donner une autorisation dérogatoire, avec comme obligation que ce protocole soit exécuté convenablement. Comme pour le dernier confinement d’ailleurs, souvenez-vous !

FI : Et pour l’aide alimentaire ? Le même dispositif, avec les distributions de bons alimentaires, via notamment les associations dispatchées sur différentes zones du territoire, va-t-il être reconduit ?

J-F. C. : Effectivement. Dès la semaine prochaine, nous distribuerons des bons alimentaires à ceux qui n’auront plus aucune possibilité de subvenir à leurs propres besoins. J’ai d’ores et déjà fait remonter à Paris nos besoins pour trois semaines de confinement. Comme d’ailleurs j’avais déjà lancé les distributions sur les trois communes confinées depuis la semaine dernière. Nous allons travailler avec les associations caritatives et les centres communaux d’action sociale (CCAS), tout cela est en train de se mettre en route et nous avons le soutien massif du gouvernement sur ce sujet, comme sur tout le reste. Pour les seuls bons alimentaires, Paris m’affecte une enveloppe de 550.000 euros par mois. Quant à l’organisation, nous allons remettre en place le même genre de dispositif, car ce que nous voulons éviter, ce sont les distributions de produits alimentaires, qui, comme nous l’avons appris lors du dernier confinement, entraîne une agrégation de personnes et favorise la circulation du virus. Donc dans la mesure du possible, nous favoriserons le porte à porte, ou les retraits auprès des CCAS.

FI : Vous expliquiez jeudi soir que nous allions garder deux vols par jour entre La Réunion et Mayotte. Doit-on s’attendre à une diminution du trafic aérien ?

J-F.C. : Nous allons tenter de les garder, nuance ! Nous n’en sommes pas sûrs. La grande différence avec le confinement de l’année dernière, c’est que nous n’avons pas de mesures administratives qui mettent fin aux liaisons aériennes commerciales. En mars 2020, dans l’urgence, les liaisons avaient été suspendues. Là, ce n’est pas le cas, mais nous sommes très rigoureux sur les motifs impérieux de déplacement au départ comme à l’arrivée, tant sur les vols Mayotte-La Réunion que Mayotte-Paris. Aujourd’hui, des gens peuvent se faire refouler en arrivant à Paris s’ils n’ont pas de pièce justificative. Et bien sûr, nous maintenons les tests PCR 72 heures avant le voyage. Donc nous serons très, très rigoureux, j’insiste là-dessus. Plus nous ferons preuve de sérieux dans la mise œuvre de ces garanties de sécurité, plus nous aurons des chances de maintenir les liaisons commerciales. Qui sont vitales pour Mayotte, car comme vous le savez, ce sont les passagers qui paient le fret dont nous avons besoin. Soit au minimum 50 tonnes de fret par semaine sur les produits indispensables.

FI : Vous allez renforcer la surveillance aérienne en mer, quels en sont les effets bénéfiques ?

J-F.C. : Notre dispositif aérien nous aide à anticiper l’arrivée des kwassas, car il nous permet de voir plus loin que les bateaux. Il peut ainsi nous dire la composition des flottilles de kwassas, souvent organisés de façon très stratégique pour que certaines embarcations fassent diversion… J’ai donc le soutien du gouvernement pour reconduire ce dispositif, ce que je viens de faire pour deux semaines, et éventuellement le pérenniser.

FI : Ce nouveau confinement tombe alors que le gouverneur d’Anjouan a récemment invité la population comorienne à envahir Mayotte et a annoncé la fermeture des frontières, un choix non suivi par le gouvernement central. Allez-vous poursuivre les reconduites pendant le confinement, et avez-vous le soutien de l’Union des Comores ?

J-F.C. : Ce n’est pas la première fois que le gouverneur d’Anjouan fait ce type de déclaration. Nous, nous traitons avec le gouvernement de l’Union des Comores, et il y a eu récemment une déclaration dans la presse qui disait bien que ce n’était pas au gouverneur de traiter de ces sujets. Il faut laisser cet événement dans la dimension qui est la sienne… Et nos relations avec l’Union des Comores sont bonnes. Nous allons poursuivre les éloignements et nos voisins ont très bien compris l’enjeu. Ils savent que nous prenons les garanties pour tester systématiquement tous les étrangers en situation irrégulière que nous éloignons. Pour l’instant, donc, c’est le statu quo.

FI : Le confinement est annoncé pour une durée d’au moins trois semaines. Est-il possible que des allégements soient pris plus tôt si les conditions s’améliorent, comme nous avons pu le voir à Bouéni ? Ou au contraire, un renforcement des mesures ?

J-F.C. : Non, non, pas d’allègement avant trois semaines. Il faut que chaque habitant de l’île prenne sérieusement la mesure de la chose et comprenne que le sort de Mayotte est entre ses propres mains. Le confinement, ce n’est pas juste l’affaire de l’État, des maires, du conseil départemental… C’est chacun d’entre nous, dans sa vie quotidienne, qui doit être amené à adapter ses comportements pour respecter les consignes, respecter les gestes barrières. Il faut que nous soyons performants individuellement pour espérer sortir du confinement. Dans le cas contraire, nous risquons plutôt de le prolonger si la pression sur l’hôpital reste la même, si nous avons encore un nombre de cas exorbitants dans trois semaines… Mais si nous jouons le jeu, cela marchera. Regardez : sur les trois communes que j’ai confinées, il y en a une où le maire est très très engagé, où les habitants ont compris l’intérêt des restrictions et en une semaine nous avons perdu 200 cas pour 100.000 habitants ! C’est la preuve que si chacun y met du sien, nous pourrons bientôt apercevoir un horizon plus clément.

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